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dimanche 22 mars 2015

« La Fabrique des barbouzes », 15 août 1963 : « Restez en ligne, je passe la communication à Colombey »

Le Monde Afrique 
19/03/2015
Par Jean-Pierre Bat

En amont du colloque Foccart qui réunit les 26 et 27 mars à Paris, les spécialistes de cet homme de l’ombre et le gotha des archivistes et historiens d’Afrique francophone, « Le Monde Afrique » propose une série autour de cet événement. Durant toute la semaine seront publiés des articles autour de Jacques Foccart et de la question des archives, donc de la mémoire en Afrique francophone. 

Pour inaugurer cette série, « Le Monde Afrique » publie en exclusivité les bonnes feuilles du livre La Fabrique des barbouzes, histoire des réseaux Foccart en Afrique(Nouveau Monde Editions, sorti le 19 mars). Voici le huitième extrait : 

Le 17 août 1963, à Brazzaville. 
Une foule de manifestants demandent le départ de l'abbé-président Fulbert Youlou. 
Crédits AFP

Jusqu’aux mobilisations du 15 août au matin, qui encerclent le palais, aucun responsable français, à Paris comme à Brazzaville, n’a imaginé que la révolte populaire pourrait prendre une telle ampleur et se transformer en révolution. Les événements s’accélèrent entre 8 h 15 et 10 h, forçant les autorités à prendre conscience de la gravité réelle de la situation : l’abbé Youlou s’aperçoit qu’il est isolé dans son palais. 


Au petit matin, vers 6 h, après un point de situation du général Kergaravat, le capitaine Gozé, commandant des troupes françaises du palais, a reçu comme consigne de Youlou et de sa hiérarchie militaire française de ne surtout pas ouvrir le feu. 

Dès 9 heures, après les premiers attroupements de près de cinq cents Congolais devant les grilles du palais, la situation tactique est la suivante : Youlou refuse de quitter le palais pour se réfugier à l’ambassade de France (ce que lui propose depuis une dizaine de minutes l’armée française pour assurer sa sécurité), et demande que l’armée française continue à assurer sa protection. Kergaravat laisse le dispositif militaire autour de la présidence mais confirme l’interdiction d’ouvrir le feu. 

À 10 h 10, le général Kergaravat se rend au palais pour conseiller à l’abbé de quitter les lieux et de se placer sous sa protection, ou au moins de se réfugier à l’ambassade de France. Refus de Youlou. Vers 11 h, il revient au palais et confirme ses ordres au capitaine Gozé : interdiction d’ouvrir le feu et protection personnelle de Youlou (et Opangault) quitte à l’emmener de force à l’ambassade de France. 


Crédits : Archives personnelles / JP Bat 

De permanence téléphonique pour le week-end de l’Assomption, Paul Bouteiller, chargé de mission au secrétariat général des affaires africaines et malgaches, ne soupçonne pas le degré de dégradation politique à Brazzaville lorsque son téléphone se met à sonner. Au bout de la ligne le général Kergaravat et sa question, qu’il réitère à chaque coup de fil à ses interlocuteurs civils ou militaires à Paris : peut-il engager les troupes de la Communauté contre les manifestants ? Ajoutant que, selon lui, l’intervention de l’armée française ne pourrait pas faire l’économie du sang des manifestants.

Un ballet téléphonique s’entame auprès des plus hautes instances de la République, entrecoupé par les appels de Kergaravat et des Garets, pour trouver une réponse. Mais Pompidou est absent, Foccart à la pêche en mer, de Gaulle à Colombey. Reste Messmer, ministre de la défense, qui se déclare hostile à l’intervention française. Malgré les efforts réitérés pour joindre Foccart, il faudra se passer de son avis face à l’urgence des événements. Mais si Foccart est physiquement hors de portée de son téléphone (erreur qu’il ne commettra sans doute plus jamais par la suite), la connexion d’urgence entre l’Elysée et Colombey fonctionne parfaitement.

La Une du magazine "Révolution" du 24 août 1963.
Crédits : Archives personnelles / JP Bat 

À Brazzaville, Mauricheau et des Garets sont à la manœuvre et cherchent à entrer en contact avec de Gaulle en personne juste après la visite de Kergaravat à 10 h. Sans doute peut-on émettre l’hypothèse que Mauricheau, partisan de la négociation avec les manifestants et du maintien de Youlou dans le palais contrairement à l’opinion des militaires, espère obtenir du général de Gaulle un désaveu de la ligne arrêtée par Kergaravat et des consignes de défense renforcée du palais.

Lire aussi : « La Fabrique des barbouzes » : Brazzaville, base arrière de l’Abako

Tandis que Mauricheau se charge d’appeler l’officier d’ordonnance de l’Elysée, des Garets, qui ne partage pas nécessairement les vues du collaborateur de Foccart, demande au poste d’écoutes et d’interception du Sdece à Brazzaville (poste « Babouin ») d’enregistrer la conversation. Il n’existe que quatre exemplaires de la transcription des écoutes qui suivent : l’exemplaire n° 2 est adressé par le Sdece à Foccart sitôt celui-ci de retour à Paris, et précieusement conservé dans ses dossiers personnels.

« M[auricheau]. - Je suis un collaborateur de Foccart, je suis en ce moment dans le palais du président Youlou. Le président souhaiterait parler au général de Gaulle. Pouvez-vous m’arranger cela. Le général doit être au courant de l’évolution de la situation ce matin, et le président Youlou voudrait entretenir brièvement le général de Gaulle de la nature des ordres qui ont été donnés ici à l’armée française. Ces ordres vont probablement créer une situation extrêmement grave, puisqu’ils prévoient l’enlèvement du président Youlou vers l’ambassade de France, en vue de ne pas assurer l’intégrité de son palais. Le président Youlou voudrait demander au général de Gaulle s’il est possible de faire préciser aux autorités militaires française l’ordre d’assurer l’intégrité du palais ; je reste en ligne.

 X [officier d’ordonnance]. - Où est le président Youlou en ce moment ?

M. - A un mètre de moi.

X. - Restez en ligne, je passe la communication à Colombey. […]

M. - Allô, le général de Gaulle ? Mes respects mon général, je vous passe le président Youlou. 

Y[oulou]. - Le palais est encerclé. Je suis encore au palais, je ne peux pas en sortir, je crois que d’ici quelques minutes je vais tirer, je n’en sais rien, je voudrais que vous donniez des ordres précis à l’armée française, pour ne pas permettre au communisme international de prendre le pouvoir.

D[e Gaulle]. - Voulez-vous répéter je vous prie ?

Y. - Mon général, ça va très mal, le général Kergavarat me dit d’aller me réfugier à l’ambassade de France, je ne peux pas, parce qu’à ce moment-là, je me considère comme démissionnaire du gouvernement. Je suis le pouvoir légal, alors je demande que l’on protège mon palais s’il était pris d’assaut, de la manière qu’on protègerait l’ambassade de France.

[…]

D. - Et alors vous demandez qu’on protège votre palais ?

Y. - Oui, mon général.

D. - Et on ne le fait pas ?

Y. - Eh bien, on le fait mollement, très mollement, au point que si les assaillants attaquent le palais, je pense même qu’on ne me défendra pas.

D. - Qu’est-ce qui vous dit ça ?

Y. - Eh bien, ils voudraient avoir des instructions de vous-même mon général. Je vais aller chercher le général Kergaravat, et lui demander d’avoir tout de suite une conversation avec vous.

[…]

D. - Ecoutez, je m’en vais avoir le général à l’appareil. 

Y. - Oui, on est allé le chercher mon général.

D. - Très bien au revoir.

Y. - Allô, mes respects mon général, je vous passe l’ambassadeur de France qui serait heureux d’avoir de vous des ordres précis. Je ne peux quitter le palais, parce que ce sera interprété comme une capitulation de ma part. Je reste au palais, je demande simplement que le palais soit protégé et que l’armée française fasse le maximum pour aller jusqu’au bout. Mon général, je vous passe l’ambassadeur de France. Merci mon général, je vous le passe. 

Des [Garets]. - Bonjour, mon général.

D. - Alors ?

Des. - La situation est la suivante. Le palais est investi, l’armée et la gendarmerie congolaises ne sont pas sûres, la population à peu près unanime entoure le palais. Si on veut dégager le général Kergeravat indique que cela suppose mille ou deux mille morts. Dans ce cas mon général, j’attends vos instructions.

D. - Qu’est ce que vous proposez que l’on fasse ?

Des. - Personnellement, je crois que le président devrait essayer encore de tenir compte de la situation, de se retirer et faire de nouveau des négociations. Pour le moment, je crois que c’est la solution sage parce qu’il y a l’avenir. Si le président Youlou a sur les mains mille ou deux mille morts congolais, sa position politique est perdue dans le pays, définitivement.

D. - Oui, d’ailleurs, nous n’avons pas...

Des. - S’il n’a pas versé le sang dans son pays, il peut revenir à un moment donné. Moi, je crois que dans l’intérêt du président Youlou, il ne faut pas qu’on fasse deux mille morts congolais, sinon c’est perdu. Je suis à côté du président Youlou, et il comprend aussi que je dis la vérité.

D. - Vous assurez sa sécurité ?

Des. - Oui, naturellement nous assurons sa sécurité.

D. - Vous l’emmenez d’office, alors ?

Des. - Nous l’emmenons à l’ambassade, puis à Maya-Maya ; il voudrait rester ici, mais nous assurerons sa sécurité vous pouvez être tranquille de ce côté mon général.

D. - Des Garets, alors vous m’entendez : premièrement, il n’est pas question qu’on se mette à tirer sur la foule, à l’heure qu’il est.

Des. - Je répète, il n’est pas question qu’on se mette à tirer sur la foule.

D. - Deuxièmement, le président Youlou, nous assurons sa sécurité.

Des. - D’accord.

D. - C’est tout ce que nous faisons pour le moment. Nous n’avons pas de raison d’entrer plus avant dans la question politique congolaise. La seule chose que nous ayons à faire, conformément à nos accords, c’est d’assurer la sécurité du président.

Des. - Nous assurons la sécurité du président, il ne risque rien.

D. - Vous m’entendez ?

Des. - Je vous ai entendu, j’ai pris note et j’ai répété les phrases devant vous, je vous repasse le président Youlou.

D. - M. le président, il n’y a rien d’autre à faire pour vous, que de vous en remettre à notre force militaire, pour votre sécurité personnelle.

Y. - Je reste au palais mon général.

D. - Pour le pouvoir, à l’heure qu’il est, je ne vois pas ce qu’ils pourront faire.

Y. - Je reste au palais, mon général, si je quitte le palais ce serait un peu comme démissionner à ce moment-là.

D. - Si vous ne pouvez rien faire au palais, je vois pas en quoi vous serez plus avancé.

Y. - Quand ils viendront prendre le palais, que je sorte, … leur gouvernement, je ne pourrai plus reprendre les choses en main, c’est impossible.

D. - Enfin, écoutez c’est comme vous voulez.

Y. - J’ai demandé des blindés, non pas pour tirer, mais pour disperser la foule simplement.

D. - Oui, mais d’après ce qu’on me dit on ne peut pas la disperser, autrement qu’en tirant, et alors... politiquement, la France ne se... de prendre cette responsabilité.

Y. - Je ne demande pas que l’on tire tout de suite, tout simplement que les blindés dispersent les gens.
D. - Mais ils ne pourront pas les disperser autrement qu’en tirant.

Y. - Je ne sais pas mon général, les blindés rouleront, ils les verront, les gens vont se disperser d’eux-mêmes. Autrement, j’ai peur d’une chose... l’armée française, d’ici quelques minutes, ils vont entrer dans le palais, alors à ce moment-là, on a beau assurer ma sécurité, mais le pays est perdu, il est communiste.

D. - Il faut d’abord se pencher sur votre sécurité, c’est tout ce qu’elle peut faire, c’est tout ce qu’elle veut faire.

Y. - Oui, mon général. Est-ce que je peux demander mon général, que les chars fassent circuler les foules ?

D. - C’est l’affaire du commandant des troupes.

Y. - Oui, il n’y a que lui qui peut savoir s’il peut disperser la foule sans tirer.

D. - Il n’y a que lui qui puisse le savoir. Enfin, j’ai dit ce que j’avais à vous dire M. le président.

Y. - Oui, mon général, merci bien. »

Sans doute est-ce sur la base de cette retranscription que Foccart s’est forgé la conviction que l’affaire a été mal présentée au général de Gaulle par la diplomatie (le Quai n’est pas très favorable à Youlou) et que les officiers n’ont pas su gérer l’affaire (Foccart reste convaincu qu’une opération d’intimidation aurait suffi sans verser une goutte de sang).

Quoiqu’il en soit, c’est au cours de cette conversation stratégique qu’il est injoignable et que se scelle, malgré Mauricheau, le sort de l’abbé. 

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