08/08/2015
Par Joan Tilouine (Burkina Faso et Côte d'Ivoire, envoyé spécial)
Michel Toé est chef de traction à la Sitarail. Depuis trente-huit ans, il conduit régulièrement le train entre Ouagadougou et Abidjan. De son hublot, il a vu défiler l’histoire récente et souvent agitée du Burkina Faso et de la Côte d’Ivoire. « Pendant la première crise ivoirienne [2002 à 2007], nous roulions dans l’angoisse de la violence, de la mort. Les gares étaient sous contrôle d’hommes en armes », se souvient-il.
Crédits : Sophie Garcia/Hans Lucas pour Le Monde
Toutes les cinq secondes pendant des heures, Michel Toé doit appuyer sur cette fichue pédale pour ne pas déclencher l’alerte puis l’arrêt automatique du train. Il faut ralentir à l’approche des courbes, ne jamais vraiment accélérer et surtout tuer l’ennui dans cette locomotive inconfortable qui traîne vers la Côte d’Ivoire une dizaine de wagons de voyageurs dont grincent les essieux. Le train a péniblement quitté Bobo-Dioulasso, au Burkina Faso, à 16 heures, juste après la prière d’Al-Asr, sur la dernière ligne de chemin de fer fonctionnelle d’Afrique de l’Ouest, qui relie Ouagadougou à Abidjan en près de deux jours et deux nuits. La vitesse moyenne est de 36 km/h. De quoi inciter à la contemplation. Les 400 millions d’euros d’investissement prévus par le groupe Bolloré à l’issue de la négociation de la concession devraient rénover la ligne et le matériel roulant, en doublant la vitesse. Dans ce Burkina Faso méridional, la voie perce d’abord une roche ocre puis traverse un paysage de savane qui semble s’étendre à l’infini. On aperçoit des fragiles maisons en pisé ou en bois au milieu d’herbes hautes brûlées par le soleil. Au loin, très loin, le camaïeu de verts d’une forêt que l’on devine dense et généreuse.
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