Dans cette perspective, ces articles publiés dans le mensuel La Voix du Congolais dans les années 1950 en RDC (Congo belge alors) constituent un témoignage d'une partie de la production écrite par les Africains d'éducation occidentale appelés les "évolués" dont fait partie Antoine-Roger Bolamba (1913-2002). Rédacteur en chef de cette célèbre publication de 1945 à 1959, il est reçu lors de tournées dans les provinces, invité avec d'autres en Belgique en 1953, il suit le roi Baudouin en voyage officiel dans la région en 1955.
Christophe Cassiau-Haurie a rassemblé ici ses reportages rédigés lors de tournées en les organisant selon les provinces traversées, parfois au cours de différents voyages. Il faut lire ces textes en se rappelant les distances énormes de ce pays-continent au cœur de l'Afrique, les réglementations coloniales limitant les déplacements des autochtones et l'encadrement d'une presse strictement soumise au pouvoir afin de ne pas commettre de dangereux anachronismes. Bolamba est dans une situation ambiguë puisqu'il propose des descriptions aux allures de reportage sur des situations variées tout en étant, de par ses fonctions et son statut d'évolué, redevable au gouvernement belge et aux missions catholiques.
Ces catalogues ne s'en tiennent pas à la description car Bolamba rédige ses articles comme des comptes rendus d'inspection : dans tel hôpital "la propreté y fait défaut" (32), tel marché est "démodé" (148), dans telle école "la diction est irréprochable" (47) et se permet des suggestions : l'un "devrait prendre un règlement" (142) ou des interpellations : "n'est-il pas vrai que le paiement de l'impôt est parfois pénible pour l'indigène paysan ?" (150). Il ose parler de l'administration dont les fonctionnaires ici "abusent du temps et de la patience des indigènes qui attendent de longues heures" (48) alors qu'ailleurs elle "se dépense sans compter pour donner aux Noirs confort et agrément" (76). Enfin, dans la dernière partie, il s'emploie à démontrer la qualité et l'ancienneté de l'accueil que la Belgique réserve aux Congolais.
Alors, comment lire Bolamba ? Certes, il appartient à la première génération d'écrivains grâce à son recueil de poèmes Esanzo (1955) mais même s'il cite Verhaeren (69), Bossuet (108) et Baudelaire (257), son écriture aux qualificatifs hyperboliques reste ici conventionnelle voire scolaire. Il est bien difficile d'imaginer à travers ces lignes qu'il a rencontré le fougueux Damas en 1954 et assisté au congrès des écrivains noirs à Paris en 1956. Loin des hardiesses littéraires de ceux que l'on rassemble autour de la Négritude, Bolamba choisit des stratégies plus détournées pour suggérer les failles (sociales essentiellement) d'un système dont il doit par ailleurs montrer les résultats enthousiasmants.
Ces articles issus de la presse officielle sont donc surtout d'utiles témoignages sur la position charnière dans laquelle étaient les évolués, prisonniers des structures, du langage, de leur statut social. Les voyages de l'Atlantique au Rwanda qu'ils retracent seront naturellement lus au travers de la situation actuelle de la région ; ils offriront ainsi d'utiles points de comparaison et permettront de relativiser bien des analyses du passé comme du présent.
Il a été rédacteur en chef de La Voix du Congolais entre 1944 et 1959 et fut Secrétaire d’État à l’Information et aux Affaires culturelles du 1er gouvernement indépendant du Congo dirigé par Patrice Emery Lumumba. Puis ministre de l’Information du Gouvernement Adoula, avec Antoine Gizenga comme vice-premier ministre en 1963.
Il fut parmi les fondateurs du MNC, Mouvement National Congolais et le protagoniste de négociation avec Moise Tshombe pour mettre fin à la sécession katangaise.
L’un de ses célèbres poèmes est "Lokolé", inspiré de la tradition populaire mongo.
Mais c’est surtout son oeuvre littéraire qui a fait sa renommée, et en particulier son recueil de poèmes "Esanzo, Chants pour mon pays" publié en 1955 chez Présence Africaine et préfacé par son ami, ancien président du Sénégal, l’écrivain Léopold Senghor. Libéré de la prosodie classique ce recueil met en valeur les ressources de la tradition mongo, ce peuple riverains du fleuve Congo dont Bolamba est originaire.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire