14/06/2012
Par Ségolène Allemandou (texte)
Quatre employés de la Cour pénale internationale (CPI) sont détenus pour espionnage en Libye depuis le 7 juin. Leur interpellation intervient alors que La Haye et Tripoli se disputent le droit de juger Seïf al-Islam Kadhafi, fils du défunt guide.
Rien ne va plus entre la Libye et la Cour pénale internationale (CPI). Quatre fonctionnaires de la Cour sont détenus depuis une semaine à Zenten, à 170 km à l'ouest de Tripoli. Leur arrestation est officiellement liée à une affaire d’espionnage, officieusement, à la bataille livrée par la Libye pour juger elle-même Seïf al-Islam Kadhafi, le fils du défunt guide, qui fait l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes contre l'humanité.
L'avocate australienne de la CPI Melinda Taylor est détenue en Libye depuis le 7 juin. (Crédit : AFP) |
À l’origine de cette affaire se trouve l'avocate australienne Melinda Taylor, l’une des quatre employés de la CPI, qui a été chargée de la défense de Seïf al-Islam Kadhafi. Le jeudi 7 juin, elle rend visite à son client détenu à Zenten depuis novembre 2011. Elle est accompagnée par son interprète libanaise, Hélène Assaf, ainsi que par deux employés du greffe de la Cour, l'ancien diplomate russe Alexander Khordakov et le juriste espagnol Esteban Peralta. Au sortir de la prison, tous les quatre sont arrêtés par une brigade d’ex-rebelles. Melinda Taylor et son interprète libanaise, considérée comme sa "complice", sont placées en détention préventive pour une durée fixée à 45 jours ; les deux autres représentants choisissent de rester avec elles par solidarité.
Selon Tripoli, Melinda Taylor est accusée "d'espionnage et de communication avec l'ennemi" parce qu'ils auraient tenté d'échanger des documents avec le détenu. "Au cours de la visite, l’avocate Melinda Taylor a tenté de remettre à l’accusé des documents qui n’ont aucun lien avec l’affaire et qui représentent un danger pour la sécurité de la Libye", a déclaré à l’AFP, dimanche 11 juin, le représentant libyen auprès de la CPI, Ahmed al- Jehani.
Parmi les documents il y avait, selon le commandant de la brigade de Zenten Ajmi al-Atiri, une lettre de Mohamed Ismaïl, ex-bras droit de Seïf al-Islam, actuellement recherché, ainsi qu'une feuille blanche portant la signature du fils Kadhafi et une lettre non signée adressée à la CPI dans laquelle celui-ci assure qu’il n’y a "pas de gouvernement ni de loi en Libye" et qu’il est "maltraité".
Aucune plainte reçue à la CPI
À l'instar de la Première ministre australienne Julia Gillard, la CPI a réclamé la "libération immédiate" de Melinda Taylor ainsi que des trois autres fonctionnaires. "Nous n’avons reçu de la part des autorités libyennes aucune plainte à l’égard d’aucun des membres de la délégation", indique à FRANCE 24 Fadi el-Abdallah, chef de l’Unité des Affaires publiques de la CPI, qui se refuse à réagir aux informations reportées par les médias "qui sont parfois contradictoires et ambiguës".
La Cour basée à La Haye, aux Pays-Bas, rappelle par ailleurs que "les autorités libyennes ont l’obligation de coopérer pleinement avec la Cour en vertu de la résolution 1970 du Conseil de sécurité, y compris en ce qui concerne les immunités du personnel de la Cour". Cité par l'agence libyenne Lana, le porte-parole du gouvernement de transition Nasser al-Manaa a précisé que la justice libyenne travaillerait en "toute impartialité" et "dans le respect du droit international".
"Il n’existe aucun magistrat en Libye capable de juger cette affaire"
Cette interpellation intervient alors que la Libye et la CPI se livrent une bataille judiciaire pour juger Seïf Al-Islam, explique à FRANCE 24 Barack Barfi, chercheur à la Fondation Nouvelle Amérique basée à Washington. "L’arrestation des fonctionnaires vise à mettre la pression sur la CPI afin qu’elle transfère le dossier [Seïf al-Islam] à la Libye", précise-t-il. Le fils de Kadhafi, âgé de 39 ans, devrait prochainement être transféré à La Haye pour y être jugé, mais les autorités libyennes s’y opposent, souhaitant que le procès ait lieu devant leurs tribunaux.
Pour obtenir gain de cause, Tripoli doit prouver qu'elle a les capacités logistiques et la volonté politique de juger Seïf al-Islam de façon équitable. "Mais le problème, précise Barack Barfi, c’est que le système judiciaire libyen est incompétent et n’apparaît pas en mesure de juger le fils Kadhafi. Il n’existe aucun magistrat en Libye capable de juger cette affaire”.
Ce dossier met aussi en lumière, selon Barack Barfi, "l’incompétence du gouvernement de transition libyen, qui a beaucoup de mal à imposer son autorité face aux milices d'ex-rebelles qui font la loi à travers le pays". Depuis des semaines, les autorités libyennes tentent d'obtenir, auprès de la brigade de Zenten, le transfèrement de Seïf al-Islam à Tripoli en vue de son jugement – une condition sine qua non pour pouvoir le juger. Mais la milice des anciens rebelles s’y refuse, craignant de voir partir le fils de Kadhafi pour La Haye. Tripoli n’a pas non plus obtenu gain de cause dans ses différentes demandes de libérer les fonctionnaires.
La CPI n’a, quant à elle, pas d’autres moyens que la pression diplomatique pour tenter d’obtenir la libération de ses employés. Selon le porte-parole du gouvernement de transition, Melinda Taylor sera libérée si elle indique où se trouve l’ex-bras droit de Seïf al-Islam. "Nous n'avons rien contre cette femme, mais nous voulons des informations qu'elle possède, et après elle sera libre", a-t-il déclaré.
Selon Tripoli, Melinda Taylor est accusée "d'espionnage et de communication avec l'ennemi" parce qu'ils auraient tenté d'échanger des documents avec le détenu. "Au cours de la visite, l’avocate Melinda Taylor a tenté de remettre à l’accusé des documents qui n’ont aucun lien avec l’affaire et qui représentent un danger pour la sécurité de la Libye", a déclaré à l’AFP, dimanche 11 juin, le représentant libyen auprès de la CPI, Ahmed al- Jehani.
Parmi les documents il y avait, selon le commandant de la brigade de Zenten Ajmi al-Atiri, une lettre de Mohamed Ismaïl, ex-bras droit de Seïf al-Islam, actuellement recherché, ainsi qu'une feuille blanche portant la signature du fils Kadhafi et une lettre non signée adressée à la CPI dans laquelle celui-ci assure qu’il n’y a "pas de gouvernement ni de loi en Libye" et qu’il est "maltraité".
Aucune plainte reçue à la CPI
À l'instar de la Première ministre australienne Julia Gillard, la CPI a réclamé la "libération immédiate" de Melinda Taylor ainsi que des trois autres fonctionnaires. "Nous n’avons reçu de la part des autorités libyennes aucune plainte à l’égard d’aucun des membres de la délégation", indique à FRANCE 24 Fadi el-Abdallah, chef de l’Unité des Affaires publiques de la CPI, qui se refuse à réagir aux informations reportées par les médias "qui sont parfois contradictoires et ambiguës".
La Cour basée à La Haye, aux Pays-Bas, rappelle par ailleurs que "les autorités libyennes ont l’obligation de coopérer pleinement avec la Cour en vertu de la résolution 1970 du Conseil de sécurité, y compris en ce qui concerne les immunités du personnel de la Cour". Cité par l'agence libyenne Lana, le porte-parole du gouvernement de transition Nasser al-Manaa a précisé que la justice libyenne travaillerait en "toute impartialité" et "dans le respect du droit international".
"Il n’existe aucun magistrat en Libye capable de juger cette affaire"
Seïf al-Islam Kadhafi, le réformateur devenu guerrier |
Pour obtenir gain de cause, Tripoli doit prouver qu'elle a les capacités logistiques et la volonté politique de juger Seïf al-Islam de façon équitable. "Mais le problème, précise Barack Barfi, c’est que le système judiciaire libyen est incompétent et n’apparaît pas en mesure de juger le fils Kadhafi. Il n’existe aucun magistrat en Libye capable de juger cette affaire”.
Ce dossier met aussi en lumière, selon Barack Barfi, "l’incompétence du gouvernement de transition libyen, qui a beaucoup de mal à imposer son autorité face aux milices d'ex-rebelles qui font la loi à travers le pays". Depuis des semaines, les autorités libyennes tentent d'obtenir, auprès de la brigade de Zenten, le transfèrement de Seïf al-Islam à Tripoli en vue de son jugement – une condition sine qua non pour pouvoir le juger. Mais la milice des anciens rebelles s’y refuse, craignant de voir partir le fils de Kadhafi pour La Haye. Tripoli n’a pas non plus obtenu gain de cause dans ses différentes demandes de libérer les fonctionnaires.
La CPI n’a, quant à elle, pas d’autres moyens que la pression diplomatique pour tenter d’obtenir la libération de ses employés. Selon le porte-parole du gouvernement de transition, Melinda Taylor sera libérée si elle indique où se trouve l’ex-bras droit de Seïf al-Islam. "Nous n'avons rien contre cette femme, mais nous voulons des informations qu'elle possède, et après elle sera libre", a-t-il déclaré.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire