20.03.2013
Par Pierre Lepidi
Fiston Mwanza Mujila à la bibliothèque royale, à Bruxelles. | Gael Turine/Agence Vu pour "Le Monde" |
Il rêvait d'être saxophoniste. Mais dans la ville de Lubumbashi, située à l'extrémité orientale de la République démocratique du Congo (RDC), où il est né en 1981, il n'y avait pas de saxophone. Alors Fiston Mwanza Mujila s'est mis à écrire.
Sa passion pour la musique est restée la même. Elle rythme aujourd'hui la vie et même l'écriture du jeune Congolais, médaillé d'or en littérature des derniers Jeux de la francophonie, organisés au Liban, en 2009. "Les mots sont des notes, assure l'écrivain d'une voix douce. J'écris comme si je composais une partition de musique et vois le résultat de mon travail comme un concert."
"RACONTER LE SILENCE DES VICTIMES"
Après un passage en Allemagne, Fiston Mwanza Mujila vit aujourd'hui à Graz, en Autriche. Ses écrits ont été révélés grâce à différents concours organisés à travers l'Afrique – le premier continent francophone – par des organismes comme la Coopération française ou des médias tels que RFI. "Ces concours ont permis l'éclosion de toute une génération d'écrivains, raconte Fiston Mwanza Mujila. J'ai participé à plusieurs d'entre eux, ce qui m'a permis de me familiariser avec tous les styles d'écriture : du conte à la nouvelle, en passant par le poème ou la pièce de théâtre."
Sa fiction "La Nuit", récompensée lors des Jeux de la francophonie 2009, a été imaginée alors que son auteur vivait encore au Congo. C'est une nouvelle noire, brutale, qui décrit la relation ultra violente entre une prostituée et un client dans une ville plongée dans le chaos.
Dans l'est de la RDC, les violences sexuelles – à l'encontre des femmes mais également des hommes – sont fréquentes. Le viol, qui signe la victoire d'un groupe armé sur un autre, est devenu au fil des conflits un instrument de vengeance sur la population. "C'est une arme de destruction massive et le Congo est en tête des classements, lâche Fiston Mwanza Mujila. Avec ce texte, je voulais raconter le silence des victimes, montrer la fragilité humaine."
CETTE MÉDAILLE D'OR A SERVI DE "PASSEPORT"
Quand la fiction a été sélectionnée dans la catégorie littérature, son auteur a décidé de s'envoler pour Beyrouth, avec ses propres deniers. "J'ai alors fait les plus belles rencontres de ma vie, se souvient l'écrivain. J'ai croisé des athlètes, des poètes, des sculpteurs... Au-delà des horizons, des religions et des partis politiques, nous étions tous réunis là parce que nous parlions la même langue. Sur le plan humain, c'est une expérience forte. J'en suis sorti grandi car nourri de contacts."
Cette médaille d'or a servi de "passeport" au jeune auteur qui a ensuite enchaîné les projets. En plus d'animer différents ateliers d'écriture, notamment en prison, il a vu sa première pièce ("Dieu est un Allemand") jouée sur scène dans le cadre d'un festival, à Graz, durant l'été 2012. En mai 2013, son autre pièce de théâtre, "Et les moustiques sont des fruits à pépin", sera également jouée sur une scène autrichienne. Elle raconte l'histoire de héros et de martyrs qui, après un séjour dans l'au-delà, reviennent parmi les vivants pour réclamer des comptes, estimant "être morts pour rien".
Fiston Mwanza Mujila écrit généralement la nuit après avoir rassemblé des petits bouts de papier sur lesquels il griffonne des idées. "Je vois les images mais il me manque les mots. Alors, souvent, j'attends, explique-t-il. Mes textes sont toujours en recyclage." L'auteur ne peut concevoir son avenir sans musique et sans écriture qui, chez lui, vont toujours de pair. Ce qu'il souhaite aussi, c'est continuer à transmettre l'amour des mots, le rythme des phrases : "En Autriche, à Lubumbashi ou ailleurs, je continuerai à animer des ateliers d'écriture." Il se verrait bien devenir tuteur du prochain vainqueur en littérature des Jeux de la francophonie, en septembre, à Nice.
Pierre Lepidi
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