26/03/2012
"Joseph Kabila" et Didier Reynders en juin 2006 à Kinshasa.
Le ministre belge des Affaires étrangères, le MR Didier Reynders, entame, lundi 26 mars, une visite de 48 heures au Congo-Kinshasa …sur «invitation» de son homologue congolais Alexis Thambwe. Cet "habillage diplomatique" ne trompe personne
C’est depuis le mois de décembre que le nouveau chef de la diplomatie belge brûle d’envie d’aller congratuler «l’ami Joseph Kabila». L’invitation attribuée à Thambwe ne répond à aucune urgence quand on sait que depuis le 6 mars dernier, le gouvernement congolais démissionnaire est chargé d’expédier les affaires courantes en attendant la désignation d’un formateur. D’autre part, l’Assemblée nationale n’a pas encore élu les membres définitifs de son Bureau. La Cour suprême continue à examiner les recours soumis à son examen suite aux tricheries relevées lors des élections du 28 novembre.
C’est depuis le mois de décembre que le nouveau chef de la diplomatie belge brûle d’envie d’aller congratuler «l’ami Joseph Kabila». L’invitation attribuée à Thambwe ne répond à aucune urgence quand on sait que depuis le 6 mars dernier, le gouvernement congolais démissionnaire est chargé d’expédier les affaires courantes en attendant la désignation d’un formateur. D’autre part, l’Assemblée nationale n’a pas encore élu les membres définitifs de son Bureau. La Cour suprême continue à examiner les recours soumis à son examen suite aux tricheries relevées lors des élections du 28 novembre.
Dans la capitale congolaise, Reynders a prévu de s’entretenir avec des responsables politiques. Outre son homologue congolais et le ministre des Finances Matata Ponyo, il devrait rencontrer le président provisoire de l’Assemblée nationale, l’UDPS Timothée Kombo Nkisi, et le président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo. Des entrevues sont également prévues avec des représentants des forces politiques et sociales. L’objectif, dit-on, est de «mieux s’informer de la situation politique» et d’«assurer la poursuite du dialogue ouvert et constructif» entre Bruxelles et Kinshasa. L’homme entend profiter de cette occasion pour souligner «l’engagement» de la Belgique envers le Congo «y compris pour plaider sa cause dans les enceintes internationales». Mercredi 28 mars, la visite sera clôturée par une audience auprès de «Joseph Kabila». Le retour à Bruxelles est prévue le lendemain jeudi.
Réactions
Inutile de dire tout le mal que la grande majorité des Congolais de Belgique pense du voyage qu’effectue un officiel belge de ce rang au Congo. Plusieurs "manifestations de colère" ont été organisées à Bruxelles. Les représentations au Benelux de certains partis de l’opposition n’ont pas manqué d’écrire au ministre belge des Affaires étrangères lui demandant d’annuler ce déplacement assimilable à un «adoubement» d’un «Joseph Kabila» dont la «victoire» résulte de fraudes massives. En attribuant à son homologue congolais l’initiative d’un voyage qu’il a lui-même prévu de longue date, Reynders recourt à un fallacieux "alibi" pour défendre l’indéfendable.
Sur le plan «belgo-belge», des voix se sont élevées pour manifester l’indignation. Dans un communiqué publié le mercredi 21 mars sous la signature de Bogdan Vanden Berghe, directeur général de 11.11.11, des ONG flamandes ont fait savoir que cette visite «ne doit pas aboutir à la légitimation du résultat contesté de la présidentielle du 28 novembre dernier (…) ». «Kabila manque de légitimité auprès de la population congolaise. Ce n’est pas à Reynders de la lui fournir», ont-elles souligné. Ajoutant : «Il est fondamental que le ministre Reynders insiste auprès des autorités congolaises pour qu’elles reconnaissent les manquements dans l’organisation des derniers scrutins et qu’elles s’engagent à y remédier». Ce qui implique «la nécessité de réformer la Commission électorale nationale indépendante» (Céni), «le besoin d’une justice impartiale et l’octroi de moyens suffisants pour l’éducation démocratique de la population». Pour ces organisations, le ministre Reynders doit aussi «plaider» en faveur de l’arrestation de Bosco Ntaganda.
«Je n’ai pas vu d’hommes d’Etat au Congo»
Rappelons qu’en 1990, au lendemain de la fin de la Guerre froide, le royaume de Belgique était à l’avant-garde des nations occidentales qui avaient imposé au continent noir en général et au Zaïre d’alors en particulier la promotion de la démocratie et des droits de l’homme. Sous peine d’interruption de «l’aide au développement». Suite à l’affaire dite du «massacre» des étudiants de Lubumbashi, Kinshasa et Bruxelles ont connu une longue crise diplomatique.
Après la prise du pouvoir par l’AFDL le 17 mai 1997, les deux capitales ont continué à se bouder jusqu’en juillet 1999 lorsque le MR Louis Michel prend le portefeuille des Affaires étrangères. «Tonton Michel», comme l’avait surnommé Abdoulaye Yerodia Ndombasi, alors ministre des Affaires étrangères, aimait s’attribuer la paternité du retour du «dossier Congo» dans «l’agenda de la communauté internationale». Devenu commissaire européen, Louis Michel avait provoqué un tollé dans les milieux congolais en affirmant au cours d’une intervention à la télévision commerciale RTL-Tvi que «Joseph Kabila représente l’espoir pour le Congo». Depuis lors, les libéraux francophones sont honnis par les ex-Zaïrois.
En 2004, le libéral flamand (VLD) Karel De Gucht prend la direction de la diplomatie belge. A l’issue d’une première tournée au Congo au mois d’octobre, il se lâche : «Je n’ai pas rencontré d’hommes d’Etat au Congo». Cette déclaration provoque l’ire de certains libéraux francophones. C’est le cas notamment D’Armand De Decker, alors président du Sénat. Proche de Reynders, De Decker d’estimer que cette prise de position était de nature «à affaiblir» «Joseph Kabila» et à renforcer les mobutistes lesquels, selon lui, "risquaient de revenir au pouvoir". Un mois avant le premier tour de l’élection présidentielle de 2006, Reynders, alors ministre des Finances, s’est rendu à Kinshasa en compagnie de De Decker ainsi que de la secrétaire d’Etat Gisèle Mandaïla. Objectif : remettre à «Joseph» un cadeau d’anniversaire.
"Kabila nous a déçu"
Le 31 mai 2011, un groupe des Congolais de Belgique étiqueté MR organisaient une rencontre à Anderlecht entre une centaine des Congolais et le tout nouveau président du MR. Son nom : Charles Michel, fils de Louis. Après un échange houleux au cours duquel chaque partie a vidé son sac, "Charles" a déclamé cette phrase : «Joseph Kabila nous a déçu !». Une allusion aux atteintes aux droits et libertés ainsi qu’aux tripatouillages de la Constitution. «Il y a une connection entre le développement économique et la liberté et en particulier la liberté de la presse. Les élections à venir au Congo doivent avoir lieu dans l’égalité des candidats de sorte que le scrutin ne soit en aucun cas confisqué au profit d’un camp».
Décembre 2011. Dès le lendemain de sa désignation à la tête du ministère belge des Affaires étrangères, Didier Reynders annonçait bruyamment son intention d’aller assister à la prestation de serment de «Joseph Kabila». Il s’est ravisé in extremis suite, dit-on, aux pressions exercées sur lui par certains partenaires de la coalition au pouvoir au niveau fédéral. De passage début mars au siège de l’Onu à New York, Reynders réitérait son intention d’effectuer à la fin de ce mois sa première tournée dans les trois pays d’Afrique centrale anciennement administrés par le pouvoir colonial belge. Apparemment, l’agenda a été modifié en ce qui concerne le Rwanda et le Burundi. C’est une mystification de prétendre que le chef de la diplomatie se rend à Kin à l’invitation de son homologue congolais. Qu’est ce qui fait courir Didier Reynders?
B.A.W (avec Belga)
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