30/12/2013
Une vue de Kinshasa. Photo d’archives
Que s’est-il passé dans la capitale congolaise? Toutes les sources confirment que des hommes armés non identifiés, habillés en civil, ont investi, lundi 30 décembre, entre 8h00 et 9h00, le siège de la Rtnc (Radio télévision nationale congolaise). Selon ces sources, des tirs ont été entendus aux camps militaires Kokolo (base logistique) et Tshatshi (garde présidentielle). Il en serait de même à l’aéroport international de Ndjili. Il semble que la compagnie aérienne belge
«Brussels Airlines» a annulé son vol de ce lundi à destination de Kinshasa.
«La Rtnc est prise d’assaut par des hommes armés. La télévision nationale a cessé d’émettre». «Il y a des tirs un peu partout à Kinshasa». «Des hommes armes portant des tee shirt blancs ont fait irruption dans le studio de la télévision. Ils voulaient manifestement passer un message mais le signal a été coupé». «Le porte-parole du gouvernement Lambert Mende va faire une déclaration». «Les assaillants se réclameraient d’un certain Joseph Mukungubila». «Des hommes armés ont pris le contrôle de l’aéroport de Ndjili». «Des véhicules de la Présidence de la République ont été incendiés à l’ex-Cité de l’OUA». "La primature est quadrillée par des militaires lourdement armés". Ce sont là les «SMS» les plus significatifs reçus par la rédaction de Congo indépendant au cours de la matinée de ce lundi.
Qui sont les assaillants? Quelle est la motivation de leur action? Qui est leur chef ? S’agit-il d’une tentative de déstabilisation ou d’une simple manipulation du pouvoir kabiliste destinée à servir de prétexte pour éliminer les opposants à un troisième mandat présidentiel pour le "raïs"? Des questions qui restent pour le moment sans réponse.
Il se confirme cependant que des coups de feu ont été entendus au siège de la Rtnc. Et que le signal de ce média d’Etat a été coupé. Il se confirme également que des détonations d’armes automatiques et lourdes ont été entendues non seulement à l’aéroport de Ndjili mais aussi aux camps militaires Kokolo et Tshatshi. Ce dernier lieu sert de caserne aux éléments de la garde prétorienne de «Joseph Kabila». Qui oserait jouer au desperados dans les milieux des "Bana Moura" réputés pour leur facilité à appuyyer sur la gâchette?
Au moment ces lignes sont écrites, on apprenait que le ministre des Médias et porte-parole du gouvernement, Lambert Mende Omalanga, a fait une déclaration sur la deuxième chaine de la Rtnc. Il a appelé la population «à vaquer à ses occupations» en qualifiant les assaillants de «terroristes». Selon lui, «la situation est sous contrôle». A en croire un estimé confrère kinois, les agents de la Croix rouge auraient «ramassé» douze cadavres à l’aéroport de Ndjili et une dizaine à l’état-major de l’armée congolaise au Mont Ngaliema. «Kabila se trouve dans sa résidence», souligne cette source qui fait remarquer que «l’origine de l’attaque et l’identité des agresseurs restent encore nébuleuses ». Il ne reste plus qu’à lancer des hypothèses en guise de tentative d’explication.
Première hypothèse : mécontentement au sein de l’armée et de la police.
Selon des sources, les «agresseurs» fustigeaient «les salaires de misère» mais aussi «la lassitude d’avoir un Rwandais à la tête de la police nationale». Dans une récente dépêche, l’Agence congolaise de presse rapportait que le commandant du 104e secteur opérationnel des FARDC à Uvira, le colonel Patrick Opya, a affirmé mardi 24 décembre que les militaires de son secteur, dont la paie n’a pas encore été bancarisée, pourraient percevoir les arriérés de leurs soldes au courant de cette semaine. «Cette déclaration a été faite pour rassurer les épouses de militaires du 1011e régiment des FARDC, ajoutait l’ACP. Celles-ci ont manifesté le lundi 23 décembre pour réclamer le paiement des arriérés de soldes de leurs conjoints. Venues de Kilomoni, Kahala, Kimanga et Kavimvira, ces femmes affirmaient que leurs époux n’avaient plus été payés depuis trois à cinq mois ». L’armée a dû recourir à la force brutale pour disperser les protestataires. Au cours des échauffourées qui s’en sont suivies, trois femmes ont été blessées. Des manifestations analogues ont été organisées à travers Uvira.
Au cours de ce même mois de décembre, l’ACP indiquait que les policiers attendaient désespérément leurs soldes à Kananga au Kasaï Occidental. Le directeur des services juridiques et contentieux à l’Inspection générale de la Police nationale congolaise, le commissaire supérieur Valère Mobeko, a « encouragé», vendredi 13 décembre, les éléments impayés de la garnison de cette ville à contacter régulièrement l’antenne provinciale de cette inspection en vue de trouver des solutions à leurs revendications.
Il semble que les militaires et les policiers de la capitale ne sont pas mieux lotis. "Le mécontentement couve au sein de la police et de l’armée", confie une source proche de la "majorité présidentielle". Selon cette source, il ne manquerait plus qu’une "étincelle" pour "faire exploser la baraque".
Deuxième hypothèse : Tentative de déstabilisation.
Plusieurs sources assurent que les «agresseurs» se réclameraient d’un certain Pasteur Mukungubila qui - c’est nous qui le soulignons - aime s’arroger du titre de «prophète». En attendant la confirmation de cette "information", il importe de rappeler que lors de l’élection présidentielle de 2006, un certain Paul-Joseph Mukungubila Mutombo avait posé sa candidature en tant que «candidat indépendant». Il faisait partie des 33 prétendants à la magistrature sûpreme. L’homme avait défrayé la chronique en avril 2006 et mai 2010. Il occupait indûment la villa d’un ancien dignitaire de la IIème République au très huppé quartier Mont Fleury. D’autre part, en mai 2010, le même Mukungubila fut arrêté par les agents de renseignements militaires (ex-Demiap). Non-contents, les adeptes de son église (Eglise du Seigneur Jesus-Christ) ont organisé un sit-in devant l’état-major de l’ex-Demiap pour obtenir la libération de leur "chef spirituel". La «manif» sera violemment réprimée. Il était reproché au «prophète» d’avoir critiqué le régime kabiliste.
Si cette hypothèse était confirmée, on peut gager que les assaillants du bâtiment de la Rtnc n’étaient qu’une bande d’apprentis-sorciers. Des «pieds nickelés», comme disent les Français. Comment espéraient-ils renverser le régime en place sans commencer par se saisir des dirigeants civils et militaires tout en prenant le contrôle de l’armée et des moyens d’information et de communication? Les assaillants ont-ils été manipulés?
Troisième et dernière hypothèse : Manipulation.
Et si les événements qui ont secoué la capitale congolaise ce lundi 30 décembre n’étaient qu’une manipulation organisée par "Joseph Kabila" et les «super faucons» de son régime honni par la population? Quel en est le mobile? C’est un secret de polichinelle de rappeler que «Joseph» est tourmenté par la date du 19 décembre 2016. Son second et dernier mandat prendra fin à ce jour-là. L’homme et ses "services d’études stratégiques" déploient de talents d’imagination pour trouver des subterfuges pour justifier, dans un premier cas de figure, une prolongation de sa présence au sommet de l’Etat. Motif : retard pris par l’organisation du recensement général ; dans un second cas, mettre en œuvre une révision de la Constitution en faisant sauter l’obstacle qui empêche le «raïs» à briguer un troisième mandat. Etrangement, la situation décrite ici intervient au lendemain de la confirmation du général Charles Bisengimana à la tête de la police nationale. Ses deux adjoints s’appellent Raüs Chalwe Ngwashi et Kanyama Bilolo, deux hommes qui passent pour les exécuteurs de basses œuvres de «Joseph Kabila». Des individus sans foi ni loi, adeptes de la «solution finale». Ces nominations constituent un message de nouveau durcissement du pouvoir.
Au total, les événements de ce mardi 30 décembre ne pourraient être qu’un "ingénieux" prétexte pour permettre au «raïs» de procéder à des arrestations. Et pourquoi pas à l’élimination physique de quelques contradicteurs décidés à empêcher l’émergence d’une «présidence à vie» qui ne dit pas son nom? En tous cas, la narration des faits donnée par Mende a surpris plus d’un observateur par sa précision. Notre confrère kinois de s’interroger : "Comment et à quel moment Lambert Mende a pu rassembler tous ces éléments à savoir notamment le nombre des assaillants, les lieux attaqués et le nombre de tués?".Affaire à suivre.
Baudouin Amba Wetshi
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