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jeudi 6 décembre 2012

Au Congo-Kinshasa, le FMI sanctionne l'opacité du secteur minier

LE MONDE 
06.12.2012
Par Christophe Châtelot


La directrice générale du FMI, Christine Lagarde, le 30 novembre à Paris. 
AFP/ERIC PIERMONT
Et si la survie du régime chancelant de Joseph Kabila ne dépendait pas tant de la guerre avec les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), mais se jouait plutôt au siège d'une multinationale basée dans le canton suisse de Zoug ou sous les cocotiers du paradis fiscal des îles Vierges ?



La question se pose depuis que le Fonds monétaire international (FMI) a décidé, vendredi 30 novembre, de suspendre son programme triennal de "facilité de crédit". En cause : le manque de transparence des industries extractives qui, depuis des décennies, pillent le coffre-fort géologique congolais avec la complicité de ses dirigeants. Le "niet" de l'institution financière pourrait avoir des conséquences sociales désastreuses si jamais l'Etat en arrivait à ne plus pouvoir payer ses fonctionnaires. 


"MESSAGE NÉGATIF" 
A Kinshasa, on se rappelle du "premier et du second pillage" de 1991 et de 1993, au temps du dictateur Mobutu Sese Seko, qui régna sur le pays de 1965 à 1997. Gens ordinaires, militaires et policiers, unis par la même pauvreté, désossèrent la ville comme une nuée de crickets.

Dans le cas présent, le non-versement par le FMI des 225 millions de dollars (172 millions d'euros au cours actuel) restants de l'accord (sur 531 millions) destinés à soutenir les réserves de change ne déséquilibrera pas immédiatement les comptes de l'Etat. "Mais le message envoyé par le FMI aux autres bailleurs de fonds est très négatif, explique un fin connaisseur du dossier. L'absence de caution morale accordée par le Fonds, c'est là l'essentiel et le plus dangereux."

Le Congo est en effet très dépendant de l'aide étrangère. Un exemple : le budget 2011 prévoyait 6 milliards de dollars de recettes, dont la moitié devait venir de l'étranger. A la fin de l'exercice 2011, l'Etat n'avait encaissé que 55 % des recettes fiscales internes espérées, et seulement 30 % des sommes attendues auprès de bailleurs étrangers. Au final, le budget initial de 6 milliards n'en comptera que 2,6.

La mine de Kalimbi, dans la petite ville de Nyabibwe, au Sud-Kivu, le 31 octobre. 
REUTERS/STAFF
Entre-temps, le FMI avait suspendu son programme, en décembre, imité par d'autres prêteurs, lassés de se faire mener en bateau par un régime reportant toujours au lendemain le début de l'ère de la bonne gouvernance. Dans le cadre du programme triennal du FMI, les autorités congolaises étaient ainsi tenues de présenter tous les six mois un rapport d'activité destiné à évaluer le respect des engagements congolais. Or Kinshasa n'a fourni que la moitié des "revues semestrielles" nécessaires. "Colossal retard", se désespérait un expert.

GOUVERNEMENT PARALLÈLE 
La RDC espérait un délai de grâce du FMI pour présenter ses documents, comptant sur la réputation de compétence financière de son nouveau premier ministre, Augustin Matata Ponyo. Nommé au mois d'avril, ce technocrate respecté par les chancelleries occidentales n'est pas comptable des errements passés. Sans base politique, il tire sa force de la confiance qu'étaient supposés lui accorder les bailleurs de fonds internationaux.

Mais en RDC, l'entourage présidentiel agit comme un gouvernement parallèle, souvent accusé de prédation. Après l'échec au FMI, M. Matata Ponyo est aujourd'hui en sursis, attendu au tournant par les caciques de la formation au pouvoir, le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (le PPRD), qui avaient vu leur échapper ce poste ô combien lucratif, dès lors que l'on s'extrait du carcan du FMI.

Augustin Matata Ponyo, premier ministre de la RDC, à l'assemblée nationale, le 12 novembre. 
 AFP/JUNIOR D.KANNAH
Ce n'est pas la première fois que la RDC se retrouve dans cette situation. Celle-ci fut même pire durant les dernières années du régime Mobutu. Le vieux maréchal piochait des centaines de millions de dollars dans les caisses de l'Etat pour financer ses extravagances, alors que sa population mourait de faim et de désespoir. 

Pendant dix ans, de 1991 à 2001, la RDC ne reçut plus 1 dollar d'aide bilatérale ou multilatérale, précipitant le pays dans un gouffre dont il n'est pas encore sorti.

En attestent la profondeur des mares creusées dans les routes par les pluies tropicales ou la nature très alternative – voire inexistante – de l'approvisionnement électrique. Le FMI reprit son aide en 2003, pour la suspendre à nouveau en 2006, la rétablir en 2009 et la suspendre, donc, de nouveau.

MANQUE DE TRANSPARENCE
Cette fois-ci, c'est le manque de transparence dans la gestion du secteur minier qui a fait tiquer "les internationaux ".

Un cas emblématique : le projet de mine de cuivre Comidé. Alors que la RDC a commencé à publier nombre de contrats miniers conclus sur son territoire, comme le FMI le lui demandait, Kinshasa n'a donné que de vagues informations sur ce contrat liant, depuis juin 2011, l'ancien monopole minier congolais Gécamines à la multinationale Eurasian Natural Resources Corp. (ENRC) et à une obscure compagnie, Straker International Corp., enregistrée aux îles Vierges. Des doutes planent sur d'autres contrats, passés notamment avec Glencore, multinationale aux pratiques controversées basée à Zoug, en Suisse.

Le président de la RDC, Joseph Kabila, le 21 novembre.
AFP/PETER BUSOMOKE
Fin 2011, un député britannique, Eric Joyce, avait publié un rapport explosif dénonçant un système de prédation "systématique" des richesses naturelles du deuxième producteur de cuivre du monde. "Des membres du gouvernement , ainsi que le président Kabila ont bradé d'importants actifs miniers à différentes compagnies off-shore qui ne sont que des coquilles vides, écrivait M. Joyce. Le but étant l'enrichissement de quelques-uns au mépris du plus grand nombre et de l'Etat.

" Le député britannique évaluait alors le manque à gagner pour l'Etat congolais à quelque 5,5 milliards de dollars sur plusieurs années. D'autres spécialistes ont divisé ce montant par deux, mais la somme demeure colossale comparée au PIB annuel du pays (14,8 milliards de dollars). "Le projet Comidé remonte jusqu'à l'entourage présidentiel, assure un spécialiste étranger. Et quelle que soit la probité du premier ministre, sa compétence s'arrête aux portes de la présidence. C'est un morceau trop gros pour lui.

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