07/05/2015
Lars Vilk, à la Biennale de Venise. Crédits : Roxana Azimi
Qui est donc ce grand homme svelte aux cheveux blancs, flanqué de quatre gardes du corps ? La question était sur toutes les lèvres hier après-midi à l’Arsenal, l’un des sites de la Biennale de Venise où se trouve un pan de l’exposition du curateur américano-nigérian Okwui Enwezor.
Le Suédois Lars Vilks est bien une célébrité, mais du genre controversé. Artiste de son état, il figure moins dans les chroniques culturelles que dans la rubrique « politique » des médias. C’est que ses œuvres provocatrices dérangent.
En 2007, il a publié dans un journal suédois une caricature représentant la tête du prophète Mahomet sur un corps de chien. Six ans plus tard, sa tête était mise à prix par Al Quaida dans la péninsule arabique. Il vit depuis sous contrôle policière, renforcée après l’attentat en février dernier d’un centre culturel à Copenhague, où il participait à un débat sur le blasphème et la liberté d’expression.
On ose fendre le cordon de sécurité, solliciter quelques minutes de son temps. Lars Vilks a l’air plutôt content de converser avec une journaliste. Depuis février, ses fréquentations sont limitées au strict minimum. Coup de l’œil à ses molosses : ils n’ont pas l’air d’apprécier cet arrêt au beau milieu de l’Arsenal. Mais que fait-il donc au vernissage de la Biennale ? « La même chose que vous, de la critique d’art. »
« Les artistes africains qu’on voit ici ne sont pas transgressifs »
Lars Vilks, qui tient un blog, ne se voit pas en caricaturiste. C’est en artiste qu’il juge l’exposition conçue par le curateur Okwui Enwezor. « C’est de qualité, mais c’est aussi à l’arrêt. Il n’y a rien de neuf, rien de courageux », déclare-t-il, en ajoutant : « Aujourd’hui, les gens ne mesurent la qualité que par les quotas, le nombre d’artistes femmes, etc. ».
La Biennale est un peu trop politiquement correcte au goût de Lars Vilks. « En 2002, quand Okwui Enwezor a fait sa Documenta de Cassel, on espérait que l’art ferait une différence. Que cela changerait le monde, explique-t-il. La révolution n’est que symbolique. Elle n’a lieu qu’à l’intérieur d’un petit milieu. On fait la révolution avant de s’habiller pour aller dans une soirée à Venise. Tant que la révolution reste dans un entresoi, tout va bien. Mais quand elle quitte le petit milieu pour descendre dans la rue, là on n’est plus à l’abri. C’est l’histoire de ma vie. »
Une histoire trop longue à raconter debout dans une allée, alors que quantité d’yeux sont braqués sur nous. Et la forte présence africaine lui demande-t-on avant qu’il ne poursuive sa visite ? Il la salue, non sans réserve : « Les artistes africains qu’on voit ici ne sont pas transgressifs. Ils obéissent aux règles édictées par l’Occident. Et c’est l’assurance du succès. Ici, avec le blanc-seing d’un commissaire d’exposition réputé, on se dit que c’est de qualité. Ils peuvent être lancés, mis sur le marché ».
Rosanna Azimi
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