28/09/2012
Une vue de la province du Katanga sur la carte du Congo
Environ 20.000 personnes ont fui vers la cité de Dubie, dans le territoire de Pweto, en provenance des localités de Kabwe Sungu, Kampangwe, Kato et Mutendele, situées dans la zone limitrophe des territoires de Manono, Mitwaba et Pweto. En cause, des opérations militaires menées par l’armée congolaise contre des miliciens Mayi-Mayi, indiquent des sources locales citées, mercredi 26 septembre, par le porte-parole du bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), Yvon Edoumou. Celui-ci a signalé que ces personnes vivent dans des conditions difficiles dans ce territoire qui a déjà accueilli plus de 66.000 autres déplacés. Une mission humanitaire multisectorielle est attendue à Dubie pour évaluer les besoins et préparer la réponse dans le cadre de mécanismes de réponse rapide aux urgences. Où est passé l’Etat?
D’autres mouvements de populations sont signalés notamment dans le territoire de Manono. Et ce suite à la désertion par la population du village de Kiambi et d’autres localités environnantes. La population fuit les combats entre les FARDC et des miliciens Mayi-Mayi proches de l’ex-chef milicien Kyungu Mutanga, alias «Gédéon», une «vieille connaissance» à John Numbi Banza Tambo ainsi qu’à un certain Daniel Mulunda Ngoy Nyanga. Il va sans dire que «Gédéon» dispose des «complices» qui lui assurent la «protection» au niveau le plus élevé du pouvoir tant au Katanga qu’à Kinshasa.
D’autres déplacements de populations ont eu lieu à Bendera, dans le territoire de Kalemie, suite aux affrontements qui opposent les FARDC à des éléments des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) proches du groupe Mayi Mayi Yakutumba qui sévit au Kivu. Depuis le début de cette année, la population "déplacée interne" du Katanga a presque triplé, atteignant près de 150.000 au 30 juin 2012. A la fin du mois d’août, la commission provinciale mouvement de population (CMP) estimait déjà à environ 206.000 le nombre d’individus en errance dans la province.
Transfert des FDLR à Kisenge
Les plus hautes autorités congolaises tant au niveau provincial que national ont une grande part de responsabilité dans la situation décrite ci-haut. Début mai 2010, l’opinion congolaise a été stupéfaite d’apprendre le transfert de cinquante-quatre éléments des FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) de Goma vers Lubumbashi. Destination finale : Kisenge. Cette initiative dont la motivation reste mystérieuse a été prise par le pasteur Daniel Mulunda Ngoy qui n’assumait aucun mandat officiel en dehors de sa qualité de président du Parec (Programme national pour la paix et la reconstruction) et de "gourou" de "Joseph Kabila". Les 54 FDLR "délocalisés" étaient accompagnés de 106 membres de leurs familles. Un rapide calcul mental donne un total de 160 Hutu rwandais.
"Joseph Kabila" était-il au courant des agissements de son impétueux "conseiller spirituel"? La réponse ne peut être qu’affirmative. Mulunda n’avait-il pas déclaré à l’époque que cette "délocalisation" des rebelles hutus "était conforme aux accords de Goma"? Un avis partagé à l’époque par le ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende Omalanga, qui déclarait avec son aplomb habituel que "ce transfert fait partie d’un vaste programme du gouvernement congolais qui va aboutir au retour de ces FDLR dans leur pays d’origine". Et d’ajouter : «Il ny a aucune menace pour la sécurité des populations. (...). J’ai l’impression que il y a des discours alarmistes qui sont tenus par des gens qui n’ont pas intérêt à ce que la situation se stabilise et qui manipulent les populations. Je voudrais une fois de plus rassurer ces populations que le gouvernement ne peut pas initier un programme qui met en danger les populations civiles.» Où en est-on? L’objectif a-t-il été atteint?
"Gédéon"
Le 7 septembre 2011, on apprenait l’évasion de l’ex-chef milicien Kyungu Mutanga de la prison de haute sécurité de la Kasapa. Une affaire rocambolesque. L’homme aurait été "libéré" par un groupe d’individus cagoulés et armés présentés comme des "Mayi Mayi". L’opération a eu lieu en plein jour. Douze mois après cette cavale, personne ne croit sérieusement que "Gédéon" ait pu "faire la belle" sans l’aide de quelques complices au sommet de la hiérarchie du pouvoir tant au Katanga qu’à Kinshasa. Comment peut-on expliquer que les renforts de la police aient mis une bonne heure pour parcourir sept kilomètres?
Dans un communiqué daté du 11 janvier 2012 à la presse, sous la signature de Mgr Fulgence Muteba, l’Ong Caritas-Développement lançait un appel non pas aux autorités provinciales ou nationales mais plutôt à toutes "les personnes de bonne volonté" à venir en aide à la population de cette partie du Katanga. Une population, disait-il, obligée à fuir leurs habitations suite à la violence qui y règne. Il faut refuser de regarder pour ne pas y percevoir l’existence d’une crise de confiance entre la "société civile" et les gouvernants. Des gouvernants suspectés de laisser faire.
Le communiqué indiquait par ailleurs que "Gédéon" a été aperçu aux flancs des monts Mitumba, non loin de Lukafu, à la tête d’un peloton d’une quinzaine de jeunes gens armés et portant une bande rouge autour de la tête". Certains d’entre eux s’exprimaient en langue portugaise. Kyungu Mutanga, censé être "l’ennemi public n°1" au Katanga, a pu donc parcourir plusieurs centaines de kilomètres sans rencontrer le moindre policier ou membre de la garde prétorienne de "Joseph Kabila" basée dans l’ex-Shaba. Inimaginable. Questions: Qui tire les ficelles? Qui veut "allumer le feu" au Katanga à l’instar des provinces du Kivu et de la Province Orientale?
Madeleine Wassembinya (avec ACP)
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