Par Wakabi Wairagala
Les juges de la Cour pénale internationale (CPI), en réunion plénière, ont rejeté la demande de la défense de récuser le juge Cuno Tarfusser de la phase préalable au procès dans la nouvelle affaire portée à l’encontre de Jean-Pierre Bemba, de ses deux anciens avocats et de deux assistants.
« En faisant une distinction entre les allégations concernant l’interprétation de la loi par le juge et les allégations concernant la conduite du juge dans la procédure, les juges en séance plénière ont unanimement rejeté les demandes », dispose une décision rendue le 23 juin 2014. Les juges ont conclu qu’aucun des arguments présentés par les équipes de défense de quatre des accusés « n’ont corroboré les allégations de partialité ou l’apparence de partialité ».
Le président de la réunion plénière, le juge Sang-Hyun Song, a affirmé dans la décision que la défense n’indiquait pas que les décisions en question étaient basées sur une prédisposition du juge Tarfusser en faveur du procureur ou un investissement personnel dans une décision particulière du juge. De plus, les juges en réunion plénière ont statué que même si le juge avait rejeté la majorité des demandes de la défense et accédé à la majeure partie des demandes de l’accusation, cela ne constituait pas un fondement raisonnable pour une récusation.
En novembre dernier, le juge Tarfusser avait émis des mandats d’arrêt à l’encontre de M. Bemba, de son avocat principal de l’époque, Aimé Kilolo-Musamba, de son chargé de la gestion des dossiers, Jean-Jacques Mangenda Kabongo, d’un parlementaire congolais, Fidèle Babala Wandu, et d’un témoin de la défense, Narcisse Arido. Ils sont accusés de subornation de témoins et de présentation de témoignages falsifiés dans le procès en cours de M. Bemba pour crimes de guerre et pour crimes contre l’humanité.
Les avocats de la défense de quatre des accusés ont fait valoir que la surveillance par le juge Tarfusser des conversations téléphoniques des avocats de M. Bemba avant de lever leur immunité violait le principe de confidentialité des communications et établissait son manque d’impartialité. M. Bemba n’a pas déposé d’appel pour la récusation du juge.
L’l’équipe de défense a également accusé le juge d’avoir, de manière unilatérale et illégale, désigné un avocat indépendant pour faciliter une enquête interne bien que le statut fondateur de la Cour ne prévoyait pas ce scénario. La défense a affirmé que le juge Tarfusser avait donné des instructions à l’avocat indépendant pour qu’il ne trouve que des éléments de preuve à charge pour les besoins de l’enquête de l’accusation.
En outre, la défense a fait valoir que le juge unique avait eu tort de faire une demande à la présidence de la Cour pour lever les immunités de M. Kilolo et de M. Mangenda et qu’en le faisant, il devenait « une partie intéressée et concernée, ce qui équivalait à être un second procureur ».
La défense de M. Kilolo a, en particulier, soutenu que la rapidité, vraisemblablement « quelques heures », avec laquelle le juge avait pris une décision sur la demande du procureur concernant les mandats d’arrêt remettait en cause le fait de savoir si les suspects avaient bénéficié d’un contrôle juridictionnel adéquat et d’une véritable délibération avant que les mandats d’arrêt ne soient émis.
Le procureur s’est opposé à la demande de récusation du juge, qualifiant l’appel de la défense de « fantaisiste »et de tentative de « maîtriser la procédure de la phase préliminaire ».
Dans une demande écrite soumise à la réunion plénière, le juge Tarfusser a nié toute irrégularité ou parti pris. Il a déclaré que les circonstances avaient dicté l’urgence dans cette affaire, notamment l’émission rapide des mandats d’arrêt, étant donné qu’il était possible que le personnel de la Cour divulgue des informations sur l’existence de l’enquête.
Les quinze juges constituant la réunion plénière ont déterminé que les préoccupations relatives à la conduite de l’affaire par le juge en termes de rapidité et de propos tenus ne répondaient pas aux normes élevées requises pour établir une apparence de partialité. Ils ont fait remarquer que l’accusé bénéficiait du droit d’être jugé dans un délai raisonnable et que le juge connaissait l’affaire avant la demande de l’accusation d’émettre des mandats d’arrêt.
Les juges en réunion plénière ont également souligné le fait que la procédure dans cette affaire était la première à être traité par la Cour, au titre de l’article 70 du Statut de Rome, concernant une subornation de témoin. Etant donné l’absence de précédent, un grand nombre de questions juridiques et de procédures restaient sujettes à l’interprétation et au litige lors de l’avancée de la procédure.
« Alors que la défense, dans ses demandes, aurait pu mettre en avant des arguments plausibles sur l’interprétation de la loi, il existe de même des interprétations plausibles motivant les décisions du juge », ont déclaré les juges. « Malgré tout, les questions soulevées par la défense dans ses demandes sont précisément le type de questions traitées lors du processus d’appel de la Cour ».
Les juges en réunion plénière ont considéré que les allégations de la défense constituaient une tentative de transformer des questions traitées en appel en questions de récusation. Cela ne pourrait être tolérable car « sinon tous les juges risqueraient d’être soumis à des procédures de récusation lorsqu’ils prenaient une décision défavorable à une partie ».
Après avoir examiné les transcriptions des procédures et des décisions rendues par le juge Tarfusser, les juges en réunion plénière ont indiqué que les exemples donnés par la défense pour remettre en cause son impartialité du fait de ses propos avaient été pris hors de leur contexte. Ils ont souligné que les actes habituels du juge lors de son administration juridique, même s’ils paraissaient sévères ou impatients, restaient exempts de l’établissement d’un parti pris ou d’une partialité.
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