13/12/2012
Palais du peuple, le siège du Parlement de la République
très très démocratique du Congo
"CNDH".
Avez-vous déjà entendu parler de cet acronyme? Non? La CNDH est l’abréviation de la "Commission nationale des droits de l’Homme". Il s’agit, semble-t-il, d’une nouvelle "institution d’appui à la démocratie" à l’instar de la Ceni (Commission électorale nationale indépendante) et du CSAC (Conseil supérieur de l’audio-visuel et de la communication), à la réputation haïssable. Le Sénat de la République très très démocratique du Congo a adopté, mardi 4 décembre, une proposition de loi portant institution, organisation et fonctionnement de ladite commission. Un gadget de plus. C’est quoi un gadget? C’est tout simplement un "objet amusant et nouveau plus ou moins futile". En attendant que la commission paritaire mise en place concilie les textes votés respectivement au Sénat et à l’Assemblée nationale, les Kinois s’arrachent déjà les cheveux. Histoire de savoir à quoi va servir ce nouveau "machin" dans ce pays où règne - comme disait le très regretté défenseur des droits humains Floribert Chebeya -, "la culture de la violence et de la gâchette facile" et où - n’en déplaise aux rédacteurs de la Constitution en vigueur - la vie humaine n’est nullement sacrée et l’Etat n’est nullement dans l’obligation de la respecter et de la protéger, comme le soutient, à contrario, le premier alinéa de l’article 16 de la Loi fondamentale.
Selon mon ami qui sait tout sur tout et presque tout sur rien sur les potins de Kinshasa-Lez-Immondices, le "raïs", alias commandant suprême de nos "vaillants" forces armées, alias "garant de la nation", alias "la haute hiérarchie", n’a pas inventé l’eau chaude en demandant aux locataires du Palais du peuple de plancher sur cette proposition de loi. A en croire mon ami, si l’AFDL avait eu - lors de sa prise du pouvoir le 17 mai 1997 - un brin d’humilité en ne passant pas par pertes et profits les résolutions de la CNS (Conférence nationale souveraine), elle aurait réalisé que le projet de Constitution rédigé, en novembre 1992, par les "conférenciers, avait prévu une structure ad hoc dénommée "le Médiateur". C’était un organe de sauvegarde et de défense des droits de l’homme et des libertés fondamentales (article 62).
Pour mon ami, la différence entre le projet du "raïs" et celui de la CNS se situerait au niveau des motivations. Selon lui, l’ambition de la CNS était de tourner la page à l’arbitraire qui caractérisait le régime du maréchal Seseskul en instaurant un nouveau type de rapports entre les citoyens d’en haut et ceux d’en bas. Des rapports fondés sur le respect mutuel. La "haute hiérarchie", habituée à jouer au chat et à la souris avec la nébuleuse "communauté internationale", n’a initié ce projet que pour "charmer" les Occidentaux et inciter François Hollande à assister au XIVè sommet de la Francophonie qui s’est tenu du 12 au 14 octobre dernier à Kin. "C’est bien ela les progrès réalisés par le "raïs" dont parlait Hollande avant de quitter Paris", murmure l’ami. Il poursuit : "Je n’ai pas pu m’empêcher d’éclater de rire en parcourant les objectifs assignés à ce nouveau gadget du raïs. Floribert Chebeya et Fidèle Bazana devraient se retourner dans leurs tombes en apprenant que la CNDH a notamment pour mission d’enquêter sur tous les cas de violations des droits de l’homme, d’orienter les plaignants et victimes et les aider à ester en justice sur toutes les violations avérées des droits de l’homme, de procéder à des visites périodiques des centres pénitentiaires et de détention sur toute l’étendue de la République très très démocratique du Congo, de veiller au respect des droits de la femme et de l’enfant...". L’ami de s’interroger : "Que pourra faire la CNDH face aux cas de violations des droits humains commis par les unités spéciales de la police, les services de renseignements civils et militaires lesquels relèvent directement du raïs, alias la haute hiérarchie?". "Savez-vous que les magistrats instructeurs n’ont pas accès aux personnes détenues dans les cachots de la police, de l’ANR, du Demiap et de la garde présidentielle"?
A propos du respect du droit de l’enfant, mon ami qui sait décidément tout sur tout de me signaler qu’à l’invitation de l’Hôtel de Ville de Bruxelles, sous l’égide de l’échevin sortant Bertin Mampaka en charge des Sports et relations internationales, le Kinois Leny Ilondo, président de l’Asbl "SOS Kinshasa" a tenu le jeudi 25 octobre dernier une conférence notamment sur la problématique question des "enfants de rue", les fameux "Shegués". A en croire l’ami, l’orateur a déclaré que le nombre des enfants évoluant en dehors de l’encadrement familial ne cesse d’augmenter dans la capitale. L’assistance a été surprise d’entendre "Leny" dire que le législateur congolais a prévu un mécanisme pour la protection de l’enfant. Il s’agit de la loi n°09-001 du 10 janvier 2009. Mon ami de conclure sur un ton digne d’un requisitoire : "Le raïs se fait confectionner des textes légaux qui ne sont que des gadgets juste pour se donner bonne conscience. C’est le cas de la proposition de loi créant la CNDH. Pour la haute hiérarchie, il suffit de légiférer sur une question pour que celle-ci soit résolue par baguette magique. Il faut une loi sur l’amélioration du climat des affaires pour que la République très très démocratique du Congo cesse d’être un Etat voyou où règnent le racket, la corruption, les tracasseries administratives et policières. Peut-on combattre les violations de droits de l’homme en l’absence d’une Justice indépendante et d’un Parlement jouant son rôle de contrôleur de l’action de l’Exécutif assorti de sanction? Peut-on éradiquer le phénomène Shégué sans commencer par réhabiliter l’autorité parentale notamment par l’emploi?".
Issa Djema
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