Les Observateurs
24/04/2014
Toutes les photos ont été prises mercredi 23 avril, 24 heures après l'accident,
par l'Observateur Glodi de France24.
Mardi 22 avril, un accident de train survenu dans la province du Katanga, dans le sud-ouest de la République démocratique du Congo, a fait au moins 57 morts selon les premiers bilans officiels. Un rescapé et un médecin racontent l’horreur de cette catastrophe ferroviaire dont le bilan ne cesse de s’alourdir. Lire leur récit et voir
les images…
Le train de marchandises de dix-neuf wagons faisait route vers le Kasaï occidental. Selon le porte-parole du gouvernement, l’accident serait dû à "l’emballement du moteur". Le gouvernement congolais a toutefois annoncé, mercredi soir, l’ouverture d’une enquête parlementaire pour déterminer les causes exactes de l’accident. Jeudi après-midi, des sauveteurs essayaient toujours de dégager des survivants des décombres du train.
Des sauveteurs et des militaires présents sur les lieux pour retrouver les corps des victimes.
"On se disait que le train allait trop vite"
Gilbert était dans le wagon 8 du train qui a déraillé. Il se rendait à la gare de Miabi, près de Mwene Ditu, pour retrouver sa famille.
Le train est parti de la gare de Kamina un peu avant 5 heures du matin. Les marchandises y étaient chargées. J’ai entendu des gens se disputer, et j’ai vu un des conducteurs du train se disputer avec un agent de la Société Nationale des chemins de fer congolais (SNCC). Apparemment, cela portait sur des marchandises qui n’avaient rien à faire dans le train et qui ont été débarquées. Le chauffeur est remonté furieux dans le train et a démarré.
Nous avons fait plusieurs kilomètres à grande vitesse, en ligne droite. Avec les gens dans le wagon, on se disait que le train allait trop vite. D’un coup, on a senti qu’on partait en avant, ma tête a heurté une paroi du wagon et j’ai perdu connaissance. Quand j’ai ouvert les yeux, c’était le chaos. Des corps avec des plaies ouvertes gisaient autour de moi. Seulement les quatre wagons arrières étaient encore debout. J’ai réussi à ramper loin du train, à prendre mon téléphone, et à appeler mon frère.
Des installations rudimentaires prennent en charge les victimes sur le lieu de l'accident.
Je suis actuellement à l’hôpital, avec une côte cassée et une hémorragie à la jambe, mais je m’en sors bien. J’avais le droit de prendre ce train, car je suis officier de police, et que l’état nous délivre des autorisations spéciales pour voyager dans les trains de marchandises. Le problème, c’est qu’il y a tellement peu de trains qui circulent, que beaucoup de gens montent à bord de ces trains de marchandises sans autorisation. Les agents de la SNCC sont impuissants pour réguler ça.
Notre Observateur décrit des scènes insupportables et
des cadavres parfois bloqués sous les décombres.
Plusieurs ONG et journalistes locaux ont également constaté que de nombreux passagers clandestins étaient présents entre les wagons et sur les containers au moment de la catastrophe.
Gilbert Kamini
"On entendait des hurlements, on ne savait pas d’où ils venaient"
Les médias locaux donnent un bilan beaucoup plus élevé que celui des autorités : une centaine de morts et au moins 150 blessés, ce que confirme un de nos observateurs. Glodi (pseudonyme), agent de santé à Kamina, une ville située à une soixantaine de kilomètres de l’accident, a rejoint les secours sur place 24 heures après le drame.
Le lieu de l’accident est très peu accessible. Pour rejoindre ce lieu en partant nous avons dû marcher pendant une heure dans une épaisse végétation avant d'arriver au train, en transportant un minimum de matériel de secours.
Pour arriver sur les lieux de l'accident, médecins et militaires ont dû marcher
pendant près d'une heure, en traversant parfois des ponts de fortune
avec du matériel de secours.
Sur place, il y avait une cinquantaine de personnes, principalement des militaires, du personnel de la Croix-Rouge et d’autres médecins. Le spectacle était insupportable : on voyait beaucoup de cadavres coincés entre les containers. On entendait des hurlements, on ne savait pas d’où ils venaient. Les militaires essayaient d’utiliser des leviers pour bouger de quelques centimètres les amas de ferrailles ou de creuser avec des pelles pour dégager les corps. On s’est senti complètement impuissant.
Au fond à droite, une passagère du train dont la jambe est coincée sous les décombres.
Selon notre Observateur, celle-ci n'avait toujours pas pu être secourue
au moment où nous publions cet article.
Depuis hier, une image me revient sans cesse : un homme, qui avait deux de ses proches dans le train, a reconnu leurs visages au milieu des décombres. Il pleurait, nous implorait de faire quelque chose. Malgré tous nos efforts, on n’a pas réussi à sortir ces deux corps, qui étaient coincés à un endroit inaccessible. Il aurait fallu une grue pour soulever ces wagons et récupérer les cadavres. Je ne sais pas si on aura un jour le vrai bilan de cette tragédie. D’une part parce que certaines familles ont retrouvé les corps de leurs proches et les ont emportés ; d’autre part parce qu’avec la chaleur, certains corps étaient déjà en état de décomposition avancée. Nous avons été obligés de les mettre directement dans une fosse commune, car il n’y a pas de morgue aux alentours.
Plusieurs tonnes de marchandises devront être jetées selon notre Observateur.
Les accidents de train sont assez fréquents en RDC, dont le réseau ferroviaire mis en service à l'époque coloniale belge n'a été que peu entretenu depuis l'indépendance, en 1960. Cependant, il s’agit de l’accident de train le plus grave depuis sept ans en République démocratique du Congo : en aout 2007, une catastrophe ferroviaire similaire dans la province du Kasaï-Occidental avait fait 120 morts et de nombreux blessés.
Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste aux Observateurs de FRANCE 24.
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