26/7/2014
Au centre, Floribert Chebeya, à droite, Fidele Banzana,
à gauche, Paul Mwilambwé
(montage J.M.)
Les témoins ont dû prendre la poudre d’escampette
Le procès lié à cette affaire en RDC, on le sait, a été une véritable mascarade à l’issue de laquelle l’on a eu droit à un déni de justice. Les seconds couteaux ont été mis aux arrêts pendant que le patron de la police, le général John Numbi dont la responsabilité est évidente dans l’affaire, a été purement et simplement blanchi. Les témoins qui pouvaient aider à la manifestation de la vérité ont dû prendre la poudre d’escampette pour sauver leur peau. Ainsi l’un d’eux, Paul Mwilambwé, a fui le Congo pour un pays de l’Afrique de l’Est d’abord. Depuis le mois de novembre dernier, il a trouvé refuge au Sénégal. C’est contre ce dernier, qui était à l’époque des faits en charge de la sécurité du bureau du général John Numbi, que la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) a porté plainte avec constitution de partie civile pour crime de torture auprès du doyen des juges près le tribunal régional de Dakar.
Un nouvel espoir d’une vraie justice pour Chebeya et son compagnon Fidèle Bazana vient de naître « au pays de la Téranga » avec la plainte de la FIDH contre Paul Mwilambwé qui affirme avoir assisté au double assassinat. Le Sénégal a donc entre ses mains, peut-on dire, un témoin en or qui pourrait l’aider à démêler l’écheveau de l’affaire Chebeya. Le pays de Senghor, qui a eu l’ingénieuse idée d’incorporer dans sa législation la compétence universelle, pourrait, après Paul Mwilambwé, déposer une autre plainte contre le général John Numbi dont tout indique qu’il ne répondra jamais de ses actes en RDC tant que Joseph Kabila, à qui profite ce double assassinat, sera au pouvoir. Cela dit, le Sénégal doit veiller scrupuleusement à la sécurité de Paul Mwilambwé, ce témoin en or, pour que rien de fâcheux ne lui arrive sur son territoire.
L’affaire Chebeya en RDC, illustre à suffisance les failles de la justice en Afrique
Le pouvoir de Joseph Kabila pourrait avoir des raisons de l’envoyer ad patres pour qu’il n’ait pas le temps de dire ce qu’il a vu et entendu dans le cadre de cette affaire. Cela ne serait pas d’ailleurs inédit en Afrique. Le Rwanda de Paul Kagamé et le Maroc de Hassan II l’ont déjà fait. Cela dit, le traitement qui a été réservé à l’affaire Chebeya en RDC, illustre à suffisance les failles de la justice en Afrique. Le principe de la séparation des pouvoirs qui est fondamental pour la démocratie et l’Etat de droit est un véritable leurre. La réalité est que l’institution judiciaire est aux ordres de l’exécutif. Le régime présidentialiste qui est celui de bien des pays africains est certainement pour quelque chose dans cet état de fait. Il consacre l’omnipotence et la suprématie de l’exécutif sur les autres pouvoirs. Toutes les autres institutions de la République sont à sa remorque, notamment l’institution judiciaire. A propos de cette institution, l’on peut affirmer que tant que le président de la République sera en même temps le président du Conseil supérieur de la magistrature, l’indépendance de la justice sera un vain mot. Et ce ne sont pas les princes qui nous gouvernent qui travailleront à leur propre perte en inversant la tendance. Ce travail revient à tous les Africains épris de paix, de justice et de démocratie. Ceux d’entre eux qui prennent part à la rédaction de nos Constitutions doivent mettre un point d’honneur à doter nos pays d’institutions équilibrées en s’inspirant du principe sacré édicté par Montesquieu selon lequel « le pouvoir arrête le pouvoir ». C’est à ce prix que l’Afrique pourra se débarrasser de tous ces prédateurs de la démocratie et de l’Etat de droit, qui sont aujourd’hui en train d’utiliser la démocratie contre la démocratie.
Pousdem PICKOU
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