08/06/2012
A elles seules, les dates créent la stupéfaction : c’est en 1909, alors que le Congo était encore l’Etat indépendant, propriété privée de Léopold II, que Paul Panda Farnana, originaire du Bas Congo, obtint son diplôme d’enseignement supérieur et sortit de l’école d’agriculture de Vilvorde !
Envoyé en Belgique pour veiller sur un petit Blanc qui mourut durant la traversée, il avait été adopté par une pianiste belge, Lise Derscheid, fervente admiratrice de Tolstoï, et surtout, persuadée, comme son maître à penser, de l’égalité entre les hommes. « Tante Lise » comme l’appellera jusqu’au bout le jeune Paul adoptera le petit garçon venu du Congo, lui fera suivre des études et lui conseillera de mettre ses compétences au service de son pays d’origine, croyant ainsi, de bonne foi, œuvrer au développement de la colonie.
Mêlant les photos d’archives, le reportage de terrain, la reconstitution historique, la cinéaste Françoise Levie a réalisé un travail saisissant. Malgré quelques tautologies, ce film sensible et rigoureux permet de saisir la densité du racisme de l’époque, de mesurer à quel point Paul Panda Farnana fut un précurseur incompris, par les Belges et aussi par les Congolais. Mais ce film fait aussi froid dans le dos, car, illustrant les aptitudes du jeune homme, son dévouement à la Belgique, ses qualités intellectuelles, il permet de mesurer l’immensité du gâchis qui a consisté à priver d’éducation supérieure des générations entières de Congolais, à mutiler l’esprit d’un peuple. Par quel terme faut il désigner le génocide de l’intelligence ? Cette question court tout au long du film de Françoise Levie et, même si le temps a passé, elle devrait hanter les consciences. Car aujourd’hui encore au Congo, l’éducation demeure le plus précieux, le plus hasardeux des biens. Combien de millions de Panda Farnana n’ont-ils pas été sacrifiés ?
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