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dimanche 21 juin 2015

La tragédie d'Isangi

21/06/2015


Récit publié dans le Bulletin de Liaison de CONGORUDI de juillet 2015 et signé par Michel Faeles qui a vécu ces tragiques événements de près en 1964.

La localité d'Isangi est située sur la rive gauche du fleuve Congo, à quelque 120 kilomètres en aval de Stanleyville (Kisangani), au confluent de la rivière Lomami et du Congo.

Le "Guide du voyageur", édition 1958, publié par Inforcongo, donne les renseignements suivants sur Isangi et la rivière Lomami : "Isangi fut jadis un poste arabe et il reste encore des ruines de l'ancienne mosquée; outre ces ruines, le touriste peut être intéressé par la tribu des Topoke, dont les membres sont parmi les plus tatoués du Congo; ni le nez, ni les lèvres ne sont respectés, toutes les incisives sont limées en pointe".


Au début de l'occupation européenne, la rivière Lomami formait frontière entre les influences belge et arabe et c'est sur ces bords qu'auront lieu de nombreux conflits.

Chef-lieu de territoire, siège d'évêché, Isangi est aussi le siège de la zone Lomami d'une des plus importantes sociétés agricoles et industrielles du Congo, la Busira-Lomami, dont les exploitations (plantations et usines de traitement pour le café, le caoutchouc, l'huile de palme, le riz, le cacao) s'étendent au sud d'Isangi sur quelque 300 kilomètres le long de la rivière Lomami; les deux autres zones (Tshuapa et Lomela) de cette société s'étendent ensuite vers l'ouest sur environ 600 kilomètres en direction de Coquilhatville (Mbandaka) le long des rivières Tshuapa et Lomela.

Toute cette région est vraiment au centre du Congo, formant une partie de l' "assiette à soupe renversée", dont les bords sont délimités par la grande boucle formée par le fleuve Congo.

J'en viens aux événements de 1964 au Congo, avec le mouvement révolutionnaire des Simbas qui prennent Stanleyville (Kisangani) les 4 et 5 août et en font la capitale de la rébellion.

Christophe Gbenye, Président de la République
Populaire du Congo, et le Général Olenga devant
le Monument Lumumba à Stanleyville, été 1964.
Photo d'auteur inconnu, recueillie à Stanleyville
par l'Adjudant Henrard, de la colonne Ommegang.
Aimablement transmise par Jean-Pierre Sonck.
Même si les rebelles n'ont jamais occupé à un moment déterminé quelque deux tiers du Congo, puisque leur avancée dans le nord et le nord-ouest se fait en perdant des régions dans le Kasai et le nord-Katanga, ils répandent la terreur en exécutant systématiquement et immédiatement au cours de leur avancée, les "intellectuels congolais", c'est-à-dire tous ceux dont la situation sociale dépasse quelque peu le niveau de vie moyen de la population.

Quant aux expatriés tués avant le mois de septembre 1964, soit environ 35, nous n'avons pas pu déterminer toujours les motifs de leur assassinat, notamment dans le Kasaï, le Nord-Katanga et le Kivu.

Dans les cas que nous avons connus, il y a eu des dénonciations surtout dans les lieux où l'expatrié restait seul, deux cas de vengeance, des imprudences, des cas d'affolement, mais aussi une action inconsidérée de mercenaires venant bombarder Isangi et tuant ainsi quelque dix Congolais, ce qui provoque en représailles, l'assassinat de trois missionnaires.

Les expatriés, surtout belges, vivent ainsi dans un climat dangereux, où le moindre incident peut provoquer un drame; cela se limite toutefois dans la plupart des cas, à des arrestations arbitraires, à des emprisonnements, à des brutalités, à des vexations de toutes sortes et ce, jusqu'à fin octobre 1964.

Toutefois, la détermination des Simbas à vouloir conquérir tout le pays nous fait comprendre qu'une solution politique n'est plus envisageable, comme cela a été le cas en 1961.
Et le début du drame pour les expatriés intervient d'une façon assez inattendue.

Le 24 octobre 1964, en Province de l'Equateur, entre Boende et Coquilhatville (Mbandaka), à la digue de Bikili, l'avancée des Simbas est brutalement et définitivement stoppée par des mercenaires blancs qui leur tendent une embuscade; et là, ce ne sont plus quelques Simbas qui sont tués comme lors des contacts avec l'Armée Nationale Congolaise (A.N.C.), mais des centaines de rebelles qui sont tués par des Blancs.

Les Simbas qui échappent à ce massacre, se rendent compte qu'ils n'ont plus affaire à l'A.N.C., assistée de quelques conseillers blancs, mais à des Blancs uniquement.

En outre, ils doutent de leur invulnérabilité à laquelle leurs chefs leur avait fait croire, en les faisant participer à des cérémonies initiatiques organisées par des sorciers.

Le télégramme du Général Olenga
Revenu à Stanleyville, le Général Olenga est obligé de réagir et le 27 octobre, il donne l'ordre d'arrêter et d'emprisonner les Belges et les Américains dans toutes les régions occupées par les rebelles.

Et le message qu'il envoie à tous ses officiers est clair :"Américains Belges doivent être gardés au lieu sur - stop - en cas de bombardement région exterminer tous sans demander explication" Général Olenga.

Les arrestations se déroulent dans les jours qui suivent; à Stanleyville, elles se limitent toutefois à environ 300 Belges.


A Isangi, c'et tout au début du mois de novembre que les expatriés sont arrêtés et internés à deux endroits différents, les religieux et religieuses dans un bâtiment, les huit agents de la société Busira-Lomami dans un autre, ces derniers sous la garde, mais aussi la protection du lieutenant Simba Tolembe.

Le 19 novembre 1964, Isangi est bombardée par des avions pilotés par des mercenaires stationnés en Province de l'Equateur, bombardement qui fait une dizaine de victimes congolaises et coule deux remorqueurs et trois barges de la Busira-Lomami.

Cette action, insupportable et même criminelle, provoque des représailles des Simbas et d'une partie de la population, représailles qui s'exercent uniquement sur les religieux, le lieutenant Tolembe continuant à protéger les huit agents de la Busira-Lomami.

Les religieux, dont Mgr. Janssens, sont accusés d'avoir appelé les mercenaires et subissent des humiliations, reçoivent des coups et sont soumis à des tortures qui provoquent la mort de trois d'entre eux :
  • Soeur Anne Lucy Donnaciuo, américaine
  • Soeur Christine Guillaume, belge
  • Révérend Père Ammerlaan, hollandais
La famille Montfortaine a perdu également le Révérend Frère Clemens, assassiné à Basoko (près d'Isangi) le 10 novembre 1964, dans des circonstances que nous n'avons pas pu déterminer.

Le 25 novembre, un camion de Simbas fuyant Stanleyville à la suite des opérations militaires du 24 novembre, arrive à Isangi et y rencontre un autre véhicule venant de Djolu (Province de l'Equateur), véhicule de Simbas également avec huit expatriés prisonniers :
  • Révérend Père Jean Groenewege, hollandais, Lilenge
  • Révérend Frère Jaco Vos, hollandais, Lilenge
  • Monsieur Paul De Vos, belge, Sobol, Sipef, Bunge à Lilenge
  • Monsieur Gustaaf Pieters, belge
  • Mnsieur Roger Baudson, belge
  • Monsieur Raymond Vandevoorde, belge
  • Monsieur Charles Daenen, belge, directeur Sobol
  • Monsieur Etienne De Pauw, belge, planteur région de Djolu
Les deux groupes de Simbas s'en prennent immédiatement aux huit agents de la Busira-Lomami, malgré l'opposition du lieutenant Tolembe qui, blessé, doit finalement s'enfuir.

S'ajoutent donc aux huit prisonniers ci-dessus, huit autres personnes :
  • Monsieur Guy Janssen, belge
  • Monsieur Paul Huttlinger, belge
  • Monsieur Coibion, belge
  • Monsieur Beunkens, belge
  • Monsieur Rino Baldissena, italien
  • Monsieur Delhez, belge
  • Monsieur Lucien Sergent, belge
  • Monsieur Livremont, belge
Dans la nuit du 25 au 26 novembre, des tam-tams résonnent pour envoyer un message annonçant que l'on va "manger du blanc".
A Isangi même, Monsieur Delhez tente de s'enfuir et est abattu.
Et les deux camions partent avec les quinze prisonniers sur la route d'Isangi à Elisabetha, s'arrêtant dans les villages et proposant, peut-être avec menaces, deux prisonniers aux villageois.
Les villages de Tolau, Yabaondo, Yanguma, ont dit avoir refusé l'offre.
Par contre, les villages de Yaboseo, Yabolengo, Ligasa, Mangala et Malinda ont accepté chacun, deux prisonniers et ceux-ci ont été tués et mangés.

Messieurs Sergent et Livremont ont été conduits jusqu'à Elisabetha (Plantations Lever), de même que des prisonniers de Djolu et ont été exécutés début décembre.

A Isangi, les témoignages de Mgr Janssens et de plusieurs Congolais font état d'un grand nombre de Congolais exécutés par les Simbas, et la population de cette localité semble être restée étrangère aux événements repris ci-avant.

Et ces témoignages sont également concordants pour désigner un groupe de cinq individus qui ont fait régner la terreur depuis le mois d'août 1964, notamment envers la population congolaise d'Isangi.

A tout moment propice pour eux, ces cinq individus pouvaient recommencer à exercer leurs actions néfastes dans toute la région à la faveur de n'importe quelle désorganisation politique ou militaire.
Cela aurait probablement été le cas, puisque environ deux mois après leur arrestation en 1966, la Province Orientale a de nouveau été perturbés par la révolte des troupes katangaises commandées par le Colonel Tshipola.

* * *

Dans le désastre humain et social que nous avons découvert après le 24 novembre 1964 au cours de nos nombreux déplacements, sans jamais avoir une nouvelle réconfortante, les événements d'Isangi, nous ont particulièrement impressionnés par leur horreur et le véritable calvaire vécu par les religieux et les civils expatriés.

Et, sauf à Isangi même où l'A.N.C. était présente sous le commandement du Major Wauthier, il n'y avait plus aucune activité dans cette région du Lomami, complètement désertée par les expatrriés.

Parmi les témoignages recueillis, les plus importants et utiles ont été ceux de Messieurs Pitrebois et Courtoy, respectivement directeur général de la Busira-Lomami et important planteur dans la région de Ponthierville (Ubundu); ils sont revenus quelques jours dans la région et nous ont fourni l'essentiel de l'historique de ces événements lors de leur retour en Belgique; à Isangi même, ce sont des entretiens avec Mgr Janssens, le chef coutumier Topoke et le major Wauthier, ainsi qu'avec plusieurs Congolais, qui nous ont renseigné, les Congolais restant toutefois très réticents.

Notons aussi les renseignements recueillis à Stanleyville auprès de nombreuses personnes de passage, et ceux de plusieurs indicateurs congolais pour essayer de localiser l'endroit où se trouve ce groupe des cinq responsables.

Nous nous sommes rendu six fois à Isangi, presque chaque fois par avion militaire; une seule fois par bateau (quatre personnes, le Colonel auditeur militaire Marx, un capitaine mercenaire, un pilote congolais et moi), étant donné que nous pensions cette voie nationale sécurisée.

A hauteur de Yanonge, situé sur la rive gauche du Congo, nous sommes accueillis par une fusillade et le pilote, affolé, manoeuvre le canot de telle façon qu'il pique directement sur la rive; pensant sans doute à une attaque, les rebelles arrêtent de tirer et nous pouvons continuer notre route vers Isangi.

* * *

En avril 1966, nous pensons avoir réuni tous les renseignements utiles situant avec précision la localisation des cinq principaux responsables et nous nous rendons de nouveau à Isangi.

L'A.N.C. nous procure un véhicule et un guide pour nous rendre dans le village (dont nous avons oublié le nom) supposé abriter les cinq individus.

Nous avons un long entretien avec l'agent territorial, au cours duquel nous parlons notamment de l'état des routes, de la reprise des activités dans la région, des cultures et des zones d'achat; ce n'est qu'en le quittant que nous nous informons de la présence éventuelle de ce groupe et l'agent territorial nous confirme leur présence en ajoutant qu'ils se tiennent tranquilles actuellement et que les événements de 1964 sont bien oubliés.

Rentré à Kigali, nous avertissons le major Wauthier qui, le soir même, organise une expédition et arrête les cinq individus; nous pensions qu'ils seraient déférés à Stanleyville pour jugement, mais ils sont exécutés dès le lendemain par l'A.N.C., avec l'appui et l'approbation de la population.

Nous étions déjà repartis à Stanleyville avant même leur arrestation.

Michel Faeles
ancien directeur à la
Fédération des Entreprises du Congo

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Isangi 1964 - 2014









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