Jeune Afrique
10/05/2012
Un travailleur chinois supervise le chantier d'une route à Addis Abeba, en Éthiopie. © Simon Maina/AFP |
Barrages, routes, chemins de fer... Depuis dix ans, Pékin multiplie les contrats en Afrique, sur le modèle controversé "matières premières contre infrastructures". Mais d'autres puissances émergentes préparent leur offensive.
Lancée depuis près d'une décennie, l'offensive chinoise dans le BTP africain ne faiblit pas. Que ce soit dans la construction d'infrastructures énergétiques (gazoducs, raffineries, barrages) ou de transport (routes, chemins de fer, ports et aéroports), les entreprises de l'empire du Milieu
sont devenues incontournables. Selon la Banque mondiale, elles détenaient près de 40 % de part de marché d'un secteur estimé à près de 20 milliards d'euros en 2009 (dernier chiffre disponible). Au total, Pékin fait état de près de 500 projets sur lesquels se positionnent les groupes chinois en Afrique.
sont devenues incontournables. Selon la Banque mondiale, elles détenaient près de 40 % de part de marché d'un secteur estimé à près de 20 milliards d'euros en 2009 (dernier chiffre disponible). Au total, Pékin fait état de près de 500 projets sur lesquels se positionnent les groupes chinois en Afrique.
Sinohydro Corporation (14,5 milliards d'euros d'actifs), de loin le plus dynamique, est en pole position pour les chantiers hydrauliques. Au Cameroun, où il est déjà maître d'ouvrage du barrage de Lom Pangar, le groupe vient de se voir attribuer la construction de celui de Memve'ele, qui devrait représenter un investissement de 556 millions d'euros. Ailleurs sur le continent figurent notamment à son actif le barrage de Grand Poubara (Gabon, 300 millions d'euros), en cours de construction, et celui de Félou, près de Kayes (Mali, 183 millions d'euros).
Dans le domaine des transports et des bâtiments publics, le leadership revient à China Railway Construction Corporation (CRCC), qui a conclu, en début d'année, deux mégacontrats d'un montant total de plus de 1 milliard d'euros. Le premier concerne la construction d'une voie ferrée de 14,8 km à Lagos, pour près de 700 millions d'euros. Le second, la ligne de chemin de fer entre Djibouti et la frontière éthiopienne, devrait coûter près de 400 millions d'euros. Avant ces deux projets, CRCC a construit une ligne ferroviaire de 1 344 km de long au Tchad, pour 5 milliards d'euros.
Bras financier
La force de ces groupes, qui ont relégué au second plan les opérateurs traditionnels que sont notamment les français Bouygues et Vinci, « vient de leur savoir-faire avéré dans les grands travaux et de leur forte capacité d'intervention », explique le patron d'un cabinet d'ingénierie à Malabo. Mais surtout, ces entreprises bénéficient de l'appui de la China Exim Bank, le bras financier de la politique internationale de Pékin. Avec une enveloppe de plus de 9,5 milliards d'euros déjà débloquée en faveur des projets d'infrastructures en Afrique, cet établissement public est devenu un véritable concurrent de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) en Afrique.
Reste que ses prêts sont nettement plus chers que ceux accordés par les bailleurs de fonds traditionnels. Alors qu'un crédit à l'exportation est considéré comme concessionnel (à un taux inférieur à celui du marché) lorsque la part du don représente au moins 35 % du crédit, cette proportion tombe à 18 % en moyenne pour les prêts chinois. En fait, explique un spécialiste du secteur, « les Chinois proposent des tarifs de 30 % à 40 % inférieurs à ceux de la concurrence pour remporter les appels d'offres, puis, une fois qu'ils entrent sur un marché, ils négocient d'autres contrats de gré à gré qui, eux, sont nettement plus chers ».
Dans les pays riches en ressources naturelles, l'approche chinoise prend généralement la forme de ce qui est désormais appelé la « modalité angolaise » et qui consiste, en échange d'une garantie d'accès aux matières premières, à financer des projets d'infrastructures qui seront réalisés par les groupes chinois. S'il a été mis en oeuvre pour la première fois en Angola, c'est surtout en RD Congo que ce type de contrat a fait parler de lui. Signé initialement en 2008, l'accord prévoyait un investissement global de plus de 4 milliards d'euros pour le développement des infrastructures. Puis, sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, il a été finalement révisé, en 2009, et le montant total ramené à 2,1 milliards d'euros.
Une recette décriée
Au Ghana, au Nigeria, au Soudan ou encore au Gabon, cette recette, souvent décriée, a fait ses preuves. À tel point qu'elle inspire les autres puissances émergentes. À commencer par le Brésil, qui prépare lui aussi son offensive. La Banque africaine de développement (BAD) devrait ainsi présenter aux groupes nationaux, courant mai, à la demande de Brasília, le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (Pida), adopté en janvier par les chefs d'État de l'Union africaine. Vale, l'un des plus grands groupes miniers du pays, est d'ailleurs déjà présent au Liberia, où, en échange de l'exploitation des gisements de fer, il s'est engagé à construire une centrale hydroélectrique de 1 000 mégawatts.
Autre concurrent montant de la Chine en Afrique : la Turquie, qui est sur le point de devenir actionnaire de la BAD. « Les entreprises turques ont un savoir-faire reconnu dans le domaine du BTP et pratiquent elles aussi des tarifs très concurrentiels », explique-t-on au sein de l'institution. Jusqu'ici bien implantés en Afrique du Nord, les groupes turcs nourrissent désormais de grandes ambitions au sud du Sahara.
Enfin, l'empire du Milieu devra aussi compter avec la Corée du Sud, dont les entreprises se positionnent dans le développement des technologies de l'information et de la communication, et avec l'Australie, qui renforce sa présence dans le secteur minier africain. Autrement dit, la bataille s'annonce rude.
Reste que ses prêts sont nettement plus chers que ceux accordés par les bailleurs de fonds traditionnels. Alors qu'un crédit à l'exportation est considéré comme concessionnel (à un taux inférieur à celui du marché) lorsque la part du don représente au moins 35 % du crédit, cette proportion tombe à 18 % en moyenne pour les prêts chinois. En fait, explique un spécialiste du secteur, « les Chinois proposent des tarifs de 30 % à 40 % inférieurs à ceux de la concurrence pour remporter les appels d'offres, puis, une fois qu'ils entrent sur un marché, ils négocient d'autres contrats de gré à gré qui, eux, sont nettement plus chers ».
Dans les pays riches en ressources naturelles, l'approche chinoise prend généralement la forme de ce qui est désormais appelé la « modalité angolaise » et qui consiste, en échange d'une garantie d'accès aux matières premières, à financer des projets d'infrastructures qui seront réalisés par les groupes chinois. S'il a été mis en oeuvre pour la première fois en Angola, c'est surtout en RD Congo que ce type de contrat a fait parler de lui. Signé initialement en 2008, l'accord prévoyait un investissement global de plus de 4 milliards d'euros pour le développement des infrastructures. Puis, sous la pression du FMI et de la Banque mondiale, il a été finalement révisé, en 2009, et le montant total ramené à 2,1 milliards d'euros.
Une recette décriée
Au Ghana, au Nigeria, au Soudan ou encore au Gabon, cette recette, souvent décriée, a fait ses preuves. À tel point qu'elle inspire les autres puissances émergentes. À commencer par le Brésil, qui prépare lui aussi son offensive. La Banque africaine de développement (BAD) devrait ainsi présenter aux groupes nationaux, courant mai, à la demande de Brasília, le Programme pour le développement des infrastructures en Afrique (Pida), adopté en janvier par les chefs d'État de l'Union africaine. Vale, l'un des plus grands groupes miniers du pays, est d'ailleurs déjà présent au Liberia, où, en échange de l'exploitation des gisements de fer, il s'est engagé à construire une centrale hydroélectrique de 1 000 mégawatts.
Autre concurrent montant de la Chine en Afrique : la Turquie, qui est sur le point de devenir actionnaire de la BAD. « Les entreprises turques ont un savoir-faire reconnu dans le domaine du BTP et pratiquent elles aussi des tarifs très concurrentiels », explique-t-on au sein de l'institution. Jusqu'ici bien implantés en Afrique du Nord, les groupes turcs nourrissent désormais de grandes ambitions au sud du Sahara.
Enfin, l'empire du Milieu devra aussi compter avec la Corée du Sud, dont les entreprises se positionnent dans le développement des technologies de l'information et de la communication, et avec l'Australie, qui renforce sa présence dans le secteur minier africain. Autrement dit, la bataille s'annonce rude.
Les Français en perte de vitesse
Face à la déferlante chinoise, les groupes français, dont Sogea-Satom (Vinci), Fougerolle (Eiffage), Colas (Bouygues) et Razel (Fayat), tentent de maintenir le cap. « Nous parvenons à gagner plus aisément les marchés dans les pays qui dépendent davantage des bailleurs de fonds traditionnels comme le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne », explique le directeur général de la filiale équato-guinéenne d'une entreprise hexagonale. D'après celui-ci, pour conserver leurs parts de marché, de plus en plus de groupes occidentaux choisissent de se positionner sur des créneaux nécessitant des technologies de pointe en misant sur la qualité des ouvrages. En Guinée équatoriale, par exemple, le consortium Vinci-Bouygues a décroché la réalisation de l'autoroute Bata-Ayak Ntang, pour un montant de 260 millions d'euros. De son côté, Bolloré Logistics Africa vient d'attribuer la construction du troisième quai du Port autonome de Lomé à Sogea-Satom, pour 42 millions d'euros.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire