samedi 17 août 2013

La Chine célèbre 50 ans de présence médicale chinoise en Afrique

RFI 
16/08/2013 
Par Stéphane Lagarde

Conférence des ministres de la Santé
 lors du Forum sino-africain à Pékin,
le 16 août 2013. 
 C’était il y a 50 ans, la Chine envoyait une petite équipe de médecins en Algérie. Depuis, la coopération médicale chinoise s’est étendue à 43 pays d’Afrique. La plupart d’entre eux étaient représentés au soir du vendredi 16 août 2013 dans la capitale chinoise pour la première Conférence sino-africaine des ministres de la Santé qui s’est conclue par la «Déclaration de Pékin ». Son objectif, redéfinir un partenariat en tenant compte davantage des priorités du continent. 

Comme à chaque rencontre organisée dans le cadre du Forum sur la coopération sino-africaine, les boubous des représentants du continent viennent éveiller la grisaille de la capitale chinoise. Le ballet des bus devant l’immense Centre des congrès du nord-est de Pékin remue la torpeur estivale.

D’ici, impossible de distinguer les infrastructures olympiques plongées dans le brouillard de pollution, le stade du nid d’oiseau et la piscine olympique sont pourtant situés à quelques centaines de mètres du lieu des débats. Les délégués aux visages fatigués par le décalage horaire ne sont pas là pour le tourisme. Il s’agit de célébrer « une nouvelle ère de collaboration pendant laquelle les fonctionnaires d’Etat chinois et africains et d’autres intervenants collaboreront étroitement pour trouver des solutions durables et relever les défis du secteur de la santé » proclame le dossier de presse distribué en chinois, en anglais et en français.

Lutte contre le paludisme 
Le communiqué est écrit dans une langue de bois digne des meilleures armoires Ming, mais derrière de larges sourires, on est aussi venu se dire ce qui doit évoluer. Car si la Chine a fait un bond de géant dans la modernité au cours du siècle écoulé, l’Afrique a également beaucoup changé rappellent en cœur les intervenants. Applaudissements pour les gros efforts réalisés par les médecins chinois en matière de lutte contre le paludisme et d’accès aux soins notamment : « L’ Afrique est le continent qui compte le plus de malades, la coopération chinoise est donc essentielle pour nos pays », affirme l’ambassadeur d’Ouganda à Pékin. Sans oublier de pointer les nouvelles priorités des pays concernés : « Bien sûr nous devons apprendre de la Chine, mais nous ne devons pas oublier de faire nos propres évaluations et définir nos propres stratégies en fonction de nos besoins », poursuivit Ruhakana Rugunda, ministre ougandais de la Santé. Et la diplomatie chinoise de marteler que la Chine n’oublie pas d’où elle vient : « Même si la Chine s’est développée très rapidement ces trente dernières années, elle n’a jamais oublié les pays en développement », rappelait le matin même Xi Jinping dans des propos rapportés au forum par les médecins qui ont été reçus un peu plus tôt dans la journée par le président de la deuxième économie du monde. 

Davantage de transparence 
Quelles sont donc les priorités de la coopération sino-africaine en matière de santé ? Côté chinois, l’accent est mis sur la formation des personnels sur place. Trois mille infirmières et mille médecins bénéficieront de ces programmes dans les trois ans à venir. Là encore, le crédo est celui d’une coopération qui, pour être durable, doit s’adapter aux demandes spécifiques de chacun. « Ce que chaque pays africain demande en fonction de ses besoins de développement doit figurer à l’agenda de la coopération sino-africaine, confie Lucy Chen entre deux sessions. Plus cette coopération avancera, et mieux nous répondrons aux besoins croissants de l’Afrique en matière de santé ». Une coopération mieux adaptée. 

La directrice générale adjointe de l'Institut pour la santé mondiale de l’université de Pékin en veut pour preuve l’effort réalisé par les autorités chinoises en matière de transparence. Le premier livre blanc de la coopération sino-africaine a été publié en 2011 ; le prochain est attendu pour la fin de l’année. « Avant ces chiffres n’étaient pas diffusés, poursuit Lucy Chen, cela montre un changement d’attitude de la Chine qui entend engager une discussion ouverte pas seulement avec les pays africains mais aussi avec d’autres partenaires traditionnels qui connaissent l’Afrique probablement mieux que nous ». 

Hypertension, diabète et cancer 
Les premiers médecins chinois sont arrivés en Algérie au lendemain des accords d’Evian en 1963. Depuis, la Chine a construit 30 hôpitaux et une trentaine de centres anti-malaria sur le continent. Cet effort en termes d’infrastructures médicales doit se poursuivre indiquent les participants. Autre engagement à poursuivre : l’amélioration de l’accès aux traitements via les médicaments génériques chinois. 

Tous les participants au forum sont conscients qu’un meilleur accès aux soins passe aussi par l’autonomisation du continent en matière de médicaments. « Nous avons besoin de transferts de technologies pour établir nos propres laboratoires en Afrique, explique le professeur Awa Marie Coll-Seck. Mais nous devons veiller à ce que ce soit un vrai transfert de technologie, autrement dit, les molécules et les produits de base des médicaments doivent eux aussi être produits en Afrique » poursuit la ministre sénégalaise de la Santé et de l’Action sociale (voir encadré). 

Ce transfert de technologies est d’ailleurs inscrit dans la «Déclaration de Pékin » publiée au sortir de la conférence vendredi soir. Même chose pour la recherche, la prévention et le traitement des maladies non transmissibles sur lesquels le continent accuse beaucoup de retard. L’hypertension artérielle, le diabète et les cancers font partie des défis sanitaires majeurs que l’Afrique devra relever dans les années qui viennent. 

«ON A BESOIN DE TRANSFERTS DE TECHNOLOGIES DE MANIÈRE À OUVRIR NOS PROPRES LABORATOIRES PHARMACEUTIQUES EN AFRIQUE» 
Awa Marie Coll-Seck, ministre de la Santé et de l’action sociale du Sénégal, participe à la conférence sino-africaine de Pékin. Au micro de Stéphane Lagarde, elle dresse le bilan de la coopération sino-africaine, tout en rappelant les besoins spécifiques de ce continent. 

Quel bilan pour la coopération sino-africaine en matière de santé ? 
C’était important de reparler de toutes ces missions chinoises envoyées dans les pays africains pendant cinquante ans. Ces rencontres ont donné lieu à de nombreux témoignages de satisfaction. Tous les pays pratiquement ont reçu des missions, et les équipes chinoises se sont généralement bien intégrées aux équipes sénégalaises, congolaises ou gabonaises pour parler d’exemples que je connais. Donc c’est un bilan positif et qui se termine sur une « déclaration de Pékin » qui pose les jalons d’une plus grande coopération entre la Chine et l’Afrique. La Chine n’oublie pas qu’à un moment de son développement, les pays africains étaient là pour la soutenir et lui donner la place qu’elle mérite sur le plan international. Aujourd’hui la Chine se sent solidaire des pays africains, sachant que le continent enregistre une croissance qui n’existe nulle part ailleurs. L’avenir est en Afrique, cette coopération est donc aussi très importante pour les Chinois. 

Qu’est-ce que le Sénégal attend de cette coopération ? 
Il faut d’abord rappeler les résultats de cette coopération. En matière d’infrastructures, le Sénégal se félicite notamment de la construction par la Chine d’un hôpital pédiatrique de référence à 80 kilomètres de Dakar sur la zone du futur aéroport. Pour l’instant c’est un hôpital de jour mais nous espérons rapidement trouver le personnel suffisant pour une prise en charge des personnes en continu. Le plus bel hôpital pédiatrique du Sénégal nous a été de cette manière offert par la Chine. Autre satisfaction : les efforts réalisée par la Chine en matière de médicaments antipaludiques et dans la recherche pour éliminer le paludisme. 

Les génériques chinois sont-ils la clé d’une santé moins chère ? 
C’est vrai, mais il ne faut pas voir seulement ce que la Chine apporte à l’Afrique et au Sénégal en particulier. Il faut aussi voir le marché ouvert par le Sénégal et les pays de l’Afrique de l’Ouest notamment à des médicaments qui viennent de Chine. En échange, nous demandons aujourd’hui des transferts de technologies de manière à pouvoir ouvrir nos propres laboratoires pharmaceutiques en Afrique. Et cela figure d’ailleurs en bonne place dans la «Déclaration de Pékin». 

Des transferts de technologies à quelle échéance ? 
Les bases de ce transfert de technologies ont été posées par les chefs d’’Etat africains depuis quelques années. Il faut maintenant les mettre en œuvre, tout en prenant garde à ce que les médicaments nous arrivent effectivement moins chers au niveau des prescripteurs et des malades. Nous devons veiller à ce que ce soit un vrai transfert de technologie. Les molécules et les produits de base des médicaments doivent eux aussi être produits en Afrique sinon, nous ne ferons que payer le transport et mettre en capsules. Souvent les produits de base n’existent pas sur place et l’Afrique se contente de les importer et de fabriquer des comprimés. Cela ne suffit pas si l’on veut avoir des médicaments de qualité et à moindre coût. 

Cette première conférence est aussi celle des priorités africaines 
On a effectivement beaucoup parlé de l’appui que la Chine pouvait apporter mais par rapport à nos programmes, à nos priorités. Ce n'est plus : on apporte ce qu’on veut et vous en faites ce que vous voulez. On veut une aide qui soit utile à l’Afrique. Il y a quelques années nous n’étions pas en mesure d’imposer ces conditions car on était demandeurs, aujourd’hui nous sommes capables de négocier. Ce n’est pas parce qu’on a des besoins et qu’on est encore des pays en développement qu’on accepte tout. Les pays africains ont leurs stratégies et le monde et la Chine doivent désormais en tenir compte. 

Quels sont les besoins spécifiques du Sénégal ? 
Nous avons encore des besoins en matière d’infrastructures. La plupart de nos hôpitaux sont soit anciens, soit ils manquent d’équipements. Ils ont besoin d’être réhabilités ou de recevoir un matériel moderne. Je vous ai parlé également du transfert de technologies qui est indispensable à un meilleur accès aux soins. Nous avons parlé également des maladies non transmissibles et notamment des cancers qui deviennent importants en Afrique et sur lesquels l’expérience chinoise peut nous aider. Enfin, nous voulons apprendre de la Chine en matière de couverture maladie universelle. C’est un concept qui est très prisé aujourd’hui par les chefs d’Etat africains. C’est même devenu un slogan de campagne lors des dernières présidentielles au Sénégal. L’accès à des soins de qualités reste problématique et les populations exigent que cela change. Les Chinois nous ont affirmé que 95 % de la population en Chine était couverte par la couverture maladie universelle.

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