Congo Indépendant
01/06/22011
Les funérailles de Floribert Chebeya Bahizire. Photo AFP
Le 1er juin 2010, Floribert Chebeya Bahizire, directeur exécutif de l’association de défense des droits de l’Homme "La Voix des Sans-Voix" est convoqué à l’Inspection générale de la police nationale congolaise (IGPNC). Motif : Rencontrer l’Inspecteur divisionnaire en chef John Numbi Banza Tambo. "Floribert" s’y est rendu avec son chauffeur Fidèle Bazana Edadi. Le lendemain 2 juin, le corps sans vie de ce militant des droits humains est retrouvé sur la banquette arrière de sa voiture à plusieurs kilomètres du lieu du rendez-vous fatal. Les riverains sont formels : la voiture de Chebeya a été conduite sur le lieu par des policiers. "Fidèle", lui, n’a plus été revu. Il a "disparu". C’est un anniversaire douloureux non seulement pour les familles Chebeya et Bazana mais aussi pour les défenseurs des droits et libertés et les nombreux amis des disparus.
Pourquoi? Pourquoi? Ce sont des questions qu’on ne peut s’empêcher de poser face à la mort violente d’un homme qui a consacré sa vie à lutter pacifiquement pour le triomphe de l’idéal démocratique. Le triomphe des valeurs de paix, de justice, de liberté et d’égalité.
Une anecdote. Un jour, la "VSV" publie un communiqué dénonçant l’arrestation arbitraire d’un membre de la garde présidentielle dite "Garde républicaine". L’auteur de ces lignes contacta "Floribert" en lui faisant part de son étonnement de voir l’association "prendre la défense des prédateurs des droits humains". Réponse de Chebeya. "A partir du moment où cet homme est arrêté arbitrairement, il devient une victime à protéger". Belle léçon d’humanisme!
Floribert Chebeya et Fidèle Bazana n’ont jamais appartenu à un groupe armé. Ils n’ont jamais appartenu dans la milice du CNDP de Laurent Nkunda ou dans la nébuleuse Maï Maï. Pour tout dire, ils n’ont jamais pris des armes pour renverser l’ordre établi au Congo démocratique. Ils n’étaient "que" des combattants de la liberté et de la dignité de la personne humaine. Ils menaient un "combat intellectuel" contre la force brutale. Ils ont été victimes de l’intolérance et de la bêtise humaine.
Dans la matinée du mardi 1er juin 2010, «Floribert» reçoit un appel téléphonique l’invitant à se présenter au rendez-vous fixé par l’Inspecteur général John Numbi. Il s’y rend en compagnie de "Fidèle". Celui-ci attendait dans la voiture. Une certitude : Chebeya sera reçu plutôt par le colonel Daniel Mukalay. Que s’est-il passé lors de l’entretien entre les deux hommes? Le «colonel Daniel» jure ses grands dieux de n’avoir même pas croisé le militant des droits humains. Il a été confondu par un témoin inattendu qui se trouvait par le plus grand de hasard ce jour à l’IGPN.
Le 2 juin, un communiqué de la police annonce la terrible nouvelle selon laquelle un "corps sans vie a été découvert sur la banquette arrière d’une voiture Mazda 626 immatriculée KN 0282 BM sur la route de Matadi, au niveau du quartier Mitendi. Des documents trouvés dans ses vêtements, parmi lesquels des cartes de visite, révèlent qu’il s’agit de Floribert Chebeya, directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme la «Voix des sans voix» (VSV)".
Membre du «commando» ayant "travaillé" sous les ordres de Mukalay, le commissaire adjoint Amisi Mugangu, en cavale depuis début juin 2010, affirme qu’ils étaient au nombre de cinq policiers – dont une dame – pour "faire parler" le directeur exécutif de la VSV. «Chebeya a été interrogé au sujet d’un "rapport" que le colonel Daniel était chargé de récupérer d’ordre du général John Numbi», dit-il. Et d’ajouter : «Nous avons exécuté Floribert par étouffement. Le corps de son chauffeur a été jeté dans le fleuve à Kinsuka.». Depuis le 26 novembre de l’année dernier, le "flic fugitif" s’est volatilisé. A-t-il été rattrapé par les nervis lancés à ses trousses ?
Dans une interview accordée au quotidien bruxellois «Le Soir» daté 7 décembre 2010, «Joseph Kabila» évoque notamment la mort de Chebeya : «(…), le premier rapport que j’avais reçu parlait d’un accident, il était question de crise cardiaque, d’infarctus.» Ajoutant : «Finalement, les enquêtes ont montré autre chose.» Et de conclure : "L’essentiel est que le procès est maintenant en cours, espérons que la vérité va éclater."
En attendant l’éclatement de la "vérité officielle", nombreux sont les Congolais qui ont acquis la conviction que la mort de Chebeya et de Bazana consititue un double crime d’Etat. Un crime ordonné par la plus haute autorité du pays. D’où les atermoiements de la justice militaire. Pour quel mobile? Floribert Chebeya ne cachait plus sa volonté de faire déférer les assassins des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo devant les juridictions internationales.
Floribert Chebeya Bahizire est mort. Mais justice lui sera faite tôt ou tard. Il en est de même pour Fidèle Bazana Edadi. Le combat mené par "Floribert" pour l’avènement d’un Etat impartial, tolérant, respectueux de la vie et de la dignité de la personne humaine continue...
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