17/10/2011
La Chambre civile du tribunal de première instance de Bruxelles a connu une animation particulière le vendredi 14 octobre. Cette juridiction avait, une fois de plus, à se pencher sur le «conflit de travail» qui oppose un groupe de diplomates zaïro-congolais à l’Etat congolais, leur employeur.
Quel est le problème ?
Envoyés en poste diplomatique sous la IIème République de Mobutu Sese Seko, des fonctionnaires congolais (Affaires étrangères, Défense nationale, Education nationale, Sûreté nationale) ont été purement et simplement congédiés par les nouveaux maîtres du pays. Il s’agit des fameux «libérateurs» du 17 mai 1997.
Dans ce pays où l’intérêt national est généralement battu en brèche par les considérations régionalo-tribalo-ethniques, les «exceptions» n’ont pas manquées. La cohésion au sein du corps des diplomates congolais a été lézardée avec l’émergence de deux «statuts» de diplomates : les «anciens» dits «mobutistes» et les «nouveaux», envoyés sous l’empire des Kabila.
Depuis bientôt quinze ans, pas moins de 500 «anciens diplomates» et leurs familles sont abandonnés à leur triste sort dans des pays d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Europe. Leur «crime» est d’avoir servi au sein du corps des diplomates sous l’ancien régime. C’est à croire qu’après leurs études, les citoyens zaïro-congolais devaient attendre la chute du régime Mobutu pour commencer une vie professionnelle. Que dira-t-on demain de «nouveaux diplomates» labelisés «kabilistes» ?
Lors de la prise du pouvoir du général Mobutu en novembre 1965, l’administration publique en général et la diplomatie en particulier n’ont connu aucun bouleversement majeur. Bien au contraire. Les ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques d’alors ont été convoqués au pays afin de recevoir les instructions des nouvelles autorités. Il n’y a eu ni épuration ni chasse aux sorcières. Les «libérateurs» ont cru «innover» en décapitant les postes diplomatiques et en épurant ceux-ci des ressortissants de certaines provinces.
Analphabète diplomatique, en mai 1999, Abdoulaye Yerodia Ndombasi, alors ministre des Affaires étrangères, adresse à son homologue belge, Erik Derijcke, la liste de «nouveaux diplomates» affectés à Bruxelles. Le chef de la diplomatie belge charge aussitôt son chef de cabinet, Yves Haesendonck, pour porter ce message pour le moins inhabituel aux «anciens diplomates» : « Les autorités congolaises viennent de nous communiquer la liste de nouveaux diplomates. Nous n’allons pas vous chasser manu militari. Toutefois, nous vous invitons à prendre contact avec l’Office des étrangers pour régulariser vos séjours en Belgique ». C’est le sauve-qui-peut général. Du jour au lendemain, des fonctionnaires qui ont servi leur pays depuis des décennies, avec loyauté, se retrouvent sous le statut infamant de «sans papiers». Impécunieux. Des familles entières sont privées de ressources.
Notons qu’en février 2003, un message du ministre des Affaires étrangères est venu « notifier » aux anciens diplomates qu’ils étaient « fin terme » et devaient prendre les «dispositions utiles» pour leur rapatriement. Les intéressés attendent toujours.
En 2004, une cinquantaine d’«anciens diplomates» décident de conjurer la fatalité en rompant avec la résignation ambiante. Le groupe fait appel à un cabinet d’avocats bruxellois pour défendre leurs intérêts.
Que demandent les «anciens diplomates» ?
Primo : le paiement de leurs arriérés de salaires.
Secundo : le versement de leurs indemnités de loyer.
Enfin : la mise à leurs dispositions des indemnités ainsi que moyens nécessaires pour leur rapatriement. Les autorités diplomatiques congolaises n’ont jamais contesté la légitimité des revendications de ce groupe de fonctionnaires. A preuve, les termes de cette réponse datée du 21 mars 2005 du vice-ministre des Affaires étrangères d’alors, Mbwinga Bila : «(…), il convient de porter à votre connaissance que cette matière fait l’objet de la préoccupation du gouvernement congolais, qui s’est impliqué dans la recherche des moyens conséquents pour résoudre dans sa totalité la situation des diplomates congolais concernés ».
Voilà pourquoi l’attitude de l’avocat de la RD Congo étonne. Ce juriste - qui se croit plus étatiste que l’Etat - continue à invoquer une prétendue «immunité de juridiction» et autre «souveraineté» afin d’obtenir la nullité de la citation adressée à l’Etat congolais. Alors que le ministère des Affaires étrangères à Kinshasa a reconnu être débiteur d’une créance à l’égard de ses « anciens » fonctionnaires. L’avocate des « anciens diplomates », en l’occurrence Maître Lecomte Camille, a pu démontrer en termes simples que l’affaire sous examen n’est nullement attentatoire à la « souveraineté» de la RD Congo. «Il s’agit d’un problème qui touche aux droits subjectifs », a souligné la juriste. «C’est un problème d’argent», a-t-elle ajouté.
Il est, dès lors, étonnant de voir les pouvoirs publics congolais - qui ont été les premiers à violer les lois et les règlements d’administration qui régissent le déroulement de carrière des fonctionnaires en poste à l’étranger - user et abuser des subterfuges procéduriers pour se dérober à leurs obligations suite notamment aux dégâts humains causés par l’amateurisme, le manque d’humanisme et les méthodes propres aux républiques bananières. Des ménages ont en effet implosé. Plusieurs fonctionnaires sont morts dans un misérabilisme indescriptible. Des enfants ont abandonné la scolarité pour vivre dans des bandes urbaines.
Les «anciens diplomates» sont décidés à jouer jusqu’au bout la carte judiciaire devant les tribunaux belges. Objectif : obtenir leur dû. Une telle action aurait pu être menée devant les juridictions congolaises. Hélas, la Justice congolaise est loin d’être indépendante. C’est bien dommage !
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