01/03/2011
Le Soir
Colette Braeckman
Congo A quelques mois des élections, le climat politique s’est alourdi
Plus de peur que de mal, mais beaucoup de questions : alors qu’une trentaine de suspects sont entre les mains des services de sécurité, on s’interroge toujours à Kinshasa sur les motivations de la centaine d’assaillants qui se sont déployés, dimanche en début d’après midi, autour de la résidence du président Kabila.
Les échanges de tirs n’ont pas duré plus de trente minutes mais tout le quartier résidentiel de la Gombe, entre le Grand Hôtel de Kinshasa et le périmètre de la résidence présidentielle, a été bouclé dimanche après midi. Dès la fin des tirs, le ministre de l’Information Lambert Mende a dénoncé une « tentative de coup d’Etat », tandis qu’à l’extérieur, l’opposition congolaise, relayée par internet, évoquait l’hypothèse d’un « coup monté » qui aurait pu justifier le report des élections. Si le calme qui a régné à Kinshasa lundi, où la situation est demeurée sous contrôle, dément toute tentative crédible de déstabilisation, l’importance du déploiement d’assaillants et le nombre de victimes, en revanche, ne permettent pas non plus de retenir l’hypothèse d’une mascarade.
C’est presque par miracle que le président Kabila a eu la vie sauve : alors qu’il était censé se trouver à sa résidence, il avait décidé, à l’improviste, de se rendre du côté de N’Djili visiter quelques-uns des chantiers mis en œuvre par les Chinois. Pendant qu’il inspectait les nouvelles routes du côté de l’aéroport, une quinzaine d’hommes en civil se présentèrent au premier barrage militaire contrôlant l’accès à sa résidence, assurant qu’ils avaient rendez-vous à l’ambassade de Suisse, située à l’intérieur du périmètre présidentiel.
Lorsque les soldats de la garde républicaine ont entrepris de fouiller les visiteurs, des machettes sont apparues. Un autre groupe, arrivé en renfort et qui se trouvait vraisemblablement sur la rive du fleuve, a engagé immédiatement le combat avec les militaires de faction. Ces assaillants étaient équipés d’armes lourdes, dont des lance-roquettes, mais aussi de flèches et de machettes ; selon certains témoignages, ils semblaient drogués.
Durant plusieurs minutes, tout le quartier – où se trouvent plusieurs ambassades et hôtels de luxe – a retenti du fracas des coups de feu. Lorsque les assaillants, une centaine d’hommes au total, ont été mis en déroute, certains d’entre eux se sont repliés en direction du camp Kokolo, base militaire et logistique, mais ont été neutralisés.
Lorsque le président, revenu de N’Djili, est arrivé sur les lieux, le calme avait été rétabli et un premier bilan faisait état de sept puis de dix morts parmi les assaillants, et de deux victimes parmi les soldats de la garde républicaine. Selon quelques proches de la présidence, le chef de l’Etat, indemne, a présidé lundi matin une réunion de ses conseillers en matière de sécurité.
L’identité des assaillants ne sera révélée qu’à l’issue de l’interrogatoire des prisonniers ; leurs éventuels commanditaires demeurent inconnus. Les observateurs relèvent que, depuis plusieurs semaines, un malaise était perceptible à Kinshasa : dans plusieurs ministères, les dépenses budgétées n’ont pas été engagées. En outre, à quelques mois des élections, le climat politique s’est alourdi : l’opposition a vécu comme un coup de force la décision de recourir au scrutin majoritaire à un tour pour l’élection présidentielle, et la composition de la CENI (Commission électorale nationale indépendante) a suscité des polémiques.
Cette commission sera dirigée par le pasteur Daniel Mulunda Ngoy, un proche de Kabila connu surtout pour ses opérations de collecte d’armes. D’aucuns craignent aussi le durcissement des conditions de détention d’un prisonnier politique connu, soutenu par le Barreau de Bruxelles, l’avocat Firmin Yangambi. Ce dernier, accusé de complot, va être traduit devant la Haute Cour militaire et risque la peine de mort. Il redoute aujourd’hui d’être considéré comme le « commanditaire intellectuel » de l’attentat manqué.
Or ces commanditaires peuvent aussi être recherchés au delà des frontières : par exemple, les relations entre Kinshasa et Luanda (Angola) sont envenimées par la contestation du plateau continental, où se trouvent d’importantes réserves de pétrole. Autre hypothèse qui ne peut être exclue : une action violente pourrait aussi être encouragée par certains milieux d’affaires qui n’ont jamais digéré les contrats chinois.
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