24/03/2012
Il est difficile de comprendre l’acharnement de l’ONU à dénoncer des violations des droits de l’homme dans le chef des structures officielles de protection et de défense civile en RDC alors qu’une voix autorisée de sa représentation dans le pays avait déjà établi des considérations différentes sur les faits mis en cause
Fait curieux, dans le rapport de son bureau endossé par la Monusco, le BCNUDH ne fait aucune allusion à l’ONG jusque-là incapable de présenter à la Haute cour militaire les preuves en sa détention pour des faits qu’elle avait pourtant documentés ! Que s’est-il passé pour qu’en l’espace de quatre mois, Scott Campbell en vienne à changer d’opinion pour charger abondamment la Gr ? Aurait-il subi des pressions ? Décidément, les élections de 2011 nous réservent bien des surprises…
D’une vingtaine de pages, le rapport « Monusco », qui défraie la chronique depuis le mardi 20 mars 2010 - date de sa publication - porte sur des actes de violence ayant émaillé le processus électoral entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011. Il recense les violations documentées et affirme qu’il y a eu, à Kinshasa, 33 personnes tuées « dont 22 par balle » et 83 autres blessées « dont 61 par balle » ; les auteurs identifiés étant des éléments « de la Garde républicaine (GR), des agents de la Police nationale congolaise (PNC) et de ses services spécialisés », au nombre desquels la Leni et le Gmi. « …dans une moindre mesure », poursuit le rapport, « des militaires des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) n’appartenant pas à la GR ».
L’Anr n’est pas en reste. Bref, c’est tout le dispositif sécuritaire qui est visé, à l’exception des éléments de la Pnc bénéficiant de la formation dispensée dans le cadre de la coopération. C’est au point 35.
Aussitôt la publication faite, Mme Navi Pillay, Haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a affirmé sur Radio Okapi qu’ils ont « reçu plusieurs comptes rendus décrivant la Garde républicaine tirant à balles réelles sur les foules, et d'individus détenus arbitrairement soumis à la torture ». Le ministre Emmanuel Luzolo Bambi, de la Justice et Droits humains, a trouvé ce rapport « gratuit, incohérent et exagéré », avant de relever le fait que «Le gouvernement a demandé la correction de 9 cas de génocide et de beaucoup d’autres allégations du BCNUDH » qui ne sont malheureusement pas repris dans le rapport. Il a réclamé une enquête conjointe BCNUDH-gouvernement pour « éviter que ces genres des choses se répètent ».
Depuis – cela va de soi – les forces politiques et sociales internes et externes se réclamant d’Etienne Tshisekedi rebondissent pour réclamer la vérité des urnes et le dialogue nécessité par la crise « post-électorale ». Comme si le rapport Monusco avait tout d’un agenda caché, mieux d’une carte sortie d’un tour de manche !
Scott Campbell soutient le contraire
Effectivement, on a l’impression d’assister à un spectacle de prestidigitation avec pour magicien vedette Scott Campbell. Tenez ! Dans un article mis en ligne le 2 décembre 2011 sous l’avant-titre « Tentative d’impliquer la Garde républicaine dans les incidents ‘électoraux’ » et le titre « Le coup de Human Rights Watch annonce en réalité la victoire de Joseph Kabila ! », nous avions repris la dépêche du site www.radiookapi.net du 28 novembre 2011 faisant état de l’identification, par les reporters de Radio Okapi, et cela en date du 27 novembre, d’« une dizaine de morts et une quarantaine de blessés dans quelques structures médicales de Kinshasa ».
Le site avait cité les trois formations médicales visitées : hôpital de l’amitié sino-congolaise, hôpital Biamba Mutombo et hôpital Roi Baudouin. Il avait ajouté que : « Le bureau de la ligue des jeunes de l’UDPS a indiqué que la PNC a récupéré, ce dimanche, à la permanence de ce parti, trois autres corps après avoir dispersé les militants de l’UDPS sous des coups de gaz lacrymogènes ».
Dans cet article publié le 2 décembre 2011, deux faits suivants importants avaient été soulignés :
-primo : la même date, l’ONG Hrw, par la voix d’Anneke van Woudenbergelle, avait affirmé sur Rfi la mort de 12 membres de l’Udps abattus, selon ses termes, par la Garde républicaine ! « …des soldats ont tiré de façon indiscriminée le long de la route », a-t-elle dit.
-secundo, le même jour, cette fois sur Bbc, Scott Campbell, représentant du Haut-commissaire des droits de l’Homme en RDC, avait reconnu dans son interview de 5’15 les incidents qui se s’étaient produits à Kinshasa le jour de la clôture de la campagne électorale, mais il n’avait pas impliqué formellement la Gr.
Il avait même dénoncé les actes de provocations des militants de certains partis politiques à l’endroit des forces de l’ordre et enjoint leurs leaders d’arrêter avec cette pratique. Ceci peut être vérifié sur le site Bbc-Afrique. A moins du retrait de l’élément sonore !
Mais voilà que le mercredi 21 mars, le même Scott Campbell soutient le contraire. Radio Rfi formule sa question en ces termes : « …alors la Garde républicaine a partout tiré à balle réelle et à bout portant sur la foule pour disperser la foule, mais vous dites dans votre rapport, qui donne beaucoup de détails, elle a également tiré sur des passants ». Scott Campbell répond : « Tout à fait ; c’était le 26 novembre, le samedi où il y a eu beaucoup de manifestations publiques. Il y avait une grande circulation, surtout entre l’aéroport de Ndjili et le centre-ville. Il y avait un cortège de la Garde républicaine qui a effectivement tiré à bout portant sur la population au bord de la route ».
Le rapport n’a documenté qu’un mort !
A partir de ce retournement inexplicable, mais au moins compréhensible, on réalise combien ce rapport – qui a mis trois mois pour être rédigé et documenté (25 décembre 2011-20 mars 2012), est probablement passé par d’autres mains. Mieux, la Main Noire ! Et pour cause !
Prenons d’abord les points 13, 14 et 15. Au point 13, le rapport affirme ceci : « Entre le 26 novembre et le 25 décembre 2011, l’équipe a documenté 33 cas de civils tués à Kinshasa par des membres des forces de défense et de sécurité, dont 22 par balles ».
Au point 13, il donne ces détails : « Le 26 novembre 2011 et les jours suivants, 17 personnes ont notamment été tuées, dont neuf par balle, par des membres des forces de défense et de sécurité lors du dispersement de membres et sympathisants de l’UDPS aux environs de N’djili, sur le boulevard Lumumba et dans les communes de Masina, Matete et Kingabwa ».
« D’après les informations recueillies par l’équipe, des milliers de membres et sympathisants de l’UDPS et du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) s’étaient, en effet, rassemblés ce jour-là à l’aéroport international de N’djili afin d’accueillir les présidents de leurs partis respectifs, qui devaient y atterrir en milieu de journée. L’ambiance entre les partisans des deux cas était tendue et des policiers et des éléments de la GR avaient été déployés dans le secteur pour contenir tout débordement ».
« Vers 13 heures, le convoi qui venait chercher le président Kabila est arrivé à l’aéroport de N’djili sous les sifflets et quolibets de plusieurs milliers de membres et sympathisants de l’UDPS. Une fois entrés dans l’enceinte de l’aéroport, des éléments de la GR en sont ressortis et ont ouvert le feu pour disperser la foule. Alors que certains éléments de la GR tiraient en l’air, plusieurs autres tiraient à balle réelle sur les personnes rassemblées sur l’esplanade de l’aéroport. ». C’est nous qui mettons en gras cette phrase.
Le lecteur avisé pourra noter dans le rapport de l’ONG Hwr cette phrase : « Lorsque le convoi présidentiel est arrivé avec la Garde républicaine pour escorter Kabila jusqu’en ville, quelques soldats ont tiré en l’air tandis que d’autres tiraient directement sur la foule des partisans de l’opposition ».
Au même point 13, le rapport Monusco poursuit : « Après le départ du convoi reparti de l’aéroport vers Kinshasa sans le Président, les éléments de la GR ont également tiré sur les passants circulant tout le long du boulevard Lumumba qui s’étend de l’aéroport de N’djili jusqu’à Limete, principalement aux quartiers Badara non loin du camp CETA, Mikondo, Mokali, Bitabe, Marché Liberté et la place des Eucalyptus ».
Le même lecteur a le loisir de relever du rapport de l’ONG Hwr cette phrase : « Les soldats ont tiré sans discernement sur des groupes de partisans de l’opposition tout au long du trajet, à proximité d’Arrêt Kingasani, d’Arrêt Pascal, de Marché de Liberté, de Pont Matete et dans la commune de Limeté ».
Le point 13 se termine par ce constat : « A titre d’exemple, au cours de ces incidents, un homme âgé de 39 ans a été atteint par une balle tirée par un élément de la GR alors qu’il s’était rendu à l’aéroport de N’djili pour accueillir le président de l’Udps et qu’il était posté sur la route à quelques mètres de l’aéroport. L’homme est décédé sur le coup ». Comme on peut déjà le relever à ce stade : l’équipe de la Monusco a fait presque du copier-coller en s’inspirant du rapport de Hwr du 2 décembre 2011 !
Au point 15 - c’est important de le retenir - le rapport cite « Un autre cas » illustrant « l’usage excessif de la force par les membres des forces de la défense et de la sécurité ». On est déjà le 28 novembre. Entendez deux jours après le 26 novembre, date où, selon Hwr, il a été recensé 12 morts tués par la Garde républicaine ! Le rapport livre les détails suivants, autour du bilan de 33 morts dont 22 par balles :
- 26 novembre : 17 tués dont 9 par balles
- 28 novembre : 1 tué par balle
- 9 décembre : 13 tués dont 8 par balles
- 10 décembre : 1 tué par balle
- 23 décembre : 3 tués dont 1 par balle.
Le compte donne 35 tués (et non 33), dont 20 par balles (et non 22).
Mais, l’intérêt pour la Gr, n’est pas à ce niveau. Le 26 novembre 2011, le rapport reconnaît avoir documenté un seul mort, cité au titre d’exemple au point 13. Un. La question est de savoir comment on peut comprendre qu’il y ait un mort alors que l’équipe de la Monusco affirme que certains éléments de la Gr « tiraient à balle réelle sur les personnes rassemblées sur l’esplanade de l’aéroport »… La réponse, on le devine, est dans le rapport de Hrw !
Des témoins-victimes relâchés !
Prenons maintenant les points 25 et 27. Au point 25, il est fait état du témoignage d’un cas documenté impliquant la Gr dans l’usage, sur des personnes arrêtées, des substances non identifiées « entraînant la paralysie de la jambe pour l’un et des troubles du comportement pour l’autre. L’une des victimes témoigne : ‘ J’ai été arrêté par la GR le 26 novembre 2011 alors que j’étais à l’aéroport de N’djili et j’ai été acheminé immédiatement avec deux autres militants de l’UDPS au camp CETA situé non loin de l’aéroport de N’djili. (…) »
« Ils disaient que nous sommes des subversifs et qu’ils vont nous rayer de la carte ; (…) une personne a été exécutée dès notre arrivée au camp CETA ; (…) ils nous ont passé à tabac et mon compagnon a perdu ses dents face à la brutalité des éléments de la GR ; (…). Puis, ils sont revenus et m’ont injecté de force dans la jambe gauche un liquide dont j’ignore les effets ; (…) Quelques minutes plus tard, j’ai commencé à perdre l’usage de ma jambe que je ne sentais plus ».
Au point 27, on peut lire ceci : « Trois personnes d’une même famille, arrêtées le 23 décembre 2011 devant leur parcelle, ont été victimes de traitements inhumains ou dégradants, rapportés comme suit : ‘ Ils nous ont menottés et ont commencé à nous tabasser et ont ligoté deux autres. Nous avons étés emmenés au camp Tshatshi (…). Nous y avons trouvé au moins 50 personnes qui avaient été torturées par les militaires de la GR. Ils les ont ensuite couvertes d’une bâche et ont commencé à les poignarder à travers la bâche. Le sang coulait abondamment (…) ».
« Comme il n’y avait pas de place, nous avons été acheminés à un autre endroit (toujours au camp Tshatshi), mais avant d’y être acheminés, nous avons vu des personnes blessées être amenées vers le fleuve en file indienne (…) ». Peut-on un seul instant comprendre que la Gr, présentée en machine à tuer, ait laissé partir des témoins gênants ayant assisté à l’exécution des personnes arrêtées ? Si, et puisque tel est le cas, c’est que la Gr est n’est pas cette machine !
Sources non crédibles
A propos du fleuve Congo, il y a au point 18 des allégations extrêmement graves dans le chef de l’équipe de la Monusco. Il est écrit que « Dans le quartier Kinsuka, dans la commune précitée, le 24 décembre 2011, des témoins ont vu cinq corps qui flottaient sur le fleuve. Deux étaient ligotés et avaient des traces de balle au niveau du front. L’équipe n’est pas en mesure de préciser où ces corps ont été acheminés. Selon les informations concordantes reçues, des personnes témoins de corps jetés dans le fleuve les 26 et 27 novembre 2011 et dans la nuit du 23 au 24 décembre 2011, par des hommes en uniforme derrière le Palais de la Nation.
Selon les informations recueillies par l’équipe auprès de sources crédibles, les hommes en uniforme auteurs présumés de ces exécutions ont éventré les victimes avant de les jeter dans le fleuve afin que leurs corps ne remontent plus à la surface. Etant donné que l’équipe n’a pas été en mesure d’identifier ces victimes, elle n’en a pas tenu compte dans son bilan ».
L’observation à faire est que, d’abord, la sécurité du Palais de la Nation est assurée par la Garde république. Ensuite, côté fleuve, le Palais de la Nation n’est bien visible que du côté de Brazzaville ! Déjà, s’étendant sur plusieurs hectomètres, les installations comptent plusieurs bâtiments et plusieurs jardins.
N’y ayant même accès pas pour des raisons évidentes de sécurité, les pêcheurs ne peuvent pas rapporter les faits documentés. Comment comprendre que la Monusco ne se soit pas préoccupée de fixer l’opinion sur l’endroit exact où ces faits se sont déroulés ? Ces omissions convainquent le lecteur averti que ses sources n’ont rien de crédible…
Equipe Monusco et Hwr
C’est déjà étrange que l’équipe de la Monusco se soit abstenue de citer Hrw au chapitre VII consacré aux « Réponses apportées par les autorités congolaises, la Monusco et d’autres acteurs des Nations Unies et de la communauté internationale », pendant qu’il est amplement démontré que des pans entiers d’informations livrées par cette ONG sont repris dans le rapport du 2 décembre 2011.
On se souviendra qu’en réagissant à la publication de ce rapport, le gouvernement, par la voix de son porte-parole Lambert Mende, avait lancé « un appel à HRW de collaborer avec la justice militaire pour lui remettre tous les éléments de cette information grave » et rappelé l’existence, dans la loi congolaise, d’une disposition « qui oblige quiconque est en possession des telles informations sur les crimes de les porter à la connaissance de la justice ».
Dans le contraire, avait-il conclu, ce serait extrêmement grave. « Si HRW ne se présente pas, on comprendra qu’il s’agissait d’une tentative de discréditer l’Etat congolais », avait-il déclaré en laissant entendre que « Des mesures pourraient être envisagées à ce moment-là contre elle » et précisé au passage qu’« En justice, lorsque vous livrez une fausse information, la personne visée par cette information, notamment l’Etat congolais qui est employé de la garde républicaine, peut se réserver le droit d’aller en justice ».
Depuis, voici quatre mois que le gouvernement attend de Hrw l’acte courageux et honnête de fournir à la Justice militaire les preuves de ses allégations. Force est de constater que c’est plutôt l’équipe de la Monusco qui se substitue à cette ONG. A partir de cet instant, l’équipe disqualifie son propre rapport.
Omer Nsongo die Lema
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