26/04/2014
Toutes les assemblées provinciales sont passées par là. Mais, le cas de l’Equateur a été si flagrant que Kinshasa a, pour éviter le chaos, choisi la manière forte.
En lieu et place de la complaisance, le gouvernement a tapé du poing sur la table en décrétant la suspension de toutes les activités à l’assemblée provinciale de l’Equateur. Une mesure qui ouvre la voie à sa dissolution, prédit-on dans les milieux spécialisés. Dans la classe politique, la mesure est diversement interprétée. Certains pensent déjà à une remise en cause des organes provinciaux tels que consacrés dans la Constitution de 2006.
Les crises à répétition à l’assemblée provinciale de l’Equateur ainsi qu’à l’exécutif provincial ne pouvaient laisser l’Etat dans l’indifférence. La pullule est certes amère, mais à Kinshasa, l’on justifie la décision de suspension par la nécessité de garantir l’ordre public.
La suspension des activités de l’assemblée provinciale de l’Equateur a donné de la matière aux analystes politiques. Si nombre d’entre eux voient dans la mesure du gouvernement une brèche qui ouvre non seulement la voie à la dissolution de l’organe délibérant de l’Equateur, certains craignent que la mesure ne s’étende à toutes les provinces.
Mises en place avec la Constitution de 2006, le moment est venu, estime-t-on, de dresser le bilan de fonctionnement des assemblées provinciales. Ont-elles été à la hauteur des attentes ?
LE CAS FLAGRANT DE L’EQUATEUR
Faudrait-il cependant appliquer le juridisme jusqu’au-boutiste en laissant mûrir l’irresponsabilité patente des députés provinciaux de l’Equateur ? Pour les uns, la Constitution doit être respectée, dans son esprit et dans sa lettre. Pour ces purs et durs, les gesticulations de l’assemblée provinciale de l’Equateur devraient se poursuivre, sans autre forme de procès.
Dans cet élan, les tireurs de ficelles de Kinshasa grands gagnants de ce désordre à répétition à l’Equateur, se cabrent dans un juridisme intéressé. L’application de la Constitution dans ses dispositions en rapport avec les assemblées provinciales. Faisant fi des conséquences de ces batailles rangées improductives, avec ses corolaires de morts, de division, d’aggravation du fossé entre le Nord et le Sud… les tireurs de ficelles optent pour le statu quo.
Le gouvernement qui dispose des informations fouillées ne fait pas dans la dentelle : « Il s’agit d’une décision prise pour raison d’ordre public. Il y a menace à la sécurité et à l’ordre public. C’est une mesure de police qui va durer le temps que le gouvernement dispose d’éléments de clarification ».
A la question de savoir si le gouvernement était compétent pour prendre une telle décision, Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, s’est voulu ironique : « Pensez-vous que, lorsque vous provoquez des désordres, une bagarre au cours d’une réunion, il faut que ce soit inscrit dans la Constitution que le gouvernement peut mettre fin à une bagarre pour que le gouvernement prenne ses responsabilités ?».
LA CLASSE POLITIQUE DIVISEE
Des sources dignes de foi rapportent que le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, a, dans une lettre adressée au Premier ministre, protesté contre la mesure de suspension des activités de l’assemblée provinciale de l’Equateur. A la tête d’une institution qui émane directement des assemblées provinciales, Léon Kengo considère que cette décision n’a pas respecté la procédure en la matière.
Un point de vue que partage Henri-Thomas Lokondo, député national élu de Mbandaka, chef-lieu de l’Equateur. Il s’est dit surpris par la décision prise par le Conseil des ministres présidé le mardi 22 avril par le chef de l’Etat de suspendre les activités de l’assemblée provinciale de l’Equateur. Selon lui, cette décision viole la Constitution et la loi sur la libre administration des provinces.
Député de la Majorité, il pense que Kinshasa a agi en violation des lois du pays : « Sincèrement, j’ai été surpris d’entendre cette décision du Conseil des ministres, parce que sg central puisse avoir le pouvoir de suspendre les activités d’une assemblée provinciale. La Constitution, qui a consacré le régionalisme politique, reconnaît uniquement au chef de l’Etat le pouvoir de dissoudre une assemblée provinciale. Et la loi sur la libre administration des provinces et d’autres lois sur les Entités territoriales décentralisées ou déconcentrées ne le disent pas non plus ».
Il estime par ailleurs que le gouvernement est allé un peu vite en besogne en mettant la charrue devant les bœufs : « Même sur le plan du droit administratif, vous ne pouvez pas sanctionner une personne ou un organe en disant ‘je le fais parce qu’il y a un conflit en gestation’ ; donc, un conflit qui n’est pas encore né. Donc, il n’y a pas encore une faute. Je ne justifie rien, parce que je ne connais rien. Ici, j’argumente sur le plan du droit ».
Pendant ce temps, en privé, tous les ressortissants lucides de l’Equateur sont d’accord sur la médiocrité des élus provinciaux de leur province. D’ailleurs, dans la quasi-totalité des provinces de la République, le profil des députés provinciaux issus des scrutins de 2006 est plutôt écœurant. De l’Equateur en passant par la Province Orientale, le Bas-Congo, Kinshasa, les deux Kasaï et les deux Kivu… les élus provinciaux siègent pour autre chose que les intérêts de leurs électeurs.
Aussi curieux que cela puisse paraître, dans un environnement d’impunité garantie, les députés provinciaux de l’ensemble de la République se sont transformés en « maîtres-chanteurs» de leurs gouverneurs respectifs. Les gouvernements provinciaux ont l’obligation tacitement conclue, « d’entretenir grassement » les élus locaux en vue d’éviter des motions intempestives. Pour quiconque, parmi les gouverneurs, qui se hasarderaient de couper les vivres aux parrains de Kinshasa et aux députés provinciaux, une pluie de motions s’abat sur lui jusqu’à défenestration. Les illustrations abondent à ce sujet. Un audit sérieux sur les destinations données à la rétrocession édifierait sur la gouvernance des provinces en République démocratique du Congo, sous l’emprise des assemblées provinciales.
DES MESURES DRASTIQUES
En ce qui concerne la province de l’Equateur, le gouvernement a pris le taureau par les cornes, en s’assumant ! Voyant venir le danger et connaissant le modus operandi, le gouvernement, sous la direction du chef de l’Etat, a opté pour une thérapeutique de choc, par l’anticipation.
Un signal fort lancé à toutes les assemblées provinciales. Il est vraie que l’Equateur est la première province ayant vu son gouverneur démis par ordonnance présidentielle. Il risque aussi de servir de cobaye à la dissolution d’une assemblée provinciale par la faute et la boulimie des animateurs.
Le dernier Conseil des ministres a précisé que « cette mesure restera d’application jusqu’à la clarification de la situation à l’issue d’une mission gouvernementale emmenée sur place par le vice-ministre de l’Intérieur ».
SE TOURNER VERS L’AVENIR
La reconstruction est visible sur toute l’étendue du territoire national. Toutes les provinces de la République matérialisent la politique du chef de l’Etat en matière de modernité. La rétrocession attribuée à toutes les provinces produisent des résultats ailleurs. L’Equateur tire la queue. Il faut à cette province une nouvelle élite, au faîte des enjeux sur le potentiel de cette riche province.
Les enjeux sur l’eau, la forêt particulièrement sur la conservation de la nature, avec la perspective de l’éligibilité au crédit carbone. Une nouvelle élite dynamique, informée et formée sur les questions économiques en termes de projets agricole, d’élevage, la réhabilitation des aires protégées. Ce tableau reluisant doit se renforcer avec une gouvernance moderne. L’Equateur risque, si l’on n’y prend garde, de constituer le boulet d’acier qui entraînait le pays entier dans l’abîme.
Des mesures drastiques attendues devraient se prendre dans un cadre concerté. Notamment la réunion interinstitutionnelle où la responsabilité d’administrer à cette province une cure de cheval pourrait se prendre. Le clivage entre le gouverneur Koyagialo, en soins en Afrique du Sud, qui a confié l’intérim au vice-gouverneur et à un ministre provincial contrairement aux prescrits de la loi et le vice-gouverneur Impeto, ne présage rien de bon.
En plus, le vice-gouverneur s’octroie, en ce qui le concerne des pouvoirs outrepassant le simple intérim. Cette déroulée se récite de mémoire. Personne de censée, tout gouvernement responsable ne peut laisser faire. En faisant table rase, le gouvernement mettrait à l’abri cette province qui doit, elle aussi, s’inscrire sur la voie du développement des infrastructures. Un consensus doit être trouvé, en vue de mettre en adéquation les dirigeants et les populations. La dissolution reste donc la voie la mieux indiquée.
Consacrée avec la Constitution de 2006, la pratique des organes législatifs et exécutifs dans les provinces, parallèlement à ceux fonctionnant à Kinshasa, a clairement montré ses limites. En lieu et place de participer à l’émergence des provinces, les assemblées provinciales ont perdu tout leur sens. Le mélodrame de l’Equateur est un exemple éloquent de la dérive d’une expérience qui a échoué sur toute la ligne.
Aujourd’hui que le pays négocie un autre virage de son histoire, une réflexion nationale - en toute indépendance - s’impose pour juger de l’opportunité de pérenniser cette expérience.
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