Par Le Monde Afrique
07/03/2015
Elles sont connues ou inconnues. Elles sont Africaines et Le Monde a décidé de leur rendre hommage, à l’occasion de la journée de la femme, le 8 mars. Elles n’ont pas été choisies pour leur fortune, ni pour leur influence, mais parce qu’elles ont impressionné neuf des journalistes au Monde qui traitent de l’Afrique.
Le choix a été subjectif, le résultat est large : photographe, banquière, soeur religieuse, agricultrice, actrice, geek ou ancienne couturière. Ce sont les femmes à qui nous tirons notre chapeau, celles qui sont en train de changer leur continent.
Colette Kitoga, mère des veuves et des orphelins - RDCongo
Colette Kitoga entourée d'orphelins et d'ex-enfants soldats
dans le centre d'accueil de Kasika.
Une localité théâtre de massacres en 1998. Crédits : Pizzicarms
Quand on lui demande son âge, par coquetterie Colette Kitoga esquive la question. Elle finit par répondre « la soixantaine » d'une voix malicieuse. Seule certitude, elle a consacré plus de trente années de sa vie aux plus démunis.
Grâce au bouche à oreille, le petit deux-pièces devient aussi un lieu de refuge pour enfants en cavale. Cinq mille en vingt ans. « Ils avaient assisté à l'assassinat de leurs parents et arrivaient traumatisés. C'étaient des témoins gênants. Il fallait les protéger ». Puis la situation s'aggrave avec l'afflux d'enfants soldats qui fuient les champs de bataille. « On les a cachés dans des familles d'accueil. C'était risqué car quand un enfant soldat était découvert, toute la famille était fusillée », raconte-t-elle.
Vient alors l'idée de créer le centre Mater Misericordiae à Bukavu dans l'est du pays, grâce aux dons de ses amis italiens rencontrés lors de ses études. Trois autres centres, co-gérés par des infirmiers et des psychothérapeutes. Tous bénévoles. Colette Kitoga devient alors « la maman des veuves et des orphelins » dans le Kivu. Une reconnaissance pour celle qui n'a pas fondé de famille. Sous ses yeux, enfants soldats et orphelins apprennent à vivre ensemble « comme des frères ». Pour les réhabiliter, l'école fait office de « psychothérapie ».
Les femmes aussi lui doivent leur renaissance. Dans cette région où le viol est utilisé comme arme de guerre, Colette Kitoga met les victimes à l'abri de la stigmatisation. « Dans nos centres, toutes les femmes, victimes de viol ou non, sont appelées veuves. C'est pour les protéger. Ce sont des veuves... avec des maris », explique-t-elle en souriant. Elles y reçoivent une écoute et des soins médicaux.
Une mission de salut public peu soutenue par les autorités congolaises qui « épuisent » les maigres finances des centres d'accueil, en prélevant l'impôt. Pour survivre, Colette Kitoga tente l'expérience de l'auto-financement grâce à l'élevage de poules et de cochons. Mais elle est, une nouvelle fois, confrontée aux réalités de la guerre. « Des militaires razziaient nos cultures et les animaux. On a dû abandonner », s'agace-t-elle.
Ce combat au quotidien altère sa santé mais sa vocation reste intacte. Partie à treize ans pour l'Italie dans les bagages d'une religieuse, elle a toujours nourri le rêve du retour. « Je viens d'une famille démunie. Enfant, j'ai vu ma petite sœur mourir de la rougeole. J'ai toujours voulu sauver des vies » conclut celle qui a reçu un prix Unicef en 2005. Pour le 8 mars, Colette Kitoga fait un vœu. Celui de voir plus de filles aller à l'école. Pour assurer sa relève.
Coumba Kane
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