mardi 27 mai 2014

Le pari risqué par la Banque centrale de la « dédollarisation » de l’économie de la RDC butte aux sévères et stricts préalables de la Banque mondiale

Digital Congo 
26/05/2014

La dernière mission des experts de la Banque mondiale a conseillé les autorités monétaires de la RDC de veiller à faire respecter quatre préalables à la tentative de « dédollarisation » recherchée de l’économie congolaise si l’on tient à préserver sa stabilisation actuelle 

La Banque centrale du Congo (BCC) s’est lancée dans la bataille pour la dédollarisation de l’économie congolaise. Une nouvelle réglementation impose, à partir du 25 septembre 2014, le franc congolais comme principale monnaie de transactions en RDC. L’utilisation des devises étrangères est strictement limitée. Quel crédit accorder dès lors au processus initié par la BCC, lorsqu’on se souvient qu’en février 2014, de passage en RDC, les experts du FMI avaient appelé à la prudence, relevant quatre préalables pour un processus réussi de dédollarisation. La BCC ne jouerait-elle pas avec le feu ? 

La Banque centrale du Congo (BCC) a dévoilé jeudi dernier sa stratégie de lutte contre la dollarisation de l’économie en édictant une nouvelle réglementation de change qui entre en vigueur le 25 septembre 2014. Inscrite dans le schéma de la dédollarisation de l’économie congolaise, cette nouvelle réglementation impose le franc congolais comme seule monnaie de transaction en République démocratique du Congo.

Si la Fédération des entreprises du Congo, associée jeudi dernier à la cérémonie de présentation de cette nouvelle réglementation de change, n’a pas encore réagi officiellement, dans ses rangs cependant, les dissensions sont bien visibles sur l’option levée par la Banque centrale du Congo. Le pari est donc difficile. Et nombre d’observateurs craignent également que la BCC se lance dans une sorte de saut dans l’inconnu. 

Pari difficile 
L’on se souvient à ce propos des préalables qu’avaient soulevés, en février 2014, les experts du Fonds monétaire international (FMI) lors de leur mission en RDC. Dépêchée du 11 au 26 février 2014 en RDC dans le cadre des consultations au titre de l’article IV des statuts du FMI, la mission du FMI s’était clairement exprimée sur le projet de dédollarisation de l’économie, telle que pilotée au niveau du gouvernement, avec comme point focal la Banque centrale du Congo. 

A cet effet, le FMI avait mentionné quatre préalables nécessaires, selon lui, pour réussir, dans le cadre de l’économie congolais, le processus de la dédollarisation. Dans le communiqué diffusé à la fin de leur mission, les experts du FMI soulignaient que « La mission a eu des discussions sur une stratégie de dédollarisation à long terme reposant sur la stabilité macroéconomique, une banque centrale forte et autonome, une supervision financière efficace et une infrastructure financière développée ». 

De l’avis du FMI, une stratégie réussie de dédollarisation repose sur quatre piliers, à savoir : 1. la stabilité du cadre macro-économique ; 2. une banque centrale forte et autonome ; 3. une supervision bancaire efficace ; 4. une infrastructure financière développée ». « Ces piliers, notait par ailleurs le FMI, sont aussi les préalables pour le développement des marchés financiers ». En publiant une nouvelle réglementation de change qui impose dès le 25 septembre 2014 le franc congolais comme seule monnaie de transaction sur le territoire national, la BCC a-t-elle pris en compte les sages conseils du FMI ? A première vue, on en doute. 

De toute façon, la tentative a tout l’air d’un forcing qui porte en soi les germes de son échec. Pourtant en février 2014, concluant les consultations au titre de l’article IV, la mission avait « souligné la nécessité de procéder à la recapitalisation de la BCC et de faire de cette institution une banque centrale autonome et redevable de sa gestion, et à même de se concentrer sur la conduite d’une politique monétaire plus efficace et la préservation de la stabilité du système financier ». Autrement dit, les experts du FMI émettaient de doutes dans la capacité de la Banque centrale du Congo de remplir correctement sa mission, notamment piloter avec succès un processus de dédollarisation. 

Curieusement, c’est avec cette même Banque centrale, sous-capitalisée et ployant sous la charge d’un compte d’exploitation généralement déficitaire, que le gouvernement a confié la conduite du processus de la dédollarisation. Dans ces conditions, la nouvelle réglementation de change de la BCC est d’ores et déjà vouée à l’échec. Dans la mesure où tous les préalables, comme ceux soulevés en février 2014, font extrêmement défaut. 

C’est bien de rétablir la monnaie nationale, le franc congolais, dans ses principaux attributs, mais il ne faut non plus sacrifier la vigueur au profit d’une action qui paraît dorénavant improbable. Dans les circonstances actuelles, la dédollarisation de l’économie congolaise est hypothétique. Et pour plusieurs raisons d’ailleurs. 

Les risques majeurs 
Au-delà des préalables du FMI, il y a au fond la confiance en la monnaie nationale qui passe pour le plus grand handicap. Bien que stable depuis un temps, le franc congolais n’a pas encore récupéré pleinement sa confiance auprès du public congolais. C’est pourquoi les devises étrangères telles que le dollar américain et l’euro continuent toujours à jouer ce rôle de principale monnaie de refuge. Sans compter le yuan chinois qui prend de plus en plus de l’ampleur avec la percée économique de la Chine en RDC. 

La BCC risque aussi de se buter à une grande difficulté, c’est-à-dire sa capacité à disponibiliser les devises au profit des entreprises et opérateurs économiques locaux. Est-ce que la RDC dispose d’un matelas conséquent pour ce faire ? Ce qui n’est pas évident. Car, jusqu’au 16 mai 2014, les réserves en devises de la RDC étaient estimées à 1.836,77 millions Usd, couvrant 8,77 semaines d’importations. C’est dire que la BCC ne peut pas, avec les devises à sa disposition, garantir la convertibilité de la monnaie nationale en dollar américain que pendant environ 9 semaines, soit presque deux mois et demi. 

Si, entre-temps, les opérateurs économiques ne jouent pas franc jeu dans le rapatriement des devises, il y a risque évident que la RDC ne se retrouve un jour à court de devises. Ce qui serait une catastrophe pour l’ensemble de l’économie congolaise. C’est en prenant en compte toutes ces difficultés que le FMI a souligné l’urgence d’avoir une Banque centrale efficace, capable de jouer pleinement son rôle dans un système financier totalement réformé. Or, une telle hypothèse n’est pas envisageable à brève échéance. Autant dire que le processus de dédollarisation, comme entend le mener la Banque centrale du Congo, est voué à l’échec. A terme, il va créer plus de problèmes que prévu. Autant mûrir davantage la réflexion avant de pouvoir s’y lancer. Le Potentiel

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