16/10/2014
Interview : Audrey RONLEZ
Les Docteurs Denis Mukwege et Guy-Bernard Cadière
se sont retrouvés hier au Palace à Ath.
EdA
Tous les jours, au Sud-Kivu, des femmes sont violées et mutilées.
Le Docteur Mukwege se bat pour mettre en place la solidarité internationale.
Son action est malheureusement connue à travers le monde. Médecin-chef de l’hôpital de Panzi (Sud-Kivu), Denis Mukwege œuvre depuis plusieurs années pour «réparer les femmes» victimes de violences sexuelles. Au Congo, le viol est devenu une arme de destruction massive.
Denis Mukwege, plusieurs fois pressenti pour recevoir le Prix Nobel de la Paix et en lice pour recevoir ce jeudi à Bruxelles le prix Sakharov du Parlement européen, était à Ath hier soir. Invité par le Rotary d’Ath, il participait à une conférence-débat. Nous l’avons rencontré quelques minutes avant qu’il ne commence son exposé.
J’ai fait mes études en Europe dans un but très précis: lutter contre la mortalité maternelle. Ce que j’ai fait lorsque je suis rentré au Congo en construisant de nouvelles maternités, notamment et ce, jusqu’au début de la guerre, en 1999.
C’est à ce moment-là que j’ai vu pour la première fois le cas d’une femme qui avait été violée et dont les agresseurs avaient retourné le canon de leur arme dans son vagin pour le détruire. Je n’avais jamais vu quelque chose comme cela.
Et ce n’était que le début… Petit à petit, je me suis rendu compte que cela n’était pas un hasard et que tout était parfaitement organisé. Il s’agit là d’une véritable épuration ethnique.
Quinze ans plus tard, le nombre de victimes est toujours impressionnant. Que faire pour mettre fin à cette barbarie ?
Cela fait dix ans que je témoigne de ce phénomène et je constate quand même une évolution.
Avant, le corps de ces femmes transformé en champ de bataille était un véritable tabou. Aujourd’hui, il est important que cette question soit d’actualité.
En levant des fonds, je travaille depuis quinze ans sur les conséquences de ces mutilations physiques et psychologiques. Et il faut maintenant travailler sur les causes de ce phénomène. Pour cela, il faut le faire connaître pour que la communauté internationale se lève contre ces pratiques intolérables. Il faut que la solidarité humaine se mette en place contre cette barbarie. Je crois que c’est possible.
Vous avez pris sous votre aile plus de 50 000 patientes. Comment envisagez-vous leur prise en charge ?
Nous devons réparer les dommages physiques, mais aussi psychologiques. Et nous y parvenons de mieux en mieux grâce à une collaboration avec la Belgique.
En 2012, j’ai eu l’occasion de visiter le service de laparoscopie de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles.
Suite à cela et à ma rencontre avec le Docteur Guy-Bernard Cadière ici présent, nous avons pu ramener cette technique en Afrique. Et nous réalisons aujourd’hui à Panzi des interventions uniques au monde.
C’est grâce à l’expertise du Dr Cadière et à un matériel de pointe, allié à notre connaissance des mutilations, que nous y sommes arrivés. Nous travaillons avec des femmes traumatisées et pour elles, une intervention chirurgicale est un nouveau traumatisme. Grâce à la laparoscopie, nous ne sommes plus toujours obligés de les ouvrir totalement. Cette technique, nettement moins invasive, leur permet de retrouver une certaine dignité qu’elles ont perdue en devenant esclaves sexuelles.
Par ailleurs, sur le plan médical, on constate que cette technique nous permet de maîtriser au mieux les hémorragies et de limiter au maximum les risques d’infection.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire