Par Wakabi Wairagala
Cette semaine, un soldat congolais, qui servait dans un contingent accusé d’avoir commis des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, a défendu la discipline du groupe dont le commandant en chef Jean-Pierre Bemba est jugé devant la Cour pénale internationale (CPI). Il a déclaré que les combattants de l’accusé n’étaient même pas présents dans certaines des zones dans lesquelles les procureurs affirment que les crimes ont été commis.
Le ‘‘témoin D04-45’’ a indiqué que les soldats du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) n’étaient pas déployés dans les villes de Bossembélé et de Bozoum en décembre 2002. Le témoin a fait cette déclaration après que l’avocat de l’accusation Eric Iverson lui ait montré des documents attestant que les combattants de l’accusé avaient commis des crimes dans les deux villes. Il a également déclaré qu’aucun soldat de son groupe n’avait été déployé dans les villes de Boy-Rabé, Fou, and Mongoumba, qui sont les zones dans lesquelles les procureurs déclarent que les soldats de M. Bemba ont commis des crimes.
Le témoin a été membre du 28ème bataillon du MLC, un des deux bataillons que M. Bemba avait envoyés en République centrafricaine(RCA) en octobre 2002 pour aider le président du pays, Ange-Félix Patassé, à combattre les insurgés. Les procureurs soutiennent que les combattants de l’accusé ont perpétrés des viols, des meurtres et des pillages mais que ce dernier n’a cherché ni à les arrêter ni à les punir. Il a nié les accusations.
Le ‘‘témoin D04-45’’, qui a été le seul témoin à comparaître cette semaine, a déclaré qu’il n’avait connaissance d’aucun crimes commis par ses collègues.
« Le Mouvement pour la libération du Congo n’aurait-il commis aucun viol, meurtre ou pillage ? », a demandé Eric Everson, l’avocat de l’accusation de la Cour pénale internationale (CPI).
« Je ne peux répondre à cette question de manière générale. Toutefois, pour ce qui est de mon groupe, je n’ai eu connaissance d’aucun cas de ce genre », a répondu le témoin dont la déposition a débuté mercredi dernier.
Le ‘‘témoin D04-45’’a témoigné que les forces rebelles menées par François Bozizé étaient les auteurs de crimes dans la ville du Kilomètre 12 (PK 12), où ils avaient leur quartier général avant d’être chassés à la fin du mois d’octobre 2002.
Le témoin a également affirmé que si des actes de violence avaient été commis, le général André Mazzi des forces armées centrafricaines (FACA) « les aurait arrêtés et aurait empêché d’en commettre d’autres » puisqu’il était leur commandant d’opération. Il a déclaré que, lors de leur arrivée dans le pays en conflit, les troupes congolaises avaient été « intégrées » à l’armée nationale pour mener des opérations conjointes commandées par les officiers centrafricains.
Lors du contre-interrogatoire, la date à laquelle les troupes de M. Bemba étaient arrivées sur le territoire centrafricain a été au centre de l’interrogatoire de l’accusation. M. Iverson a indiqué que les troupes étaient arrivées dans le pays en conflit deux jours plus tard que la date donnée par le témoin. Il a présenté des documents, qui auraient été produits par des membres de la milice de M. Bemba, qui montrent que des soldats du groupe avaient été déployés dans le conflit avant le 28 octobre 2002, date donnée par le ‘‘témoin D04-45’’.
Le témoin avait précédemment déclaré à la Cour que sept à dix soldats du 28ème bataillon du MLC avaient été envoyés dans le pays en conflit le 26 octobre 2002 afin « d’évaluer la situation sur le terrain » mais étaient retournés au Congo le jour même. « Personne n’est resté le 26 à Bangui », a-t’il indiqué en citant la capitale centrafricaine.
Un rapport de situation présenté au témoin par M. Iverson mentionnait toutefois l’arrivée de 151 soldats du MLC à Bangui le 26 octobre 2002. Daté du matin de la même journée, le message aurait été envoyé par le commandant du 28ème bataillon au quartier général du groupe situé dans la ville de Gbadolite au Congo. Dans un autre message présenté par l’accusation, le commandant du bataillon a signalé le 27 octobre 2002 une situation calme et un « bon moral » de ses troupes.
«
N’est-il pas étrange qu’un message concernant les opérations provienne de Bangui si le 28ème bataillon n’y était même pas ? », a demandé M. Iverson.
« Le 27, aucun soldat du 28ème bataillon n’était de l’autre côté. C’est tard dans la nuit du 28 qu’ils ont traversé la frontière », a répondu le témoin.
Les questions suivantes sur ce thème ont été posées au témoin à huis clos. Le témoin a témoigné via un lien vidéo depuis la capitale congolaise Kinshasa. Outre le fait que les juges lui aient accordé des mesures de protection, notamment l’utilisation d’un pseudonyme devant le tribunal et une déformation numérique de la voix et du visage pour le public, l’essentiel de son témoignage a été entendu à huis clos.
Lors de l’interrogatoire mené par l’avocat des victimes Marie-Edith Douzima-Lawson, le témoin a déchargé M. Bemba de toute responsabilité de commandement et de contrôle sur le 28ème bataillon pour la totalité des cinq mois d’intervention dans le pays voisin.
« Le commandant du 28ème bataillon n’avait reçu aucun ordre de M. Bemba lorsqu’il était en RCA », a déclaré le témoin.
Tout en niant les charges retenues à son encontre, M. Bemba, ancien vice-président du Congo, soutient que n’importe quel groupe armé qui était en activité dans le pays en conflit pouvait avoir commis les crimes pour lesquels il est poursuivi. De plus, c’est son axe de défense que de déclarer que ses troupes étaient déployées en RCA avant le 30 octobre 2002. Plusieurs témoins à charge ont déclaré avoir été témoin ou avoir subi des actes de violence perpétrés par le MLC au plus tôt le 25 octobre 2002. Ils ont identifié les auteurs comme des congolais en se basant sur la langue qu’ils parlaient, le lingala, une langue originaire du Congo.
Le ‘‘témoin D04-45’’ a également relaté comment les autorités armées centrafricaines fournissaient des équipements de communication aux troupes étrangères et a décrit les opérations conjointes aux combattants congolais et aux FACA. Le témoin a indiqué que les opérations conjointes destinées à repousser les insurgés étaient coordonnées par le biais d’un réseau radio géré par des opérateurs centrafricains.
Entretemps, jeudi, le témoin a nié avoir amené en salle d’audience un « script » pour guider sa déposition. Le ‘‘témoin D04-45’’ a déclaré qu’il avait plutôt écrit des notes afin « d’être en mesure de se référer à quelque chose » pendant qu’il témoignait.
De plus, le témoin a affirmé que lors du processus de familiarisation qui s’est déroulé avant le début de son témoignage, les fonctionnaires de la Cour ne lui avaient donné aucune instruction précisant qu’il ne devait pas comparaître avec des notes.
« Je suis officier militaire et lorsque je me rends à une réunion ou lorsque je discute de quelque chose, il faut que je prenne des notes. Ici même, dans la salle d’attente, j’ai commencé à prendre des notes et quand je suis entré dans la salle d’audience, l’officier était présent, je n’ai pas caché ces notes et personne ne m’a dit de ne pas les prendre », a-t’il déclaré.
Parmi les notes écrites figuraient des informations sur son contact avec les avocats de M. Bemba, sur les crimes perpétrés par des membres des forces rebelles de M. Bozizé « dont la plupart parlaient Lingala »et sur la fourniture d’équipement de communication aux combattants par l’armée centrafricaine.
Les autres notes concernaient, d’une part, la « mission de reconnaissance » que les soldats du MLC avaient réalisé dans le pays en conflit le 26 octobre 2002 et, d’autre part, l’arrivée des combattants congolais et les structures de commandement des forces communes comprenant les soldats de l’accusé et les forces armées centrafricaines.
« Il se trouve que certaines informations que vous avez écrites sont liées aux mêmes questions que celles qui sont contestées dans ce procès. « Vous n’aviez aucun moyen de savoir qu’elles étaient contestées à moins que quelqu’un vous en ait parlé. Qui est-ce ?», a demandé M. Iverson.
« J’ai écrit ces notes. Personne ne m’a donné d’information », a répondu le témoin. « J’ai été témoin et je connais bien ce qui s’est passé ».
« Avez-vous été payé pour ce que vous avez déclaré lors de votre témoignage ? », a poursuivi M. Iverson.
Le témoin a répondu, « Je n’ai reçu d’argent de personne ».
Lors de l’interrogatoire de vendredi, le témoin a affirmé qu’il avait écrit les notes dans un environnement « fermé et à accès limité » en présence d’un agent de sécurité engagé par la Cour. Avant de pénétrer dans la salle d’audience, les fonctionnaires l’ont seulement informé du fait qu’il ne pouvait entrer avec un téléphone portable.
La semaine prochaine, la Cour observera sa pause de printemps. Les audiences devraient reprendre le 8 avril.
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