30/01/2015
Par Claire Diao
Une scène du film "Necktie Youth" du Sud-Africain Sibs Shongwe-
La Mer qui sera présenté à la Berlinale du 5 au 15 février 2015. CREDITS : DR
Si le Festival de Cannes s’était félicité en 2014 de présenter Timbuktu et Run, force est de constater que les cinéastes qui émergent en Afrique viennent aujourd’hui davantage des pays anglophones que des pays francophones qui se positionnaient, jusqu’aux années 1990, comme leaders avec l’Afrique du Nord.
Le Sud en tête image
Une scène du film "Breathe Umphefumlo" (La Bohème)
du réalisateur sud-africain Mark Dornford-May. CREDITS : MARK ENGELS
Chef de file de la nouvelle donne cinématographique anglophone, l’Afrique du Sud s’est dotée depuis la fin des années 1990 d’une puissante industrie, calquée sur le modèle américain. Il n’est donc pas étonnant que l’unique réalisateur du continent à avoir obtenu un Ours d’or à Berlin, en 2005, soit un Sud-Africain, en la personne de Mark Dornford-May et son U-Carmen eKhayelitsha, brillante adaptation du Carmen de Bizet.
De retour cette année avec son épouse Pauline Malefane (U-Carmen), il présentera un nouvel opéra adapté de celui de Giaccomo Puccini, Breathe Umphefumlo (La Bohème), en séance spéciale. Tourné en langue xhosa, le film suivra le destin maudit de deux amants interprétés par Busisiwe Ngejane et Mhlekazi Mosiea.
Du côté du Panorama, c’est le très prometteur Sibs Shongwe-La Mer, repéré lors de l’atelier de post-production Final Cut Venice 2013 puis lors du programme Open Doors du Festival du Film de Locarno 2014, qui entrera en compétition avec Necktie Youth, premier long-métrage sur le mal-être de la jeunesse sud-africaine post-apartheid, qui n’est pas sans rappeler les films américains de Larry Clark (Kids) et d’Harmony Korine.
A suivre également, le réalisateur Teboho Edkins, repéré ces dernières années avec Gangster Project, qui allie souvent documentaire et fiction autours de sujets grâves, avec un brin de dérision. Son projet Coming of Age qui suit plusieurs adolescents dans un village isolé du Lesotho avait été primé lors du programme Open Doors du Festival du film de Locarno 2014. Il sera présenté dans la section Generation.
Cinéastes 2.0
L'affiche du film "Stories of our lives" du Kényan Jim Chuchu. CREDITS DR
Fait marquant, la jeune génération de cinéastes qui émerge actuellement n’est ni dans un discours post-colonial (puisqu’elle est née après), ni dans une focalisation sur les révolutions qui secouent actuellement le continent. Elle n’en demeure pas moins ancrée dans la réalité et gorgée d’influences internationales consommées à coups de DVD ou de téléchargements illégaux.
En ce sens, le Kényan Jim Chuchu du collectif d’artistes The Nest, réalisateur de Stories of Our Lives (section Panorama) est définitivement un homme à suivre. Car son travail sur la vie d’homosexuels et lesbiennes kényans, acclamé à Toronto en septembre 2014, avait valu à son producteur George Gachara une arrestation en octobre après que le film ait été banni par les autorités kényanes. Une situation qui n’empêchera pas ce premier long-métrage de concourir pour le Teddy Award, la plus importante récompense mondiale décernée à un film traitant des droits LGBT.
Le Marocain Hicham Lasri, qui a imposé avec The End et C’est eux les chiens un regard contemporain subversif sur la société marocaine, présentera son troisième long-métrage Al Bahr Min Ouaraikoum (The Sea Is Behind) en Panorama. N’ayant pas peur de bousculer les codes et de filmer ce qui pourrait déranger, Hicham Lasri racontera cette fois-ci le parcours d’un homme brisé qui gagne sa vie déguisé en femme.
Sociétés en mutation
Enfin, hormis le réalisateur camerounais Jean Pierre-Bekolo qui présentera Les Choses et les mots de Mudimbe sur le philosophe congolais Valentin-Yves Mudimbe au Forum Expanded, c’est la jeune génération qui portera au Forum un regard intransigeant sur la société dans laquelle elle évolue.
Le réalisateur burkinabè Michel K. Zongo (La sirène de Faso Fani) analysera ainsi le déclin de la manufacture de coton burkinabè qui avait connu son heure de gloire durant la révolution sankariste. Le collectif ougandais Yes ! That’s Us s’intéressera à la condition des taxi-motos (« Boda Boda ») de Kampala et à la difficulté de vivre en milieu urbain avec The Boda Boda Thieves. Tandis que le compositeur sud-africain Mpumelelo Mcata présentera avec Black President, une réflexion sur le positionnement des artistes africains dans un monde globalisé dominé par l’Occident, en référence au travail de l’artiste zimbabwéen Kudzanai Chiurai.
De bonnes raisons de regarder d’un peu plus près ce qui se passe en Afrique, nein ?
Claire Diao
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire