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19.10.10 L’Avenir
KINSHASA – L’heure de la vérité sur la mystérieuse mort du défenseur des droits de l’homme Floribert Chebeya va sans doute sonner avec l’ouverture du procès de cette mort à la Haute Cour Militaire et dans tous les cas c’est la justice en RDC qui va passer à l’épreuve de sa crédibilité.
Les esprits sont fixés. Le procès Chebeya qui avait cessé d’être une affaire judiciaire pour le couloir des dossiers politiques, aura bientôt lieu. Le temps que la justice congolaise a mis pour ménager sa monture est une preuve d’une certaine maturité. Les choses ont changé dans ce pays. Et pourtant, les détracteurs de la justice congolaise se recrutant de tous les bords, criaient haro sur elle dans la désormais célèbre et triste « Affaire Chebeya ». On l’accusait, comme toujours, de tous les noms.
En fixant le procès, cette justice congolaise donne une leçon à ses détracteurs. Par ce geste, elle donne au monde entier la preuve de son indépendance. La maturité des animateurs de la Justice congolaise est également démontrée.
L’on se souviendra que certaines ONG de défense des Droits de l’Homme s’insurgeaient contre ce qu’elles appelaient la « lenteur » dans les investigations menées en vue de déterminer les circonstances de la mort de Floribert Chebeya, Directeur Exécutif de la Voix des Sans Voix. Ces Ong voulaient d’urgence la condamnation des assassins. On l’aurait fait le lendemain, il suffirait que la gueule des condamnés ne soit pas celle que ces Ong attendaient pour qu’elles parlent de procès expéditif. Heureusement, la justice congolaise, usant de son indépendance, ne s’est pas laissée tirer par le bout du nez.
Enfin le procès
Le Général de Brigade Ponde, Auditeur Général près la Haute Cour Militaire, a mis fin à l’attente et donc à la spéculation. En effet, dans son communiqué du 14 octobre 2010, l’Auditeur militaire a révélé à l’opinion que les éléments de preuve recueillis dans le cadre de l’enquête diligentée dans cette affaire sont suffisants pour justifier le renvoi du dossier judiciaire devant le juge afin de permettre aux suspects dûment identifiés de lui présenter leurs moyens de défense.
C’est une manière pour l’Auditeur militaire d’annoncer l’imminence du procès tant attendu. Tout le monde semble d’accord avec la justice militaire. Tout le monde a également connaissance des suspects qui seront devant la barre. Car, 118 sont tous en détention provisoire et leurs noms avaient circulé. Il ne faudra pas que demain une certaine opinion, celle des Ong, demande la condamnation d’autres personnes que celles mises en cause.
Puisqu’il faut parler clairement, l’Inspecteur Général de la Police Nationale Congolaise, le général John Numbi, que les Ong semblent avoir fait, pour des raisons inexplicables et inexpliquées, leur bête noire, n’a jamais été mis en cause. Il a été simplement suspendu afin de permettre à la justice d’enquêter sans entraves.
A l’annonce de la mort de Floribert Chebeya, on pensait, à suivre les réactions des uns et des autres, que le ciel allait s’abattre sur toute la Rdc. Ce qui ne serait pas une façon de promouvoir un Etat de droit qui repose sur la justice. Et en justice, l’infraction est individuelle. Avec le procès annoncé, une chose est vraie, c’est que le ciel va réellement s’abattre sur des coupables. Car, il ne faut pas que la justice soit un traumatisme pour les innocents. C’est curieusement ce que veulent certaines Ong qui distribuent des condamnations selon leurs humeurs.
Un dossier sale
Pour rappel, la nouvelle de la mort de Floribert Chebeya avait fait l’effet d’une bombe à Kinshasa, dans tout le pays et à travers le monde. Tout de suite, les organisations de défense des Droits de l’homme l’ont prise en charge. On comprend cela dans la mesure où Floribert Chebeya, Directeur Exécutif de la VSV, était un homme connu au-delà des frontières nationales. Il s’est taillé son chemin dans le domaine de la Défense des droits de l’homme. Il a été le défenseur des autres. Dans les communiqués que son Ong publiait presque hebdomadairement, il y avait un vrai sens de mesure et tout se terminait par des recommandations. Il était impensable que tel homme puisse être victime d’une mort criminelle. En rien et pour rien un gouvernement ne pouvait se sentir gêné par l’action de Floribert Chebeya.
Bien au contraire, à entendre certaines autorités policières, les communiqués de la VSV leur servaient parfois d’indicateurs pour trouver des solutions à certaines situations. Cet homme avait été trouvé mort dans sa voiture le matin du 2 juin 2010, sur la Route Matadi, au niveau du Quartier Mintendi. Son corps était étendu sur la banquette arrière de sa Mazda 626 immatriculée KN 0282 BM. Selon les témoignages, c’est sur base des documents trouvés dans sa voiture, dont des cartes de visite qui ont renseigné sur son identité.
La responsabilité du gouvernement
Si on comprend que le gouvernement congolais, qui a la mission de protéger tous les citoyens congolais et les étrangers vivant sur le territoire congolais, soit tenu pour responsable de cette mort, on ne pouvait avaler l’idée selon laquelle le gouvernement congolais serait l’assassin de Floribert Chebeya. Cette thèse a pourtant circulé et circule encore dans certains milieux politiques récupérateurs.
Le Chef de l’Etat, pour tirer cette affaire au clair, avait aussitôt convoqué une réunion extraordinaire du Conseil Supérieur de la Défense. Au cours de cette réunion, plusieurs décisions ont été prises. Il était demandé de prendre « toutes les mesures nécessaires pour que cette affaire soit tirée au clair au plus vite et que les responsables soient sévèrement sanctionnés au regard des dispositions régissant notre Etat de droit ».
En application de cette recommandation de la réunion extraordinaire du Conseil supérieur de la défense, le ministre de la Justice et Droits Humains, donnait au Procureur Général de la République « injonction d’ouvrir une information judiciaire ». Ce qui fut fait.
Du 6 au 23 juin 2010, le Parquet Général de la République s’est activé. Des investigations étaient menées. Le parquet général est arrivé au constat selon lequel, le grand nombre de suspects étaient des hommes en uniforme. Ceux-ci étant justiciables devant des juridictions militaires, le Parquet général de la République ne pouvait que transmettre le dossier à la compétence de l’Auditeur Général près la Haute Cour Militaire.
L’Auditorat général prend la main
C’est ainsi que l’Office de l’Auditeur Général a procédé, à partir du 24 juin au 08 octobre de cette année, à l’instruction pré-juridictionnelle. Les auditions des parties civiles, les interrogatoires des suspects et des témoins, les confrontations, les perquisitions, les descentes sur terrain, les saisies d’objets, les réquisitions d’information et des réquisitions à experts… tout cela a permis à l’Auditeur général de réunir les éléments qui permettent désormais de passer à la phase de procès.
Personne n’est encore condamné, tout le monde, parmi les suspects, a l’occasion de présenter ses moyens de défense. Car, ce qui doit être le souhait de tous, ils ont droit à un procès équitable.
Comme on le voit, la patience aura été longue. Il ne pouvait en être autrement compte tenu de l’importance du dossier. On ne pouvait pas d’une part reconnaître la gravité du dossier et d’autre part souhaiter qu’il soit traité dans la précipitation. Les raisons de certaines Ong d’aller vite en besogne ne sont pas celles de la justice appelée aujourd’hui à refaire son image de marque.
C’est le moment de dire avec le sage que « quelle que soit la durée de la nuit, le jour finit toujours par se lever ». C’est aussi une occasion de rappeler aux nostalgiques de l’époque des exécutions sommaires, ceux qui ont fait leur fortune politique sur de faux massacres, que cette époque là est révolue. La justice congolaise a mis sa nouvelle robe, n’en déplaise aux jeteurs d’anathèmes.
© L’Avenir, 16.10.10
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