n° 188 - septembre 2014
Beaucoup de gens se posent la pertinente question suivante : pourquoi les mentions hutu, tutsi et twa ont-elles été apposées sur les cartes d'identité au Ruanda et à partir de quand ?
Carte Jeune Afrique |
Cette appartenance pouvait être nobiliaire pour les Tutsi et relevait dans ce cas du lignage coutumier. Elle pouvait aussi relever de la qualité féodale de shebuja ou de nu propriétaire de têtes de gros bétail. C'est dans tous les cas, des caractères d'ordre coutumier qui complétaient l'identité civile des ressortissants ruandais.
Les écrits de l'abbé Alexis Kagame, historien ruandais de renom, ont largement décrit ces trois composantes identitaires de la société ruandaise.
Les Ruandais eux-mêmes se reconnaissaient sans difficulté dans leur appartenance souvent très ancienne. Cette situation identitaire se constatait par le comportement journalier et le style de vie de chacun. Cette inscription ne conférait ni avantage, ni dommage quelconque et n'a donné lieu à aucun conflit pendant les vingt cinq années qui ont précédé la révolution sociale de novembre 1959.
Bien au contraire, lors de celle-ci, Grégoire Kayibanda le Président du principal parti hutu, le Parmehutu, a demandé à la tutelle de maintenir dans les cartes d'identité la mention de l'ethnie afin de prouver statistiquement, l'injustice dans la composition de l'encadrement et dans l'enseignement secondaire où les Tutsis étaient majoritaires.
C'est donc par souci d'être complet et authentique aux yeux de la coutume que ces mentions tutsi, hutu et twa ont figuré sur les livrets d'identité.
On ne pouvait imaginer en 1933 que plus de soixante ans plus tard, le peuple ruandais allait utiliser ces différences socio-ethniques comme prétexte à un génocide. Comme en d'autres pays ce sont les différences entre les composantes de la nation qui servent de prétexte à des revendications : la religion, la couleur de la peau, la langue, toujours l'abus du pouvoir et l'absence d'alternance dans son exercice cristallisent les revendications.
J'espère que la brève description ci-dessus de cette problématique a répondu, amis lecteurs, à vos interrogations qui nécessitent, pour être satisfaites, la capacité à s'adapter au contexte sociologique de l'époque - ici le régime féodal - ce qui est peu aisé quand on ne l'a pas vécu.
Julien Nyssens
Administrateur de Territoire
au Ruanda de 1948 à 1961
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