Journal Le Soir
06/07/2011
Véronique Kiesel
Congo L’opposition et la société civile le dénoncent .
Coup de chaleur ce lundi devant les bureaux de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) dans le centre de Kinshasa. Des manifestants de l’UDPS, le parti d’opposition d’Etienne Tshisekedi, ont tenté de forcer l’entrée des bâtiments.
Les militants, qui protestaient contre un certain nombre d’irrégularités constatées lors des opérations d’enregistrement des électeurs en vue des élections législatives et présidentielles de fin novembre, ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes, mais une voiture a été brûlée et plusieurs personnes blessées. Finalement, le secrétaire général de l’UDPS, Jacquemin Shabani, et quelques membres du parti, ont été reçus par le vice-président de la Ceni, Jacques Ndjoli.
Ils lui ont remis un mémorandum reprenant les principaux problèmes : délivrance de cartes d’électeur à des enfants, non-paiement des agents de la Ceni, bureaux d’enregistrement très éloignés, surtout dans les provinces favorables à l’opposition. L’UDPS a promis de recommencer ce genre de sit-in tous les lundis, tant que la Ceni n’aura pas répondu point par point à tout ce qui figure dans le mémo…
Les opérations d’enregistrement devaient normalement être clôturées le 30 juin : c’est le cas dans plusieurs provinces, dont le Bas-Congo, le Maniema, le Katanga et le Kasaï occidental. Alors que, selon la mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC, plus de 28 millions d’électeurs avaient été enregistrés à la date du 26 juin dernier, des prolongations ont été prévues dans certaines régions, initialement jusqu’au 5 juillet, et finalement jusqu’au 15.
C’est notamment le cas en Province orientale, mais un député national, Hubert Moliso, estime que ce délai est insuffisant : les ordinateurs sont sans cesse en panne, les cartes d’électeur manquent, et l’insécurité dans certaines zones (Haut et Bas-Uele) complique encore le processus.
Payer pour une carte
A Kinshasa aussi, les opérations ont été prolongées : fin juin, seuls 2,4 millions d’électeurs y avaient été enregistrés, ce qui fait 68 % du nombre estimé d’électeurs, soit un des plus faibles taux du pays. « Les habitants de certains quartiers de la capitale doivent parcourir jusqu’à 15 km à pied pour pouvoir se faire enregistrer, explique Jean-Michel Mvondo du Recic (Réseau d’éducation civique au Congo), qui vient de publier un rapport sur le peu d’engouement des Kinois à se faire enregistrer. Quand ils y arrivent, ils doivent parfois attendre plusieurs jours et même payer les agents électoraux, ce qui théoriquement est interdit. Mais une partie de ces agents ne reçoivent pas leur salaire ! De plus, parmi les cartes qui sont finalement délivrées, un certain nombre sont porteuses d’erreurs, et notamment d’absence d’empreintes digitales. Elles seront donc refusées lors des procédures de vérification… »
Le rapport du Recic évoque d’autres problèmes : des partis proches du pouvoir paient des adolescents pour qu’ils aillent s’enrôler ; ou achètent 70 dollars les cartes d’électeur de jeunes femmes ; des citoyens sont amenés en bus vers des provinces où ils s’enrôlent au bénéfice de leurs « parrains politiques », etc. Ces pratiques sont connues de tous, et font que les Kinois n’ont guère confiance dans ce processus électoral. Reste à voir l’ampleur du phénomène…
CONTEXTE
Le problème
Le gouvernement congolais a lancé au printemps dernier la préparation des élections avec beaucoup de retard. Alors que le scrutin doit avoir leu le 28 novembre, l’enrôlement des électeurs n’est pas fini.
L’enjeu
Y a-t-il moyen d’organiser aussi rapidement un scrutin démocratique et transparent dans un pays aussi compliqué ?
A suivre
Outre les problèmes logistiques, il y a aussi le zèle de certains partisans du président Kabila. Alors que la popularité du chef de l’Etat est chancelante, ils se lancent dans des pratiques d’achats de cartes d’électeur et autres manœuvres douteuses qui ne promettent rien de bon. (V.K.)
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