21/04/2014
Feu Bomboko Lokumba Is’Elenge
L’émotion suscitée par la disparition de Justin Marie Bomboko, ici au pays et dans la diaspora congolaise à travers le monde démontre à suffisance l’importance du rôle que cet homme d’Etat a joué dans l’histoire politique de la République Démocratique du Congo. Evidemment, ce rôle est interprété de plusieurs manières, et souvent en fonction des positions idéologiques des uns et des autres.
Trois étapes principales caractérisent, au sein de l’opinion, la carrière politique de ce grand pionnier de l’indépendance.
Il s’agit d’abord du brio avec lequel il avait réussi en juillet 1960 à faire admettre la délégation du pouvoir central «pro-occidental» de Kinshasa à l’Assemblée générale de l’ONU au détriment de celle envoyée par le gouvernement « procommuniste » de Kisangani et conduite par Thomas Kanza.
Il s’agit ensuite de son implication, en tant qu’un des ténors du fameux « groupe de Binza », dans l’acheminement de Patrice-Emery Lumumba à Lubumbashi, lieu où ce dernier connut une fin tragique entre les mains de ses pires ennemis de la province sécessionniste du Katanga.
Fausse accusation
Feu Bomboko était connu pour être l’ami des Occidentaux. Lui-même, de son vivant, ne s’en cachait pas. C’est un choix qu’il a assumé jusqu’à la fin de sa vie, non sans parfois connaitre quelques déboires.
Ainsi, beaucoup d’acteurs politiques et d’observateurs lui ont reproché particulièrement d’avoir tendu un piège mortel à Pierre Mulele en 1966. Mais l’histoire renseigne que ce reproche est injuste, Bomboko n’ayant eu qu’une responsabilité indirecte et lointaine dans la mort du chef de la rébellion qui sévissait dans le Kwilu à cette époque.
En effet, comme lui-même s’en était défendu à plusieurs reprises chaque fois qu’on lui avait collé l’épithète de fourbe à propos de Pierre Mulele, jamais Bomboko n’avait eu l’idée de trahir la bonne foi de celui qu’il avait été chargé de ramener à Kinshasa au nom de la réconciliation. Il n’avait jamais, de son propre chef, livré Mulele à ses bourreaux de militaires – les Compagnons de la Révolution, la bande au général Bobozo - qui s’en étaient emparés de force à sa résidence.
L’ancien ministre des Affaires étrangères n’était pas homme à commettre ce genre de forfait. Evidemment, il a beaucoup souffert toute sa vie de l’acte odieux que des militaires avaient commis sur la personne de Pierre Mulele qui était son hôte, et de l’injure suprême qui a été portée à l’endroit de sa propre personne faussement accusée d’avoir manqué à sa parole d’honneur.
Initiateur de la diplomatie congolaise
Je crois fermement qu’en ce moment où, au-delà de leurs divergences idéologiques, les Congolaises et les Congolais s’inclinent devant la mémoire de cet illustre disparu, il serait judicieux de citer quelques-uns de ses mérites parmi les plus méconnus. Je pense principalement à l’énergie que le patriarche Bomboko a su déployer pour bâtir, à partir du néant, une diplomatie dynamique et agissante. Il avait, à cet effet, fait appel à de jeunes universitaires à partir desquels il avait pu constituer une solide équipe de diplomates qu’il a placés dans la plupart des grandes chancelleries du pays à travers le monde. Des diplomates qui, dans chacun de leurs pays d’accréditation, ont fait la fierté du Congo en portant haut son étendard par leurs talents et leur dévouement à la cause de la mère-patrie.
Les hommages que le pays rend aujourd’hui à Justin Marie Bomboko devraient justement nous rappeler notamment le souvenir de l’honneur fait à la République par ces dignes fils du pays dont Justin Marie Bomboko avait été le mentor. C’est une manière de souligner que sans la vision et la clairvoyance du tout premier chef de la diplomatie congolaise, jamais le pays ne se serait flatté de disposer d’une classe d’ambassadeurs de qualité comme Atembina, Bagbeni Adeito, Bavasa René, Bomolo Lokoka, Idzumbuir Asal, Inonga Fabien, Ipoto Martin, Kimasi François, Masangu Jacques, Joseph Mbeka Makoso, Nzekele Thomas, Tumawaku Jean Marie …
En ce qui me concerne personnellement, je me considère aussi comme le produit du patriarche Bomboko. En effet, c’est lui qui m’avait présenté à Mobutu un jour que mon ami feu Essolomwa et moi l’avions trouvé chez lui à Ma Campagne en pleine réunion avec ses pairs du « groupe de Binza ». Et si le président Mobutu m’avait confié en 1967 le journal « L’Etoile du Congo », c’est certainement parce qu’il s’était souvenu de moi à l’occasion de cette présentation. De plus, par la suite, le patriarche Bomboko – de même que papa Nendaka – m’avaient souvent prodigué des conseils pour bien tenir mon rôle aux côtés du président Mobutu, ce dont je leur resterai reconnaissant jusqu’à la fin de ma vie. C’est d’ailleurs ce que je redis en long et en large dans mon livre intitulé «Ce que Mobutu me confiait», à paraître bientôt, portant témoignage de mes trente années de proximité avec le défunt maréchal.
Bref, le fait d’avoir posé les bases d’une diplomatie digne d’un grand pays comme la République Démocratique du Congo est sans doute la contribution la plus significative que le patriarche Bomboko laisse comme héritage aux générations présentes et futures.
Que la terre des ancêtres accueille sa dépouille avec douceur !
Adieu «Bokilo» Bomboko.
Bondo Nsama
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