Congo Indépendant
31/05/2011
Le chef de la diplomatie belge, le démocrate-chrétien flamand Steven Vanackere est arrivé dimanche 29 mai à Kinshasa dans le cadre d’une «mission officielle». Il a été accueilli par le vice-ministre congolais des Affaires étrangères, Ignace Gata Ma Vita.
Comme pour annoncer les couleurs, «Joseph Kabila» a quitté Kinshasa dimanche matin. Destination : Abuja, au Nigeria. Il y est invité à la cérémonie d’investiture de Goodluck Jonathan, élu président de la République le 16 avril dernier. Ambiance. Il faut dire que le chahut provoqué en Belgique suite au voyage du prince Laurent au Congo a été "mal pris" dans le premier cercle du pouvoir kabiliste. "La visite effectuée par Laurent risque d’être perçue comme un appui de la Belgique à un des candidats à l’élection présidentielle", clamaient divers hommes politiques.
Dans son édition du week-end datée du samedi 14 mai, le quotidien bruxellois «Le Soir» écrit, sous la signature de Véronique Kiesel, que les «droits de l’Homme» et la «démocratie» devraient être au centre des conversations entre Vanckere et ses interlocuteurs congolais. «Le but du voyage est de soutenir la démocratie», a déclaré le porte-parole du ministère belge des Affaires étrangères. Par démocratie, la partie belge pense aux consultations politiques à venir. Alors que le concept «démocratie» est plus global et implique surtout l’exercice des droits et libertés et particulièrement la liberté d’expression.
Depuis l’élection présidentielle de 2006 à ce jour, la «communauté internationale» est restée sourde et muette face aux excès du régime kabiliste. A Bruxelles, aucun analyste n’est prêt à parier un euro sur la tenue effective de l’élection présidentielle et les élections législatives dans le "délai constitutionnel". Il est de plus en plus question d’un «gouvernement de transition». Question : un gouvernement de transition pour quoi faire? Est-ce pour procéder à un "partage équitable et équilibré du pouvoir" ou pour réaliser certains préalables (récensement de la population, dépolitisation de la territoriale, de l’armée, de la police et des services dits de sécurité...) avant d’aller aux urnes?
«Les dossiers qui fâchent»
Dans la capitale congolaise, le ministre belge des Affaires étrangères devrait aborder des dossiers qui fâchent relatifs aux violations des droits de l’Homme. C’est le cas notamment de l’assassinat de Floribert Chebeya Bahizire, directeur exécutif de l’association de défense des droits humains «La Voix des Sans Voix» (VSV). Une année après ce que d’aucuns qualifient de «crime d’Etat», la justice militaire peine à faire éclater la vérité sur ce qui s’est passé le 1er juin 2010 à l’Inspection générale de la police nationale. Convoqué au siège de la police nationale en vue de rencontrer l’Inspecteur divisionnaire en chef John Numbi Banza, Chebeya a été retrouvé le lendemain sans vie sur la banquette arrière de sa voiture. Il sera également question de la disparition de Fidèle Bazana Edadi, le compagnon d’infortune de l’activiste des droits de l’Homme.
Pour les observateurs, l’évocation du cas Chebeya par un officiel européen s’apparenterait aux larmes de crocodile. «En mars 2010, commente un militant des droits humains, Floribert Chebeya Bahizire était de passage à Bruxelles. Il a tenté sans succès de sensibiliser les autorités belges et européennes sur la dérive autoritaire du régime Kabila et les intimidations dont faisaient l’objet les militants des droits de l’Homme. Pour toute réponse, ses interlocuteurs lui ont dit que la défense des droits de l’homme n’était plus à l’ordre du jour en RD Congo. L’heure était à la stabilisation».
A en croire certaines sources, le patron de la diplomatie belge se proposerait d’aborder aussi le cas du Bruxellois Armand Tungulu Mudiandambu. Accusé, à tort ou à raison, d’avoir lapidé le cortège du président sortant congolais, «Armand» a été arrêté et passé à tabac avant d’être embarqué dans un véhicule de la garde présidentielle pour une destination inconnue. C’était le 29 septembre dernier. Le 2 octobre, un communiqué du parquet général de la République annonçait son décès «par suicide». Sept mois après, la famille Tungulu attend toujours de recevoir le certificat de décès et la preuve de l’inhumation. Les autorités diplomatiques belges ont été saisies à ce sujet par la veuve Tungulu née Nzomina Maloka Philo.
Comme à l’époque de Mobutu Sese Seko après le départ de Mark Eyskens de la tête de diplomatie belge en 1992, les «kabilistes» s’étaient réjouis un peu trop vite de l’arrivée de Steven Vanackere succédant à «l’irrévérencieux» Karel De Gucht promu commissaire européen. Loin est donc l’époque où le chef d’Etat congolais dévisait, sourire aux lèvres, un verre de bière à la main avec «Steven». C’était le 19 janvier 2010 dans une ferme à Lubumbashi. Tel un revenant, De Gucht s’est empressé de dénoncer cette «convivialité» lors de l’émission «De Zevende Dag» de la télévision publique flamande (VRTN) : "Ce qui se passe au Congo est un drame inconcevable. En tant qu’être humain, je n’aurais pas pu me résoudre à avoir un entretien agréable avec Kabila, un verre de bière à la main".
Déficit en image
Depuis ce «premier contact» entre Vanackere et "Kabila", beaucoup d’eau à couler sous le pont. L’assassinat de Chebeya et la disparition du chauffeur de la VSV Fidèle Bazana, l’incident survenu à l’issue de la visite du couple royal belge suite à la parure en diamant offerte à la Reine, le «suicide» d’Armand Tungulu Mudiandambu et la visite chahutée du prince Laurent au Congo sont autant d’événements qui ont contribué au «refroidissement» des relations entre les deux pays. Signe de temps : le «très sympa» Vanackere a radicalisé son discours. Il l’a fait savoir à son homologue congolais lors de la toute dernière session de l’Assemblée générale des Nations Unies : «Depuis les élections de 2006, rien n’a changé en RD Congo.»
La Belgique de 2011 ne fait plus le poids en matière zaïro-congolaise. Le pays patauge depuis une année dans des querelles tribales entre Flamands et Wallons. «Les Belges voués aux intérêts de l’Etat fédéral belge sont de plus en plus rares», ironisent certains chroniqueurs. Pour avoir déserté la région des Grands Lacs durant une décennie (1990 - 1999), le Royaume est supplanté par d’autres acteurs internationaux. Il est de moins en moins écouté sur les questions relatives à l’ex-Afrique centrale belge.
Il reste que le "leadership" (dixit Barack Obama) qu’assument deux pays de l’Union européenne dans la crise libyenne - en l’occurrence la France et le Royaume Uni – redonne à l’Europe un certain poids dans la marche des affaires du monde. La Belgique peut ainsi s’arroger le statut de «mobilisateur international» de bailleurs de fonds pour les élections en RD Congo. Vanackere "traîne" donc derrière lui, les vingt-six autres membres de l’Union européenne. Inutile de relever que dans les milieux européens, l’image de «Joseph Kabila» n’est plus ce qu’elle était lors de la présidentielle de 2006. Les modifications opérées dans la Constitution ont laissé une impression de désillusion.
A Kinshasa, le ministre Vanckere a prévu de s’entretenir avec les représentants des forces politiques les plus significatives de l’opposition et des organisations de la société civile. Il est attendu le jeudi 2 juin à Bujumbura.
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