n° 188 - septembre 2014
par Jean-Marc Goffart
Les anciens bâtiments administratifs de Lovanium, appartenant aujourd'hui à l'Université de Kinshasa. Photo Wikipedia |
Selon cette opinion publique actuelle, l'enseignement congréganiste au Congo Belge se limitait à une formation religieuse (les séminaires) et à un enseignement technique et professionnel pour les jeunes Congolais. Les humanités latines, gréco-latines, modernes et scientifiques ne leur étaient pas proposées.
Cette opinion est non fondée et nous avons sollicité les congrégations missionnaires de l'époque pour nous donner les éléments qui rendent objectivement compte de l'existence d'un enseignement général pour les élèves congolais du niveau secondaire.
Notons dès à présent que dès 1945 s'est tenue à Léopoldville une réunion des évêques de la Colonie qui décida de la création de collèges pour les élèves congolais avec Humanités gréco-latines, scientifiques et modernes. En 1947, le pouvoir colonial donna son accord pour la mise en place, par les missions, d'un réseau d'établissements d'enseignement secondaire général pour les jeunes Congolais.
Les précisions sur ce sujet seront développées dans les courtes monographies suivantes classées par congrégations missionnaires.
Jean-Marc Goffart
- Congrégation des PP Barnabites
- Congrégation des PP Jésuites
- Congrégation des PP Scheutistes
1. Congrégation des PP Barnabites
PP. Barnabites ou Clercs réguliers de saint Paul.
Les données de ce texte nous ont été fournies par le R.P. Gérard Daeren, Barnabite et ancien recteur du Collège Saint-Paul de Bukavu.
En septembre 1948, les P. Blancs (Missionnaires d'Afrique) ont fondé un collège à Rugari au Nord-Kivu, le Collège Saint-François-Xavier. Dans ce collège, les bases de l'enseignement général ont été lancées dès la date de la création de l'établissement.
Le Collège Saint-François-Xavier fut déplacé en septembre 1949 à Mugeri (ancienne mission proche de l'hôpital de la Formulac à Katana, sur les bords du Lac Kivu) et occupa certains locaux de l'Ecole des Moniteurs que tenaient les P. Blancs.
Mgr Cleire fit appel aux P. Barnabites pour reprendre ce collège. C'est ainsi que les premiers Barnabites arrivèrent au début des années cinquante : les PP. Gérard Rose, Victor Dessart et Charles Leterme. Les P. Barnabites ont d'abord collaboré avec les P. Blancs avant de reprendre complètement le collège. Par la suite, le corps professionnel s'étoffa d'abord avec du personnel religieux puis avec des enseignants laïcs.
Sous son nouveau nom de Collège Saint-Paul, cette école secondaire latine introduisit à l'initiative des P. Barnabites, l'enseignement du grec pour mieux préparer les élèves aux différentes facultés de l'université. Cette initiative de la direction du collège fut, plus tard, officialisée par la création d'une section gréco-latine homologuée par l'inspection officielle.
En janvier 1953, le collège est déplacé dans des bâtiments provisoires du territoire de Kabare, bâtiments proches d'une commune de Bukavu (Bagira). Le collège Saint-Paul de Bukavu comprend les humanités gréco-latines et modernes.
Le 24 février 1956, le collège est visité par le chanoine Nicaise, secrétaire de l'Université Lovanium (à Kimwenza, Léopoldville). Le chanoine Nicaise invite les rhétoriciens à poursuivre leurs études dans cette université. Il existait donc dès la fin des années cinquante des rhétoriciens diplômés d'un enseignement secondaire général au Collège Saint-Paul.
Le 13 octobre 1957, les bâtiments définitifs du Collège sont inaugurés officiellement.
Le Collège Saint-Paul de Bukavu fut le seul établissement scolaire d'enseignement général tenu par les PP. Barnabites avant 1960 au Congo Belge. Il desservait les provinces du Kivu-Maniema, du Nord-Kivu et au-delà, ainsi que le Ruanda et l'Urundi.
2. Congrégation des PP. Jésuites
Les données de ce texte nous ont été fournies par le P. Jésuite Fernand Boedts, missionnaire enseignant dès 1946 au Petit Séminaire de Lemfu, proche de Kisantu, dans le Bas-Congo.
De 1954 à 1957 le Père Boedts se consacra à la formation des premiers Jésuites africains à Djuma sur la rivière Kwilu, au nord de Kikwit. Recteur de l'Institut de philosophie à Kimwenza de 1961 à 1967 et Recteur du Collège des Jésuites à Bujumbura de 1975 à 1981.
Autre source d'information, le livre "L'Ecole trahie" du P. jésuite Martin Ekwa.
Dans cet ouvrage un témoignage de l'ingénieur agronome Pierre Lebughe, d'abord élève à la Cadulac chez les PP. Jésuites de Kisantu, puis étudiant pionnier à l'université Lovanium en 1954 où il obtiendra son diplôme universitaire.
Dans cet ouvrage un témoignage de l'ingénieur agronome Pierre Lebughe, d'abord élève à la Cadulac chez les PP. Jésuites de Kisantu, puis étudiant pionnier à l'université Lovanium en 1954 où il obtiendra son diplôme universitaire.
Les PP. jésuites ont créé trois instituts d'enseignement secondaire donnant accès à l'Université :
- Le collège de Kiniati au Nord-Ouest de Kikwit, organisé par les Jésuites du Vicariat apostolique de Kikwit. Dans cet établissement, création des humanités littéraires en 1947.
- Le Collège de Mbansa-Mboma organisé par les Jésuites du Vicariat apostolique de Kisantu. Il dispensait également l'enseignement des humanités littéraires depuis 1947.
- Le Centre Universitaire Congolais de Kisantu créé par les Jésuites du Congo belge en 1948. Ce centre comprenait trois sections de formation spécialisée respectivement en médecine (Formulac), en agronomie (Cadulac) et en administration publique. Egalement dans ce Centre Universitaire à Kisantu, une section préparatoire aux examens du Jury Central qui permit, pour la première fois au Congo belge en 1954, aux étudiants l'accès à l'Université Lovanium.
La Direction de l'Université de Kimwenza fut cédée en juillet 1954 à l'Université Catholique de Louvain avec une nouvelle direction, celle du Chanoine Gillon et une nouvelle appellation : "l'Université Lovanium".
L'année académique 1953-1954 comptait à Kimwenza 31 étudiants qui se préparaient aux examens du Jury Central de Léopoldville. Quinze d'entre eux provenaient de la section préparatoire de Kisantu citée ci-dessus. Quinze autres étaient diplômés des Collèges de Kiniati et de Mbansa-Mboma cités ci-dessus également, mais aussi du Collège de Kamponde au Sankuru auxquels s'est ajouté un étudiant formé au Grand Séminaire de Kabwe au Kasaï.
De ces 31 étudiants, 14 se sont présentés en août 1954 aux examens du Jury Central; onze ont réussi; 1 de Mbansa-Mboma, 3 de Kamponde, 7 de Kisantu. Ils sont appelé les "pionniers de l'Université de Lovanium".
3. Les Pères Missionnaires de Scheut
Nous devons les informations ci-dessous à une correspondance et à des articles fournis par le Père Erik Maes, Secrétaire Provincial de Scheut à Bruxelles.
1. Quelques données générales concernant les collèges de différentes congrégations
Cf. : Revue "Missions de Scheut, n° 4 d'avril 1950"
Monsieur J. Van Hove, Chef du Service de l'Enseignement du Ministère des Colonies écrit :
"Les Missionnaires ont été les pionniers de l'enseignement secondaire au Congo belge. "L'école secondaire est spéciale ou générale. L'école secondaire spéciale forme des géomètres-arpenteurs, des agents des services médicaux, agricoles ou vétérinaires. L'école secondaire générale est axée soit sur une formation littéraire (latine), soit sur une formation scientifique et mathématique".
Des collèges d'humanités anciennes distincts des petits séminaires existent déjà : à Mbanza-Mboma (PP. Jésuites) au Bas-Congo; le Collège de Kiniati (PP. Jésuites), proche de Yasa au Kwango; à Kamponde (PP. de Scheut) au Kasaï; à Bukavu (PP. Barnabites) et à Dungu (PP. Dominicains) dans l'Uele. Des sections secondaires modernes ont été créées dans plusieurs centres de la Colonie.
Les humanités anciennes et modernes (nous sommes en 1950) préparent à l'enseignement supérieur, celui-ci est donné au Collège Universitaire "Lovanium" de Kisantu. ( ne pas confondre avec l'Université "Lovanium" de Kimwenza à Léopoldville qui sera créée ultérieurement, en 1954).
2. Données spécifiques à la Congrégation des Missionnaires de Scheut
Cf. : L'Agence Fides publie en 1951 l'information suivante :
2.1. Une date dans l'histoire de la politique scolaire du Congo belge.
Au Collège Saint-Joseph de Léopoldville, dirigé par les Pères de Scheut, vient d'avoir lieu la remise des diplômes de fin d'études secondaires à la première promotion d'élèves congolais ayant terminé leurs humanités modernes. Ces élèves ont fait cinq années d'études primaires, une année préparatoire à l'enseignement moyen et six années d'humanités. Monsieur Sand, Directeur Général des Affaires indigènes, représentant le Gouverneur Général de la Colonie a remis les diplômes aux douze lauréats.
2.2. Un Collège au Kasaï pour les élèves congolais.
En 1945, quelques mois après la fin de la guerre, les Pères de Scheut de la Mission de Luluabourg formulèrent le projet de fondation d'un Collège d'humanités classiques pour préparer leurs élèves congolais aux études universitaires.
En janvier 1947, le Collège Saint-Jean Berchmans fut ouvert à Mérode dans la Province du Kasaï. C'était le deuxième institut de ce genre au Congo belge. Le choix de l'emplacement définitif tomba sur Kamponde, au centre du Vicariat où le Collège fut transféré en 1948. En 1952, le secondaire compte six professeurs dont deux prêtres congolais et 100 élèves répartis sur 5 classes.
Le programme d'enseignement ne diffère guère de celui des collèges de Belgique, le latin est enseigné mais pas le grec classique, ce qui permet de donner une plus grande importance à l'étude des mathématiques et des sciences. Un soin particulier est donné à l'étude du Tshiluba, langue maternelle de la plupart des élèves et reconnue comme langue littéraire du Kasaï. En 1951, on compte 28 élèves en sixième latine et les premiers élèves sortant de Rhétorique pourront commencer leurs études supérieures.
3. Les petits séminaires.
Dans une lettre datée du 16 mai 2014, le Père E. Maes note que, dans la plupart des diocèses, il existait des séminaires avec une section gréco-latine. Ils ne sont pas cités comme exemple d'enseignement général car ils avaient réputation de ne former que des prêtres. Pourtant, de ces séminaires, plus de la moitié des diplômés restaient laïcs et avaient accès à l'Université.
4. Le Père Maes ajoute
"Dans tous les diocèses où Scheut était actif il y eut des collèges dans les années cinquante réservés aux élèves congolais : à Luluabourg, le Collège St-Louis qui dispensait un enseignement général; à Léopoldville, le Collège St-Joseph (section gréco-latine), le Collège Ste-Marie et le Collège St-Raphaël (section commerciale); à Lisala, le Collège St-Thomas More fondé en 1957 avec une section latine".
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