Colette Braeckman
Le Soir 16/12/2010
"La vie est belle".
Un film belgo-congolais de Benoît Lamy et Mweze Ngangura.
Kourou (Papa Wemba) monté à la ville, tombe amoureux de Kabibi.
Comme son patron. Copyright D.R.
Au Congo, au Rwanda et au Burundi, trois anciennes colonies belges, trois pays post-conflits, le socle de la reconstruction passe par la connaissance de leur histoire et donc par l’accès aux archives, celles de la période coloniale, celles du premier demi-siècle d’indépendance. Or durant des décennies, alors que les archives coloniales classées et préservées en Belgique demeuraient largement inaccessibles, la documentation disponible dans ces trois pays subissait de plein fouet les conséquences des guerres, des crises politiques, de l’incurie des pouvoirs publics.
Dans la foulée des cérémonies des 50 ans de l’indépendance du Congo, il était temps de faire un état des lieux, de mesurer les besoins, les attentes, les possibilités de collaboration. Il revenait au Musée royal de l’Afrique centrale et aux Archives générales du royaume de prendre l’initiative en convoquant les spécialistes belges et africains.
Dès le premier jour de ce colloque, il apparaît que ces trois pays reviennent de loin : dans le cas du Congo, Ermeline Lanza Doodoo, directrice adjointe des archives nationales, décrit les effets conjugués des autodafés de Léopold II (qui par deux fois ordonna de détruire par le feu les archives de l’Etat indépendant du Congo !), du transfert précipité décidé par l’autorité coloniale à la veille du 30 juin 1960, de la négligence des autorités qui, par la suite permirent que les archives, entreposées sans soin, soient empilées, vendues, dispersées.
Même constat au Rwanda, établi par Elias Kizazi, directeur des archives nationales : entreposées dans le stade Amahoro, les archives, durant le génocide de 1994, furent utilisées comme matériel de chauffage et de couchage par les réfugiés qui occupaient les lieux… Quant au Burundi, après des années de désordre, il essaie lui aussi de récupérer, en Allemagne, en Belgique, à Dar es Salaam, les documents de l’époque coloniale. Nicodème Nyandwi, cofondateur de SOS Archives, a ouvert un Centre de civilisation burundaise.
Cette réappropriation de l’histoire ne se fait pas sans mal : l’historien et chercheur congolais Isidore Ndaywel fait état des réticences rencontrées par les chercheurs africains lorsqu’ils s’adressent aux services belges. Pour lui, ces difficultés, délibérées ou non, génèrent des mythes et des malentendus, comme si la Belgique, après si longtemps, avait encore des secrets qu’il fallait dissimuler à tout prix ! Dans un autre domaine, celui de la recherche des ascendants belges d’enfants métis, l’anthropologue Bambi Ceuppens a fait état de blocages comparables, cette fois au nom du respect de la vie privée.
Les films aussi
Les archives de nos anciennes colonies s’étendent également au domaine audiovisuel : si le cinéma était l’un des outils de la propagande coloniale, il fut aussi l’un des moyens d’expression favoris des Africains. Mais là aussi, l’historien Guido Convents relève une différence de traitement : les films produits par le cinéma colonial ont été conservés et digitalisés avec le soutien de la Coopération belge alors que les œuvres réalisées par les Congolais après l’indépendance sont restées largement ignorées du public belge, à quelques exceptions près comme le célèbre La vie est belle de Mwenze Ngangura et Benoît Lamy. Trois jours de colloque à Tervueren devraient permettre de tracer des pistes pour une meilleure préservation du patrimoine commun.
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