Congo Indépendant
29/04/2011
A droite, la veuve Tungulu née Philo Nzomina Maloka et sa soeur.
Photo CIC
L’audience prévue jeudi 28 avril à la chambre civile de la Cour d’appel de Bruxelles a été renvoyée au 12 mai prochain à 10 heures. En cause, une question soulevée par le conseil de la famille Tungulu. Ce dernier a saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats afin de «clarifier» la situation d’un des avocats de la partie adverse en l’occurrence Samuel Mbemba Kabuya. Celui-ci porte la double casquette de conseiller juridique du ministre de la Justice de la RD Congo et de conseil de l’Etat congolais. Le 31 décembre dernier un corps présenté comme celui-ci d’Armand Tungulu a été inhumé à Kinshasa. La famille n’a pas reçu le certificat de décès encore moins le permis d’inhumation.
La bataille judiciaire entre la veuve Tungulu, née Philo Nzomina Maloka, et l’Etat congolais, représenté par le ministre de la Justice de la RD Congo, continue. Après deux affrontements devant le Tribunal de première instance de Bruxelles dont le second a été en faveur de l’Etat congolais, la veuve Tungulu a interjeté appel. «J’irai jusqu’au bout», avait-elle prévenu fin octobre dernier. Accusé d’avoir lapidé le cortège présidentiel un certain 29 septembre 2010, Armand Tungulu Mudiandambu est mort le 2 octobre dans un cachot de la garde prétorienne de «Joseph Kabila» au Camp Tshatshi. Sept mois après, sa famille attend toujours la restitution du corps.
«Dossier classé»
Depuis l’annonce de ce décès dans les circonstances pour le moins mystérieuses, Philo Nzomina est restée inflexible en exigeant la restitution de la dépouille mortelle afin d’achever le travail de deuil et donner au défunt un sépulture. Dans une interview accordée à Congo Indépendant, l’avocat bruxellois Moma Kazimbwa Kalumba, conseil de l’Etat congolais, avait rappelé que le rôle d’un juriste consiste non seulement à plaider mais aussi à «trouver une solution hors tribunal». Comme pour clarifier sa pensée, il ajoutait : «Mon vœu le plus cher est de retrouver la sérénité. Je rappelle que nous sommes entre citoyens congolais. (...). Ne serait-il pas possible de régler ce problème autrement?»
Contre toute attente, on apprenait le 31 décembre dernier qu’une personne présentée comme étant Armand Tungulu Mudiandambu a été inhumée à Kinshasa en présence de certains membres de la famille dont un oncle paternel. «Au moment où je vous parle, j’attends toujours de recevoir le certificat de décès attestant que l’homme qui a été enterré est bel et bien Armand», a déclaré la veuve Tungulu jeudi 28 avril à l’issue de l’audience manquée à la Cour d’appel de Bruxelles. Elle est étonnée de n’avoir pas reçu une copie du permis d’inhumation. Plus grave, aucun représentant de l’Etat n’a manifesté la volonté de prendre langue avec elle. Devrait-on conclure que l’affaire Tungulu est un «dossier classé» pour les autorités de Kinshasa? Quid des conclusions de la procédure judiciaire engagée dès le lendemain du «suicide» par l’office du procureur général de la République? Un des conseils de la République, Maître Samuel Mbemba Kabuya n’avait-il pas invoqué l’ouverture d’une information judiciaire au Congo pour justifier la mise "sous séquestre" du cadavre?
Justice pour Armand Tungulu
Le conseil de la veuve et enfants Tungulu entend d’ailleurs récuser l’avocat Samuel Mbemba. Conseiller juridique du ministre de la Justice en RD Congo, il est également conseil de la République dans le dossier judiciaire en cours à Bruxelles. «J’ai saisi le bâtonnier de l’ordre des avocats afin de trancher cette question qui relève à mon avis de la déontologie», a déclaré Me Jean-Claude Ndjakanyi. Signalons qu’un incident s’est produit entre ce dernier et un citoyen congolais nommé Engboko Alhongo, président d’une association dénommée «Mirgec» (Mouvement indépendant pour la reconnaissance du génocide au Congo). Lors de la seconde audience devant le Tribunal de première instance, Alhongo avait introduit une action en «intervention volontaire» avant de se désister. Il a récidivé jeudi devant la Cour d’appel. Là où le bat blesse est qu’il n’a pas jugé utilise d’en informer la veuve Tungulu et son conseil. Selon Me Ndjakanyi, le désistement d’action – contrairement au désistement d’instance – est valable pour toute la procédure. Pour lui, l’initiateur de l’intervention volontaire aurait dû s’abstenir. «La démarche de M. Alhongo est troublante», a-t-il souligné. Dans une interview accordée à Cyprien Wetchi, le président du Mirgec s’est défendu de chercher à perturber le déroulement du procès. "L’Etat congolais a commis le crime de génocide et Armand Tungulu fait partie des victimes", a-t-il précisé.
Rendez-vous est pris pour le 12 mai. «Suite au décès d’Armand Tungulu, son épouse et ses enfants ont subi un préjudice, note Ndjakanyi. En dehors de la restitution du corps, il y a le problème de la réparation du préjudice qui se pose». Qui va apprécier l’ampleur du dommage? «Il y a des critères légaux, dit-il. Ce sont les juges qui feront les estimations.» Que compte faire la famille Tungulu face à un Etat congolais autiste qui semble considérer ce dossier comme «définitivement clos» ? L’avocat bruxellois de conclure : «Ceux qui pensent que ce dossier est classé ont tort. L’Etat congolais ne disparaîtra pas. La famille Tungulu, elle, va continuer à exiger que justice soit faite à Armand par la restitution du corps et la réparation du préjudice subi.»
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