19/09/2014
Il n’y a pas que le sol congolais et ses ressources qui sont l’objet des convoitises des pays voisins et lointains de la RDC prêts à fondre tels des rapaces sur ce pays mais bientôt l’eau de ses rivières, lacs et fleuve ainsi que leurs ressources halieutiques qui vont attiser leur invasion, ce qu’avertit le livre « La guerre de l’eau aux portes de la RDC »
Le président du Sénat de la RD Congo a baptisé jeudi 18 septembre 2014 à Kinshasa le livre « La guerre de l’eau aux portes de la RDC » du sénateur Modeste Mutinga, mais « espère qu’il n’y aura pas de guerre de l’eau ». Léon Kengo wa Dondo a fait un court témoignage, après celui du sénateur Flore Musendu Flungu (expert en environnement), dans lequel il a rappelé que beaucoup de dirigeants de ce monde veulent « décider du sort de la RDC à sa place ».
Modeste Mutinga a révélé que « la question de l’eau douce de nos fleuves, rivières et lacs » le préoccupe depuis sa dernière publication intitulée « La République des inconscients ». « La menace venant des pays voisins qui convoitent cette ressource m’a poussé à sonner l’alerte pour que personne n’en ignore », a expliqué l’auteur de l’ouvrage dans son mot de remerciements aux personnalités congolaises et diplomatiques présentes au salon Lubumbashi du Grand Hôtel Kinshasa (GHK).
« Comprendre et inciter l’élite dirigeante congolaise à l’action »
« La guerre de l’eau aux portes de la RDC » est un excellent ouvrage en sept chapitres dont la quintessence a été présentée par le sénateur Florentin Mokonda Bonza en des termes suivants. D’une superficie de 2.345.000 km2, la République démocratique du Congo est un immense territoire au cœur du continent africain qui partage plus ou moins 7.200 km de frontières avec ses neuf voisins.
A cheval sur l’Equateur, la RDC est dotée d’un réseau hydrographique particulièrement généreux de 39.000 km linéaires comprenant le majestueux Fleuve Congo - 2ème en longueur en Afrique, 2ème également en débit dans le monde -, de nombreux affluents dont les plus remarquables sont l’Ubangi, au nord et le Kasaï, au sud, une multitude de rivières imposantes et de grands lacs.
La position géographique du Congo lui confère une place de premier choix dans la dotation en ressources en eau douce dont les réserves quasiment pharaoniques représentent 60 % au niveau africain et 25 % au plan mondial. Une aubaine certes, mais aussi une source de convoitise et des conflits potentiels! Le bassin du fleuve Congo, le plus important en Afrique, du reste ouvert au commerce international depuis la Conférence de Berlin en 1885, couvre une vaste étendue de 3.730.474 km2 qui, comme tout le monde le sait, va bien au-delà des frontières nationales.
Le compatriote Modeste Mutinga Mutuishayi, Sénateur de son état, journaliste de grande renommée, propriétaire d’une industrie de presse, auteur de «La République des inconscients », compte parmi ceux qui sont préoccupés, d’une part, par la lancinante question des ressources en eau douce de plus en plus rares dans le monde; et d’autre part, par des diverses sollicitations de transfert des eaux de la RDC vers le nord et le sud du continent, ou vers le Moyen-Orient.
Là où le bât blesse, c’est qu’en dépit de menaces à peine voilées de certaines requêtes, la classe politique congolaise, le Gouvernement de la République en particulier à qui incombe la charge de définir et de conduire la politique de la Nation, demeure aphone. Le Sénateur Mutinga cherche à comprendre et veut inciter l’élite dirigeante congolaise à l’action. Professionnel de médias, il affûte sa technique documentaire, grâce à laquelle il rassemble écrits scientifiques, accords, traités et diverses déclarations. De la cogitation à laquelle il se livre et de l’analyse pointillée des données patiemment accumulées, il en sort un opuscule structuré en sept chapitres, du reste, fortement enrichis par six annexes.
Des « craintes légitimes de l’eau » aux « débats inconciliables »
L’œuvre « Le Fleuve Congo et ses affluents : un château d’eau convoité. La guerre de l’eau aux portes de la RDC » se découvre par une petite promenade à travers ses sept subdivisions.
1. Des craintes légitimes, tel est le titre du premier chapitre. Rappelant le cycle de violences dont le pays est victime dans sa partie orientale depuis près de deux décennies sur fond de pillage de ressources naturelles, l’auteur aborde la question de l’eau douce, une autre ressource naturelle nationale abondante.
Soixante-onze pour cent de la surface de la planète Terre sont constitués de l’eau. Cependant de ce volume, l’eau douce n’en représente que 2, 8 % contre 97,2 % de l’eau salée. L’accroissement de la population - 7 milliards de voisins — a entraîné un surcroît de consommation de l’eau pour la satisfaction des besoins des ménages, de l’agriculture et de l’industrie.
D’après les scientifiques du Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat - GIEC -, « 60 % de la population mondiale risquent de vivre dans des zones à forte pénurie d’eau d’ici à 2050 ». Sans langue de bois, le Sénateur Mutinga fixe les idées en pointant du doigt les demandeurs de l’eau du Fleuve Congo ou de ses affluents, mais aussi l’énergie électrique qui en sera produite: les pays du Sahel, l’Egypte, la Libye, le Soudan, les pays de l’Afrique australe.
La Commission du Bassin du Lac Tchad - CBLT - regroupant le Tchad, le Cameroun, le Niger, le Nigeria, la Lybie et la République Centrafricaine a lancé, depuis mars 2014, une Force mixte multinationale de sécurité du Lac Tchad, structure militaire de 3.000 hommes constituée pour veiller sur la sécurité de l’hinterland du Lac Tchad. Déjà en avril 2012, quatre chefs d’Etat réunis à Ndjamena ont décidé d’entamer une étude de faisabilité portant sur le prélèvement des eaux de la rivière Ubangi, affluent du Fleuve Congo, que notre pays partage avec la République Centrafricaine et la République du Congo. Ledit prélèvement permettrait de renflouer le Lac Tchad.
L’auteur constate que, malgré la tenue des sommets de Chefs d’Etat, les conférences en Afrique comme en Europe, les bruits de bottes autour du Lac Tchad et chez nos voisins Centrafricains, Kinshasa demeure attentiste, réservé, voire timoré. Aucune initiative n’est prise. Le gouvernement congolais estime qu’il n’a jamais été saisi. Un bémol, toutefois: le Gouvernement a institué une Commission interministérielle chargée d’élaborer les Termes de référence d’une étude globale sur la problématique de transfert des eaux du Bassin du Fleuve Congo.
2. L’auteur démontre, dans son deuxième chapitre, que le Bassin du Congo constitue un incontestable «Château d’eau de l’Afrique ».
Paradoxalement, le flux que le Fleuve Congo reçoit de certains de ses importants affluents tels que - Ubangi, Kasaï, Aruwimi - se contracte d’année en année. Paraphrasant le Programme des Nations Unies pour l’Environnement, il note qu’au niveau mondial, la consommation d’eau augmenterait de 470 % pour les ménages, de 375 % pour l’agriculture et de 225 % pour l’industrie en 2025 par rapport â 2000.
Or, les données statistiques précises font défaut en République Démocratique du Congo. Plus grave, il n’y a pas de système institutionnel de surveillance qualitative et quantitative des ressources en eau. A titre d’illustration, sur les 127 stations qui collectaient des données météorologiques et pluviométriques existant en 1970, il n’y en a plus que Vingt qu’on retrouve dans les aéroports et non dans les zones agricoles. Sur le même registre, la Régie des Voies Fluviales ne compte plus que 10 stations fonctionnelles de mesurage des fluctuations des niveaux d’eau de surface sur la centaine de l’époque.
3. Dans son troisième chapitre « Guerres de l’eau à travers le monde », le sénateur Mutinga suppute sur le début de la guerre et sur sa forme éventuelle : batailles rangées avec canons et missiles, affrontements politiques et diplomatiques avec procès à l’ONU, autre?
Il décline l’historique des guerres ou conflits ayant l’eau comme motivation principale. Frédéric Lasserre signale trois cas d’abord, la Mésopotamie, à la haute Antiquité; ensuite, l’Asie centrale, au XVIIIème siècle et enfin, l’Israël avec la guerre de six jours, en 1967. Pour lui, la guerre de l’eau n’a pas encore débuté. Forts de demandes diverses et répétées, de multiples rencontres et conférences sur la question de l’eau dans le monde et surtout de la mise en place d’une Force mixte multinationale de sécurité du Lac Tchad, certains milieux congolais pensent que la menace de guerre est plus qu’évidente.
Comment gérer la denrée rare au mieux des intérêts du peuple congolais tout en évitant la guerre ? That’s the question !L’ONU a identifié plus de 300 conflits potentiels en Afrique, en Asie centrale, au Proche-Orient et dans les pays du Golfe, Afin de parer à toute éventualité, le 6ème sommet mondial de l’Eau, tenu à Marseille en 2012, a décrété « l’eau comme un bien de l’Humanité ». La communauté internationale pourrait-elle s’ingérer dans l’élaboration d’une stratégie mondiale de l’eau mettant certains pays mieux dotés devant un fait accompli?
Analysant les Accords - fictifs ou réels - de Lemera, le professionnel de médias focalise son attention sur l’article 4 : « Prêchant le panafricanisme, l’alliance s’engage â céder 300 km aux frontières congolaises, à l’intérieur du pays, pour sécuriser ses voisins ougandais, rwandais et burundais contre l’insurrection rebelle». Il constate notamment que 4 Grands Lacs (Albert, Edouard, Kivu, Tanganyika) et 3 rivières (Semliki, Ruzizi,, Lukuga) font partie intégrante de l’espace à céder aux trois pays voisins.
II s’interroge si les guerres successives à l’Est de la RDC (AFDL, RCD, CNDP, M 23, ADF/NALU) n’auraient pas comme motivation inavouée le contrôle de ces ressources en eau? Il fonde notamment son appréhension sur les multiples tentatives ougandaises de déplacer les bornes frontières sur la Semliki. Sur le même registre, il rappelle que les eaux des Lacs Albert et Edouard ainsi que la rivière Semliki, qui les relie, constituent les sources congolaises du Fleuve Nu. Tout projet initié sur ces eaux serait porteur d’un germe de conflit, ne pouvant laisser indifférents le Soudan et l’Egypte.
4. En consacrant le chapitre 4 au « Golfe de Guinée », l’auteur attire l’attention du lecteur sur les conflits potentiels entre deux Etats voisins à propos de Peau. Dotée d’un littoral de quelque 42 km, la RDC n’avait pas jusqu’en 2009 délimité ses frontières maritimes.
Depuis, cette opération fut réalisée et une loi particulière a été votée au Parlement. Elle dispose aujourd’hui d’un plateau continental de 200 km de long sur 20 de large. Or, le Bloc 15 exploité par la République sœur d’Angola se trouve bel et bien dans son espace maritime.
Ce champ pétrolier offre une production de 600.000 barils par jour qui, normalement, reviennent la RDC. Les deux pays s’en remettent à l’arbitrage des Nations Unies.
5. Le chapitre 5 « Des projets en série », est le pivot de cet opuscule. Il aligne divers projets de transfert des eaux du Bassin du Congo vers le nord tout comme vers le sud.
5.1. Le Lac Tchad représente le plus grand désastre écologique en Afrique. De 250.000 km en 1964, sa superficie serait réduite aujourd’hui à 2.500 km2, avec le risque d’un total assèchement en 2025. Pour le sauver, la solution ne peut venir que des eaux du Fleuve Congo et du Fleuve Nil.
Ce projet est initié par la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT) composée, à l’heure actuelle, de six pays. Deux nouveaux membres, le Soudan et l’Algérie) attendent d’intégrer l’Organisation après la ratification de la Charte.
Le projet consistait en une étude de faisabilité sur le transfert d’une partie des eaux du Bassin de l’Oubangui-Logone vers le Chari pour aboutir au Lac Tchad. Faute de financement, le projet souffre d’un début d’exécution.
5.2. Le projet Transaqua, une idée pour le Sahel, conçu par « Bonifica » bureau d’études italien, remonte au début de la décennie 1990. Il prévoit de construire des barrages de régulation des eaux des rivières Ubangi, Aruwimi, Lindi et Lowa de la RDC, de soustraire une partie de leurs débits à l’effet de renflouer un lac artificiel sur la rivière Ubangi en amont de Bangui.
A partir de ce point, un canal amènerait ces eaux vers la ligne de partage des bassins du Congo et du Chari à une altitude de 600 m. Grâce au canal, les débits seraient acheminés dans le lit du Chari pour alimenter le Lac Tchad et toute la région riveraine.
Ce canal de 2.400 kilomètres charrierait par an un volume de 100 milliards de m3 d’eau, soit environ 3.150 m3 par seconde, en faveur de six ou huit pays membres de la CBLT.
Ce sujet fut abordé au cours du 14ème Sommet des Chefs d’Etat et de gouvernement de la CBLT, tenu le 30 avril 2012 à Ndjamena. Le Secrétariat exécutif de la Commission fut chargé de concevoir un programme quinquennal d’aménagement du Lac Tchad et d’amélioration de l’hydraulicité du fleuve Chari.
Il convient de noter que « le coût estimatif combiné des travaux pour le transfert des eaux interbassins de l’Ubangi au Lac Tchad est de l’ordre de 14,5 milliards de dollars US ».
D’après les études, l’opération de transfert va remonter de 1,5 m le niveau du Lac Tchad et tripler sa superficie dans 4 ou 5 ans.
Si le lobby écologiste conduit par le World Wildlife Fund —WWF- est le principal pourfendeur de ce projet, on ne comprend pas le silence, pour ne pas dire l’indifférence de la République Démocratique, du Congo, pourtant observateur régulièrement invité.
Les autorités congolaises sont conscientes du fait que le prélèvement des eaux de l’Ubangi risque d’allonger la période d’étiage et compromettre gravement la navigation.
5.3. La construction du barrage de la Renaissance en Ethiopie impactera inéluctablement sur le volume d’eau du Lac Nasser qui alimente le barrage d’Assouan, lequel fournit l’électricité à tout le pays des Pharaons.
Le gouvernement égyptien, en initiant le projet du renflouement du Lac Nasser, viserait à obtenir de la RDC un transfert des eaux du Bassin du Congo. Dans ce cas, le prélèvement aurait lieu aux environs de Mbandaka et le transfert se ferait jusqu’à Assouan par pipe-line sur une distance de 2.000 km.
5.4. Le projet Aqueduc Congo-Namf.bfe aurait probablement été conçu en 1998. Il concernerait une demande de transfert des eaux du Fleuve Congo vers le Fleuve Okavango, objet de discorde entre deux pays voisins de l’Afrique australe, le Botswana et la Namibie.
Cette opération serait la contrepartie de l’intervention namibienne en RDC lors du déclenchement de la seconde guerre en août 1998. Pour le Président Sam Nujoma de la Namibie, le projet viserait à prélever les eaux du Fleuve Congo, via l’Angola, vers les sources du Fleuve Okavango sur une distance de 1.000 km. Les gouvernements allemand, chinois et japonais seraient disposés d’assurer le financement.
Le compatriote Nukaka, hydrogéologue au Laboratoire d’Aménagements hydrauliques de la Faculté des Sciences agronomiques- de l’Université de Kinshasa, envisage deux sites pour un éventuel prélèvement: un lac situé en aval de la centrale hydroélectrique de N’SEKE au Katanga ou l’embouchure du Fleuve Congo à Banana.
6. Dans son sixième chapitre portant sur les « Conflits cycliques dans les Grands Lacs », le Sénateur Mutinga affirme que de la déclaration du Président Anouar el Sadate de 1979 à celle de Boutros Boutros-Ghali en 1988, il y aurait un seul fil conducteur: le Nu, source probable d’une guerre future.
La croissance de la population - doublement ou triplement - qui devrait entraîner une augmentation de la consommation d’eau à des fins ménagères, agricoles et industrielles va nécessiter une plus grande offre. Or, la désertification qui s’accélère et le réchauffement de la planète qui se profile à l’horizon ne peuvent qu’en limiter l’offre, notamment au niveau du Nu Blanc qui contribue pour 14 % au flot total du Nil.
Le Nil Bleu, imposant par sa contribution de 86 %, souffre d’un débit irrégulier à cause de fluctuations saisonnières. Toute gestion irrationnelle de l’eau est susceptible d’entraîner des conflits dans le chef des pays riverains.
Alors que ces derniers avaient créé, en 1999, une organisation commune, - l’Initiative du Bassin du Nu (IBN), chargée de promouvoir le développement et la coopération nécessaires à la protection de l’écologie du Nu et d’assurer à tous un partage équitable -, cinq membres, à savoir l’Ethiopie, le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi, ont signé en 2010 un Traité qui remet totalement en cause le traité colonial de 1929, amendé en 1959 par l’Egypte et le Soudan.
Si à la faveur du traité amendé en 1959, l’Egypte et le Soudan s’étaient accaparés de 90 % du capital hydraulique du Nu, octroyant même un droit de veto au premier, le nouveau traité abolit purement et simplement le droit de veto égyptien et ne détermine aucun quota. Voilà un Casus belli !!
Tout accord conclu par les autorités coloniales au nom du Congo ex-belge, est censé engager aujourd’hui la République Démocratique du Congo. Qu’adviendra-t-il si, en toute souveraineté, le gouvernement décidait d’ériger des centrales hydroélectriques sur l’un des cours d’eau qui alimentent le Nil Blanc?
Ce n’est pas tout! La République Démocratique du Congo, membre fondateur de l’initiative du Bassin du Nil, tarde encore à signer l’Accord- cadre.
Le Sénateur Mutinga pense que sa signature lui conférerait la légitimité nécessaire pour prendre une part active aux discussions avec les autres Etats voisins en vue de traiter notamment de la question de l’accès équitable à l’eau et de la délimitation des frontières litigieuses au niveau des Lacs Albert et Edouard ainsi que des rivières Semliki et Ruzizi.
7. Dans les débats inconciliables, matière du septième et dernier chapitre, l’auteur expose les positions des différents protagonistes.
Les défenseurs du projet de transfert des eaux de l’Ubangi au Lac Tchad mettent en évidence les avantages escomptés, à savoir l’intégration économique, la coopération et la sécurité régionale, la lutte contre la pauvreté, la création des emplois et la réduction du phénomène migratoire, notamment vers l’Europe.
Dans les pays riverains de l’Ubangi, le Sénateur Mutinga a rassemblé divers points de vue sur la problématique du transfert, des eaux de l’Ubangi ou du Fleuve Congo.
7.1. En République Démocratique du Congo, la palme revient principalement aux scientifiques:
*Kasongo Numbi Kashemukunda, chercheur en Environnement et en Hydrogéologie, estime que le transfert de l’eau interbassins, facteur de paix, doit être encouragé, car le Fleuve Congo déverse 42900 m3 d’eau douce riche en limon fertilisant, par seconde en moyenne dans l’Océan Atlantique, dont la vente dégagerait des ressources financières au bénéfice du Trésor public;
*Nukaka, hydrogéologue déjà cité, plaide lui aussi pour le transfert en prenant soin d’évaluer les retombées financières significatives de chaque projet (annexe IV). Il insiste néanmoins sur les études d’impacts environnementaux et sociétaux;
* Musibono, hydrogéologue lui aussi à l’Université de Kinshasa, soutient que la RDC peut exporter de l’eau si certains préalables sont réunis: évaluer les besoins en eau pour les 100 ans à venir; étudier tous les impacts; analyser les fluctuations de débits par rapport à Inga; analyser les risques d’intrusion des eaux marines dans le fleuve ; étudier l’impact notamment sur la navigation et l’irrigation.
Le gouvernement, par le ministère de l’Environnement, est conscient du phénomène inquiétant d’étiage de la rivière Ubangi qui a réduit sensiblement la durée de navigation : 200 jours par an d’arrêt de navigation aujourd’hui contre 40 en moyenne au cours de la décennie 1970.
La Régie des Voies Fluviales attribue la cause à la faible pluviométrie et craint que le transfert des eaux du Fleuve Congo n’impacte négativement les écosystèmes forestiers.
L’auteur pense que ce doute expliquerait la position attentiste voire passive du Gouvernement de la RDC qui a finalement mis en place une commission interministérielle pour définir les Termes de référence de l’étude sur la problématique du transfert des eaux du Bassin du Congo afin de déterminer les avantages et les inconvénients du transfert sur tous les plans.
7.2. En République Centrafricaine, Clément Boute-Mbamba, ancien Conseiller en Communication du Président Kolingba, dans une lettre ouverte aux populations riveraines de l’Ubangi, exige un referendum régional au terme de l’étude de faisabilité commanditée par la CBLT.
7.3. Le Secrétaire Exécutif de la Commission des Forêts d’Afrique Centrale - COMIFAC -, qui regroupe les dix pays de l’Afrique centrale, soutient également la thèse d’une consultation populaire. La décision souveraine des pays riverains de l’Ubangi de procéder au transfert doit être conditionnée à des conclusions probantes des études techniques rassurantes sur l’avenir des populations concernées.
« Que deviennent la République Démocratique du Congo et le peuple congolais ? »
8. En conclusion, le Sénateur Mutinga croît mordicus que la réserve apparente des gouvernants de la RDC, victime elle aussi du réchauffement de la planète, s’expliquerait par le fait que la destruction des écosystèmes forestiers du Bassin du Congo aurait des répercussions fâcheuses sur toute la planète Terre.
En outre, si la RDC doit se montrer solidaire à l’égard des populations riveraines du Lac Tchad et/ou de l’Egypte, pourquoi n’aurait-elle pas les mêmes dispositions d’esprit vis-à-vis de celles de l’Afrique australe?
« Ne plus attendre de nouvelles études », telle est la sentence prononcée par Romano Prodi, ancien Président du Conseil italien et Envoyé spécial de l’ONU pour le Sahel en 2012-2013, dans Le monde diplomatique de juillet 2014. La cause est entendue: la Commission du Bassin du Lac Tchad n’a plus à s’encombrer de nouvelles études. Il suffit de passer à l’acte suivant, celui de la construction des infrastructures en vue du prélèvement des eaux de l’Ubangi.
Que deviennent la République Démocratique du Congo et le peuple congolais? Allons-nous adhérer à cette thèse?
Pourtant, pour le Gouvernement et pour les scientifiques congolais, les études d’impacts environnementaux et sociétaux doivent subordonner toute décision politique.
D’ailleurs, l’opinion nationale et internationale doit savoir qu’une proposition de loi relative à la gestion des ressources en eau, actuellement en cours d’examen au Parlement, dispose en son article 45 ce qui suit: « Le transfert d’eau douce en dehors du territoire national vers le territoire d’un autre Etat ou par voie maritime est soumis à l’accord préalable du peuple congolais consulté par voie de referendum conformément à la Constitution ».
« Une œuvre, qui se veut perfectible »
Voilà, la quintessence de l’œuvre que le Sénateur Modeste Mutinga Mutuishayi propose à l’opinion nationale et internationale. Cette œuvre, qui se veut perfectible, a le mérite de lancer le débat sur une question aussi vitale que stratégique.
Le peuple congolais ne peut prendre une décision aussi grave sans s’entourer de précautions élémentaires. Si à travers ses représentants et la société civile, le peuple congolais doit redoubler de vigilance, le Gouvernement doit se montrer engagé et déterminé à assurer aux citoyens congolais les droits sociaux et économiques leur garantis par la Constitution, parmi lesquels on peut aligner les droits d’accès à l’eau potable, à l’énergie électrique, à la santé, à la sécurité alimentaire, à la paix, à la sécurité intérieure et extérieure, à un environnement sain et propice à leur épanouissement intégral.
« Sans eau, il n’y a pas de vie ». Aussi, la question de l’eau en République Démocratique du Congo, au regard des recommandations des scientifiques, doit être examinée et traitée avec célérité, circonspection, rationalité, patriotisme, responsabilité et en parfaite harmonie avec les lois en vigueur dans le pays et les exigences de la solidarité internationale.
Le Potentiel
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